À J.-L. D., belgologue émérite
Exercice de composition française : Imaginez de décrire les Wallons, vos compatriotes, à l’usage d’un ami français de passage[1]
Cher Jean-Louis,
Tu m’as fait l’honneur de me demander quelques renseignements sur les Wallons, peuple dont je fais partie, encore que de manière assez particulière, étant Liégeois de naissance, exilé à Bruxelles depuis un demi-siècle. M’efforçant d’oublier ce particularisme (mais cela, je le reconnais, ne me sera guère aisé), je te propose le rapport ci-dessous, rédigé, je l’avoue, de manière un peu universitaire. Que veux-tu, à mon âge, on ne se refait pas.
- Cadre institutionnel et linguistique
Les Wallons (prononcez « ou-allons », et non « vallons ») habitent le sud du Royaume de Belgique. Ils y constituent une minorité plutôt mal protégée dont la langue usuelle est une variante du français, au demeurant assez proche dans l’ensemble du français hexagonal, dit « standard », celui qu’on entend dans le poste. Il fut un temps où la majorité des Wallons parlaient divers dialectes n’appartenant pas tous à ce qu’on appelle le wallon, membre de la famille des langues d’oïl. Dans ce que l’on désigne à présent par Région wallonne, on a parlé le picard, diverses formes du wallon, le lorrain et même un peu de champenois. On trouve encore des locuteurs de ces idiomes, mais rarement des locuteurs exclusifs. On a aussi parlé, et parle sans doute encore un peu, diverses variétés de flamand, d’italien, de polonais, de grec. On y parle toujours l’arabe dialectal (principalement du Maroc), le turc et surtout, dans les « Cantons de l’Est » (qui constituent de nos jours la « Communauté germanophone de Belgique »), un dialecte rhénan et le luxembourgeois et, pour les affaires sérieuses, la langue dite de Goethe[2]. Pour ce qui est de la langue wallonne proprement ou plutôt improprement dite, on distingue grossièrement entre des dialectes occidentaux, qui ne prononcent pas le -h- aspiré, et des dialectes orientaux, qui le prononcent. Un dialecte jugé incompréhensible par la plupart des autres locuteurs wallons (ne parlons pas des étrangers à ces parlers) est celui que l’on parle dans la région de Liège. Le liégeois, fortement mâtiné de dialectes germaniques, prononce très énergiquement le -h- et est même capable (ou l’était, avant la francisation officielle) de prononcer la jota (ou le -g- néerlandais, ou le ach-laut allemand). Le liégeois a la prétention d’être presque une vraie langue. Il fut parlé au XVIIIe siècle par la noblesse et la bourgeoisie de l’endroit, en marque d’opposition au pouvoir principo-épiscopal[3]. Un compositeur non dépourvu de talent, Jean-Noël Hamal, écrivit sur un livret en wallon (de Liège) un opéra intitulé Li voyêdge du Tchaufontain.ne[4]. Le wallon liégeois possède depuis longtemps une grammaire, une graphie et un dictionnaire, établis par de savants philologues de l’université locale. Le théâtre dialectal liégeois fut longtemps florissant. Il semble que son déclin n’est pas terminé. Certaines pièces jouées jadis au Théâtre communal wallon du Trianon[5] sont d’authentiques chefs-d’œuvre, comme ce Tâti l’pèriquî (Gustave le coiffeur) d’Édouard Remouchamps, véritable comédie de mœurs petites-bourgeoises à la Molière.
Récemment, certains hommes politiques du cru ont rêvé d’unifier les dialectes wallons au sein d’un « wallon standard », dit aussi « wallon Van Cau », du nom de son inspirateur, le socialiste Van Cauwenberghe (d’origine flamande comme son nom l’indique), qui fut bourgmestre de Charleroi avant de devenir, à l’heure où ces lignes sont écrites, Ministre-Président de la Région wallonne. Cette tentative semble avoir fait long feu. De toute manière, on n’imagine pas que des Liégeois auraient pu souscrire à une initiative d’origine carolorégienne.
De nos jours, à ce qu’on dit, les Wallons constitueraient un peuple, donc investi du « droit de disposer » de lui-même, et depuis peu, en raison de ce principe, une Nation. En tant que telle, elle peut faire état d’une assemblée élue baptisée Parlement wallon, d’un gouvernement (pléthorique), d’une capitale (Namur, ville natale de Félicien Rops), d’un drapeau (un coq fièrement dressé sur ses ergots, gueule sur fond or : cet emblème, qui joue sur le même jeu de mots que le coq gaulois, est dû au dessin de Pierre Paulus, qui l’inventa en 1912 pour servir d’emblème aux nationalistes wallons ; ensuite, le même Paulus fut fait baron par le roi des Belges), et même d’un hymne national, le Chant des Wallons, emprunté aux Liégeois, qui le chantent en wallon local. Faute d’un idiome standard, les citoyens de la Région sont invités à le chanter en français[6]. J’ignore s’il existe une version allemande pour les habitants des Cantons de l’Est (ou de la « Communauté germanophone », mais en droit constitutionnel belge, la notion de « communauté », à la différence de celle de « région », ne renvoie pas en premier lieu à un territoire déterminé). À ma connaissance, la Région ne possède pas (encore) de devise officielle, encore que l’adage c’est toudi li p’tit qu’on spotche (c’est toujours le petit qu’on écrase), connu de tous les francophones belges dans cette version normalisée, pourrait très bien remplir ce rôle.
- Description anthropologique
La première caractéristique de l’habitant de la Région wallonne que pour simplifier nous appellerons le « Wallon », est qu’il est vieux. Le jeune, sauf dans certains lieux récemment occupés par des immigrés directement transportés du pourtour méditerranéen, est en Wallonie espèce plutôt rare (et pourtant pas nécessairement protégée). Les origines ethniques sont très diverses : sur un vieux fonds celto-latino-germanique sont venus se superposer les produits de multiples invasions, certaines étant liées aux guerres auxquelles le territoire wallon, très accueillant à cet égard[7], a servi de décor. Après 1945, on vit apparaître quelques indigènes plus basanés que de coutume, laissés pour compte d’une présence de troupes américaines « de couleur », comme on pouvait encore dire en ce temps-là. Mais il n’est pas sûr que leurs prédécesseurs d’outre-Montjoie n’avaient pas laissé quelques souvenirs à d’écervelées jeunes Wallonnes, guère différentes en cela des Belges en général et des autres populations occupées dans divers sens du terme. Une invasion plus pacifique fut, dès le XIXe siècle, celle des Flamands, venus travailler dans les mines et les usines du Sud, avant de se livrer au rachat de fermes wallonnes tombées en déshérence. Ce qui explique l’abondance de patronymes flamands dans la population wallonne, comme en témoigne un établissement politique où des noms de famille tels que, outre le Van Cauwenberghe déjà cité, Onkelinx, Vanderbiest, Cools, Spitaels, Van Gompel, Daerden, Reynders, Demeyer, etc., ont connu ou connaissent une notoriété avérée[8].
Une autre immigration importante fut fournie par l’Italie pauvre des premières et deuxièmes après-guerres. Les mineurs qui vinrent durement gagner leur vie, du Borinage à Liège, ont fait souche. Leurs descendants se sont fondus, comme les môssîs Flamins [9] du XIXe siècle, dans l’indigénat, enrichissant l’onomastique régionale de patronymes sentant bon les Abruzzes, la Sicile ou la Calabre : Di Rupo, Adamo, Barzotti, America, pour ne prendre que ceux-là, illustrent ou ont illustré une greffe bien réussie. Il n’est pas erroné de dire qu’un Liégeois sur dix possède du sang italien (c’est évidemment une métaphore, le sang des Italiens, quel que soit son groupe, n’ayant rien de particulier) dans ses veines, à telle enseigne qu’on a pu donner à ma ville natale, à l’occasion de l’un ou l’autre crime auquel des descendants ou des arrivants de la Péninsule étaient liés, le sobriquet pas forcément flatteur de Palerme-sur-Meuse.
Il y eut d’autres apports démographiques au cours des dernières décennies, notamment maghrébins et turcs, auxquels ce pays de vieux doit de n’avoir pas sombré dans la sénilité généralisée et le blocage de sa reproduction. La disparition du « peuple » wallon n’aurait pas été chose réjouissante, car les Wallons sont plutôt chaleureux, joviaux, hospitaliers, bons vivants, en un mot, qui dit bien ce qu’il veut dire et sans doute un peu plus, « braves ».
Pendant longtemps, le Wallon typique fut ouvrier d’industrie, mineur de fond avant de céder la place à des allogènes, sidérurgiste, métallurgiste, cimentier, extracteur de pierres. Aujourd’hui que l’industrie wallonne tend de plus en plus à s’enfoncer dans la nostalgie d’une puissance révolue, ce type s’est mué en une espèce très spécifique de la région, le « pensionné socialiste », socle de la permanence d’un parti autrefois très revendicateur qui n’en finit pas de trahir tous ses principes de base[10]. La première qualité de ce personnage est la fidélité à un système éprouvé de clientélisme qui, s’il n’est pas digne que d éloges, a quand même toujours protégé la région contre les séductions de l’extrême droite. Même Léon Degrelle, natif de Beauraing, ville de miracles mariaux, ne put rassembler avant 1940 que des petits-bourgeois effrayés par la forte densité de casquettes dans les foules du dimanche.
Les enfants des ouvriers d’hier aspirent surtout à devenir fonctionnaires. Le fonctionnaire wallon, généralement nommé grâce au système de clientèle déjà cité, présente les diverses caractéristiques que l’on attribue d’ordinaire aux fonctionnaires, mais souvent poussées à leur extrême. Ainsi, il n’est pas fréquemment en réunion, il est tout le temps en réunion ; il n’ouvre pas fréquemment son parapluie, il le garde constamment ouvert ; il n’a pas tendance à bâcler son boulot, il le bâcle presque toujours. D’ailleurs, son mot d’ordre, en embryon de wallon standard, est C’est toùdi bon. C’est toujours bon comme ça, on ne va pas se fatiguer inutilement. (Tout ce qui précède est évidemment très caricatural, et il est bien vrai que l’on trouve des Wallons durs au travail, entreprenants, imaginatifs, érudits, intègres, polyglottes, etc. Namur prend des airs de petite capitale, Liège redevient un foyer culturel important, Mons devient une vraie ville universitaire, même Charleroi fait des efforts pour avoir l’air moins négligée. Mais cette caricature correspond à l’image que souvent l’on a colportée des Wallons et pas toujours sans raison, même s’il se trouvait beaucoup d’arrogance dans les propos tenus au long des années quatre-vingt-dix par un Vandenbranden, alors Ministre-président de la Communauté flamande, visiblement très fier de sa théorie d’une « Belgique à deux vitesses ». Toutefois, il reste encore trop de « responsables », et pas mal d’irresponsables aussi, wallons à confondre convivialité et connivence, relation et passe-droit, imagination et vaine agitation. Tout cela semble changer, lentement mais sûrement, tant mieux.)
Les Liégeois et les autres
Une mention spéciale doit être réservée à la variante liégeoise des Wallons, appelés aussi, on sait pourquoi, « Principautaires ». Il n’est d’ailleurs pas sûr, même si c’est dans leur ville que le lexème « Wallonie » est né, que les Liégeois soient des Wallons (moi qui vous parle…). Ou, s’ils le sont, ce sont des Wallons, avec, comme dit la cuistrerie ambiante, « un plus ». Quelque chose leur est monté depuis longtemps à la tête. Est-ce parce que Liège est la plus ancienne capitale à avoir été établie sur le territoire de l’actuel Royaume de Belgique ? Est-ce parce que Liège représente sur la carte la dernière marche septentrionale de la latinité[11] ? Est-ce parce que Liège, encore elle, fut décorée de la Légion d’Honneur en 1919 en récompense de sa conduite héroïque au début de la première guerre mondiale (je douterais assez de cette raison-là) ? Est-ce parce que Liège, toujours elle, a vu se dresser sur son sol le Monument national de la Résistance, hommage pas vraiment illégitime ? La ville a une solide réputation d’irritabilité face à toutes les espèces d’oppression, violation de droits fondamentaux, injustices en tous genres. Valeureux Liégeois est le titre d’un chant semi-patriotique dont la musique, paraît-il, fut composée par un sujet grand-ducal. Il se chante en français et comporte un passage où l’on apprend que le fortissimi sunt Belgae de César ne s’appliquerait qu’aux seuls Liégeois : « César vainqueur de l’univers te décerna le titre de brave… » Voilà la clé de l’énigme, peut-être : les seuls vrais Belges sont natifs de Liège, les autres ne sont que de méchantes copies. Stoeffers, dirait-on à Bruxelles ; grandiveux (prétentieux), dit-on sur place.
Tout visiteur dira que Liège est une ville chaleureuse, qui se pique volontiers d’atmosphère méridionale (il est vrai qu’avec l’important apport italien…). Bien que ravagée par un urbanisme (?) criminel, elle a gardé quelques mouches élégantes perdues dans un océan de verrues modernistes. Et le site même de Liège, avec ses sept collines comme à Rome, reste exceptionnel. La nouvelle édilité s’efforce de sauver ce qui peut encore l’être, de colmater les blessures les plus défigurantes. Mais on ne remplacera pas les larges trottoirs de part et d’autre de la Meuse, les degrés de Saint-Pierre face au Palais des Princes-Évêques, l’extraordinaire café À la Populaire, le plus grand du pays, au rez-de-chaussée de la Maison du Peuple, là où se trouvait, je l’ai vu au début des années soixante, un authentique scopitone[12]. Pas davantage qu’on ne pourra pas ne pas découvrir des horreurs architecturales telles que la Maison de la Culture des Chiroux ou la Cité administrative de la ville, aux côtés desquelles le pastiche néogothique de la gare du Palais, elle aussi rasée et remplacée par n’importe quoi qui n’a de nom en aucune langue, pouvait faire figure de monument d’invention et de sensibilité.
Il n’en reste pas moins qu’un Liégeois pur laine continuera à croire que si sa ville n’est pas devenue capitale du monde, cela ne peut être dû qu’à la malignité de tous les autres, à commencer des Bruxellois, ennemis héréditaires et abhorrés. C’est sans doute la raison pour laquelle ils mettent un tel soin à préserver leurs particularités. Bien que francolâtres (on fête à Liège le 14 juillet, avec cocardes, feux d’artifice et bals aux lampions, le 21 juillet étant une affaire de Belges qui concerne peu les habitants du lieu), ils cultivent dans leur manière de parler le français un accent aisément reconnaissable, dont ils feraient volontiers une orthodoxie. Même les élites universitaires ne dédaignent pas cette marque de couleur locale. Il est vrai que cette façon de nasaliser, d’allonger certaines voyelles, de faire chanter la phrase n’est pas nécessairement dépourvue de charme. Il existe de cette phonologie une variante distinguée, celle qui fait si joliment dire Liè.ge, comme s’il s’agissait des notes finales d’un air d’opéra (de Hamal ou de Grétry, autre né natif évidemment !). Jusqu’à la fin de sa vie, Simenon, l’un des multiples illustres Liégeois (je n’en imposerai pas la liste), avait gardé cet accent, et semble-t-il sans vergogne.
Que dire encore des Wallons qui ne sentirait pas le cliché touristique ou idéologique ? Du reste, parler d’une population ou d’une autre fait vite courir le risque de sombrer dans le cliché. Qu’on se trouve à la ducasse de Mons à l’heure où saint Georges tue le dragon, à Binche à l’heure du grand rondeau des Gilles, le soir du mardi gras, à Namur à flâner dans le délicieux et sulfureux musée consacré à Félicien Rops[13], ou encore à Liège au bistrot du Jardin des Olivettes, un dimanche matin, quand la vieille Simone, quatre-vingt-deux ans, cache-poussière bleu et cheveux blancs (tout le portrait de ma grand-mère maternelle) entonne, sur la petite estrade prévue pour les chanteurs amateurs, accompagnée par un pianiste plutôt bien en doigts, son grand succès Comme d’habitude, c’est d’un monde bien concret qu’il s’agit, dont ne pourrait rendre compte aucune description forcément mâtinée de stéréotypes. Voilà, cher Jean-Louis, que je clos cette composition sur un relatif constat d’impuissance. Tout de même, les Wallons, comme n’importe quelle autre population sans doute, valent le détour. Et peut-être, parce que peu farouches et généralement bien embouchés, un peu plus que pas mal d’autres.
À te retrouver, cher Jean-Louis, dans ton délicieux Paris prémoderne, et avec mes bonnes amitiés de toujours.
Claude
Montegufoni (province de Florence)
25 juillet 2000
[1] II s’agit là évidemment d’un exercice utopique, l’idée même de « composition française » semblant avoir disparu des programmes d’enseignement, du moins en Belgique francophone.
[2] Que sait-on, en réalité, de la langue que parlait Goethe et de sa manière de la parler ? Avait-il l’accent de Francfort, sa ville natale, ou de Weimar ? Parlait-il le patois saxon à la maison avec son analphabète compagne ?
[3] La principauté de Liège, dirigée par un évêque suffragant de l’archevêché de Cologne, vécut de manière quasi indépendante pendant huit siècles avant d’être rattachée aux anciens Pays-Bas autrichiens par les Français en 1795. Le Royaume de Belgique devait issir de cette réunion quelques décennies plus tard.
[4] Le voyage de Chaudfontaine. Chaudfontaine est une station thermale renommée située aux portes de la ville, à l’est, sur l’ancienne route de Verviers. Les graphies de mots wallons que j’ai adoptées ne sont pas nécessairement orthodoxes.
5 Ma grand-mère y fut dame pipi dans les années cinquante et soixante. C’est dans ce théâtre que je pris pour la première fois contact avec l’art dramatique. Raymond Duckers et Marie Fontaine y étaient des vedettes à la renommée bien méritée.
[6] L’auteur des paroles, en wallon, est Théo Bovy, père de l’illustre sociétaire de la Comédie-Française Berthe Bovy. Chanté en français, l’hymne frise le ridicule. Voir mon article : « Qu’est-ce qui fera chanter les Wallons ? », Musique-Musiques 1998. Chronique de la vie musicale en Wallonie et à Bruxelles, Sprimont, Mardaga/Conseil de la Musique de la Communauté française de Belgique, 1999, pp. 7-11.
[7] On se contentera de citer des lieux de bataille comme Fontenoy, Fleurus, Jemappes, Waterloo, Charleroi, Gembloux…
[8] À l’inverse, de nombreux dirigeants flamands portent des patronymes romans, à l’exemple de Delcroix et de Chabert, au parti social-chrétien (C.V.P.), Anciaux et Bourgeois à la Volksunie, parti nationaliste « modéré », et j’en passe. Rappelons que Verhaeren et Maeterlinck, écrivains de langue française, sont d’origine flamande, tandis que Conscience, l’homme qui « apprit à lire à son peuple » (flamand) dans son roman De Leeuw van Vlaanderen (Le lion des Flandres) est le fils d’un marin français. Peter Benoît est un compositeur flamand, tout comme Paul Gilson. Léon et Joseph Jongen, eux, sont des compositeurs wallons (et même liégeois !).
[9] Littéralement « sales Flamands ». Cette caractérisation n’a rien de péjoratif au départ et est d’abord circonstancielle : en 1844, quand on combla le bras de la Meuse qui allait devenir à Liège le boulevard de la Sauvenière, c’est à des ouvriers venus du pays flamand que fut confié cet insalubre travail. L’expression wallonne soulignant leur saleté est avant tout le témoignage d’une réelle compassion. Plus tard, elle est devenue chez certains « patriotes » wallons la marque d’un mépris qui n’honore guère ceux qui l’ont ressenti et proclamé.
[10] Contenus dans le document constitutif du Parti Ouvrier Belge, la Charte de Quaregnon (1892), jamais révoquée jusqu’à nos jours, les socialistes belges n’ayant pas connu d’officiel Bad Godesberg. On y lit notamment que les socialistes sont par définition républicains. Plus d’un anobli rosâtre devrait se sentir un peu gêné.
[11] En réalité, il s’agit de la petite ville de Visé, sur la Meuse. Mais celle-ci fait pratiquement partie de la grande banlieue de Liège et ne fait démographiquement pas le poids face à la capitale de l’ancienne Principauté. J’exclus évidemment Bruxelles, partiellement francophone seulement et vraisemblablement, dans quelques décennies, pratiquement, sinon officiellement, anglophone.
[12] À l’époque où la vidéo n’existait pas encore, il s’agissait d’un juke-box qui faisait accompagner le disque choisi d’un film passant sur un écran situé au- dessus de l’appareil et montrant la vedette en train de chanter.
[13] Rue Fumal. Rien que pour lui rendre visite, un arrêt à Namur s’impose. Le contraste entre cette respectable et un peu guindée préfecture et l’œuvre diabolique de son illustre fils, tôt émigré, est très réjouissant.