Dis-moi quel nom porte cette terre au confluent des hasards

et des guerres…

Me parles-tu de mon pays ?

Vaterland…

Terre filiale. Père, ô Pays d’abondance ! Quel sang coulait en

vos veines

aux siècles révolus ? Quelle langue était vôtre, qui résonne encore au plus profond de moi ? Quelle langue est mienne, en qui chante la Fille du Rhin pour les mariniers d’outre-Meuse jusqu’aux berges de Frise ? Ai-je jamais rêvé être née autre part, en un inconnaissable non-lieu de l’espace du monde ?

Walha, Wallonie…

Rien qu’un nom de papier cloué en la mémoire de l’Histoire étourdie.

Wallonie…

Ainsi nommas-tu l’illusion d’être de quelque part, ton isthme de terre ferme entre naissance et mort.

Ô Pays ! faut-il que je te nomme, moi qui te retrouve de mémoire infaillible où la faim me détourne de mes erratiques croisades, ô Pays mien ! cité sans horizon au croisement des grandes routes, moi qui reconnais ton visage chagrin, que jamais n’enchantent les prodigalités de cieux phosphorescents ou les murmures lascifs d’une mer alanguie.

N’appelle pas l’amertume en tes murs, Médine-la-Morose, mon asile sans grâce, ne gratte pas sous les pierres noires de tes chemins de charbon, sous les seuils des maisons aveugles et silencieuses. Entends la rumeur qui gronde dans les rues. C’est le bruit du monde. Le bruit des lointains inaccessibles.

Entends la rumeur…

Il est tard.

Je referme la porte de ma maison.

Au-dehors, dédale, désordre, dérision…

Il est tard, j’entre en ton silence, ô Pays de naissance, je pénètre en ces lieux matriciels qui m’accueillent.

Ici, dans l’en-dedans, tout instant est prémices d’aube. La nuit me couvre le visage.

J’écrirai

peut-être avant que la lumière n’ouvre mes fenêtres sur le jour annoncé. Mes mots ne franchiront pas les marges de

ma page.

Walha, ma page blanche, t’ai-je jamais quittée ?

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