Ma place est dans la file

infinie

des figures anonymes.

 

Nul autre lieu.

Parmi eux.

Singulier.

 

Dételé de tout regard,

entravé par l’invisible lien,

je fuis parmi les miens.

*

Ils n’achèvent rien,

demeurent inachevés.

 

Ils ouvrent les mains.

Leurs mains vides.

 

Ils attendent au bord.

Quelqu’un les appelle

 

que tu ne vois pas.

L’ombre de leur fin

 

sourire en dit long.

Ils sont innocents.

*

La douleur du regard

doit demeurer

intacte cachée

comme le corps blanc

que la mort se réserve.

 

La douleur du regard

appartient

à l’héritage intime

non au partage

et sa déchirure

nous lie

par la distance

exigeante.

 

Ne dévisage le supplicié,

la torsion

de l’âme

à travers le regard égaré,

le vestibule affreux

et la charge inconnue

de ce qui vient

à mourir.

*

Elles traversent

la lumière.

 

Elles éclairent

ce qu’elles cachent.

 

Elles parlent

des vivants.

 

Leur secret disparaît

dès qu’on les voit entières.

 

Elles se taisent

dans les feuilles bruissantes.

 

Elles ont l’intensité

de la brûlure.

 

L’instant les disperse.

La voix les recueille.

 

Elles sont imputrescibles

réfractaires.

*

Le retour m’est interdit.

Les fondations témoignent

de l’inachèvement

de la maison

pour toujours.

Je viderai ma vie

à la cuiller

tel l’archéologue

pioche à coups menus

le corps du temps enseveli.

Le rêve d’un retour en avant

retourne en mon ventre

l’enfant qui pas un instant

ne se tait.

Ni avenir ni passé.

Dans l’épaisseur des jours

je palpe ce rien.

Je suis libre va-et-vient

de la vie à la mort.

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