Il faut renoncer
non pas au centre
mais au rêve
d’y brûler sans cesse.
Il faut renoncer
au secours des mains
sur le livre aveugle.
Elles sont fraternelles.
Il faut connaître
ton pouvoir
d’être là tout entier
sans secours,
accueillant aujourd’hui
la bonté du monde
abîmé,
son débordement.
*
Où sont les berceaux
et l’espace du nom ?
Où la bouche la prière
le baiser ?
*
Chaque vertèbre verrouille
une chambre secrète
où le vent siffle blanc.
Chaque vertèbre serre
double corps en l’alcôve
de coques étanches.
Chaque vertèbre cèle
une serre obscure
où la neige s’amoncelle.
Chaque vertèbre
dresse mât de vertige
et tourment aigu.
Chaque vertèbre est ossuaire,
sécheresse des morts
et poudroiement.
*
Il craint que son corps
ne bascule
sans embrasser
ce qui vaut.
S’il tombe en cet effroi,
il n’en saura rien.
*
Retenir
de ses doigts minces
l’eau qui ruisselle
du visage essoré
lorsque la corde
crie sous le poids.
*
Il suffirait d’un trou
minuscule percé
pour que la souffrance
silencieusement
lâche la main.
*
Amour.
La vague s’y engouffre,
geyser
de givre vif,
implose immense
et se couronne.
Ainsi me ravage
l’amour
lorsqu’il force
mon cœur obscur
à aimer.
*
Le corps défaille
debout.
Les mains solitaires
étirent la plaie,
cousue, reconnue,
à travers le ventre filant
et pliant la douleur
sur son axe.
Insoutenable,
le regard éboulé
défie qui regarde
et le force.
Le poinçon, il l’appuie
à l’entrée d’une sombre évidence,
vestibule des pleurs.
Chacun voile sur soi
le larcin et la plainte.
Sous la lumière ambiguë
de cette perte, nulle naissance.
Seul l’abattement dur,
la cicatrice d’un jeu de deuil.
*
Au nord un mot vivant
contracte
vapeur et glace.
Poing serré, cataclysme
éclatent à la cime,
l’arbre foudroient blanc.
Les amants mélangés
à sang
connaissent cette passion.
Impassible
elle les retranche
à la pointe du plaisir.
*
Je le vois
Emacié
Incandescent
comme s’il savait
d’où il revient
à marche forcée
*
Si absent
tu pouvais surprendre
un seul de ses regards
et l’épanouissement
de cela
qui t’échappe
et la distrait de toi,
cette trahison
te livrerait l’envers
et le désir
qui l’exauce
là où elle disparaît
pour exister.
*
Lorsque ton regard
si jeune
avidement
me transperce,
abolit la figure
fine
en mon visage scellée
de ce qui par dissonance
s’est éveillé,
accompli,
lorsque je m’éprends
de la méprise
où nos regards se croisent
sans se toucher,
je trahis
ton innocence
qui ne demande rien
et ma persévérance
à demeurer vif.*
à mon père
Comme tu l’avais appelé
et craint,
dans le chœur, en répons,
respirant, soulevé
par leur souffle,
tu fus nommé
et disparus.
Voix unique
que l’amour maintient
sous le regard.
Et la déception admirable
de cet effacement.