Trop de novembre

Il y a trop de lumière pour pouvoir chanter un monde,

une voyelle des mondes nus.

Il y a trop de novembre et je vais écrire et boire un café.

Il n’y a que les lames de la feuille, verticales

et une lourde phrase et un lever.

Le nadir grince sur la vitre et il fait froid

et beaucoup de choses n’arrivent, ni les formes

ne retrouvent leur rythme intérieur, cohérent.

Et je me tais et je neige

et je suis champ et je suis l’autre, apparent et évident.

Un surplus de vue pend sur le ciel

et ce qui n’est pas pluie est souffle et ma langue

est pluvieuse comme une blessure

et les sens sur mes paroles pèsent.

Il y a trop de silence et je pense à toi.

Je porte ces espaces comme règle de ce qui fut décrit.

J’écris comme l’œil rentre en soi.

Dans l’ordre où je continue d’exister

Autour de moi, le monde

Partant d’une phrase vers une construction lyrique.

Le monde qui ne saurait disparaître.

Gardant ses tressaillements et sa violence.

Mélancolique.

Déchaîné avant même que la liberté n’existe.

Avant que je ne puisse le regarder.

Me pencher sur le regard

Dans l’ordre où je continue d’exister.

La main dépasse les limites d’un livre.

Le ciel est bleu et ce n’est que rarement que je peux penser autrement.

En dehors de toute pratique romantique

Être.

Près de la feuille, près de la fleur.

Près des étoiles de la nuit.

Être pluie égale à elle-même.

Être dans la lumière.

Toucher le néant

avant même d’en prendre conscience.

Ici tout est bleu.

Tout me semble être

d’une moindre importance

que le fait que j’existe encore.

Aucun système philosophique

ne saurait égaler

la pureté et la sauvagerie de la chair.

Ici tout est bleu.

J’existe en dehors de toute pratique romantique.

Forme acceptée

J’ai eu la paix et je ne l’ai plus.

J’ai eu beaucoup de temps devant moi.

Je pensais qu’on pourrait écrire.

Qu’on pourrait regarder.

Il vaut mieux que la lumière tombe

à la hauteur de la fenêtre ouverte,

dépassant la pureté avant la mort.

M’enveloppant.

Étant saule qui coule.

Étant forme acceptée.

Renforçant ma lente manière d’être.

Un poète a écrit en faisant guerre à son corps.

Un poète a écrit en roumain.

Ars politicae

Je suis et j’ai toutes les raisons d’être.

Je sais que les partis de gauche confirmeront l’histoire moderne.

Je suis pour être accusé de beaucoup de choses, quand

je ne fais que dire à l’individu que c’est noir, quand c’est noir.

Et je ne suis pas

le plus honnête de ce pays qui est le mien.

Je suis et j’écris (puisque je le veux)

un livre sur la thérapie du travail.

Je raisonne :

l’idée de bonheur personnel

est bonne à jeter dans le lit de l’ennemi de classe.

Poèmes traduits du roumain par Paul Miclau et Ane a Maniutiu.

Partager