Surtout, ne pas délimiter le territoire improbable de la famille.

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Au fond, il rôde déjà, depuis longtemps, un inconvénient d’être né.

Aujourd’hui, est-il encore temps de faire de la métaphysique de l’existence ou de l’éthique de la procréation tant seront nombreux, pour ce qui reste à venir, les simples, mais graves, inconvénients à survivre.

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Je n’ai pas le sens de la famille, je n’ai que le sens de la vie en commun, pourvu que ce ne soit pas dans un wagon à bestiaux et que ne me soit pas imposée la morale des autres.

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Au registre des espèces, aucune ne peut tirer plus de gloire qu’une autre.

Et proliférer dans la confusion ne constitue sûrement pas un signe de réussite.

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Il y a pire qu’une incongruité à inscrire l’égalité dans la loi dès lors qu’elle ne sera pas accordée à tout le monde. J’y trouve une forme de preuve d’une civilisation qui se désavoue au bénéfice des opinions arrêtées.

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Au vrai, le plus préoccupant m’apparaît dans ce monopole sur l’éducation que s’accordent la famille et l’État, tout en s’en déchargeant chacun de leur côté, et l’un sur l’autre.

Et en désordre — on connaît le mot « vacances ».

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L’époque ne se trouve formidable que pour les caricaturistes.

Si le géant Atlas portait la Terre, désormais, au jour le jour, chacun s’inquiéterait de la destinée de son fardeau.

Cosmos d’époque.

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Être ou ne pas être, en couple ou pas, et de n’importe quel sexe qu’il s’agisse dans ce brassage, n’apaise aucun tourment à qui cherche une idée d’un bonheur confortable et à sa portée.

Il n’y a pas de monopole des idées convenues.

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En première règle de son choix, ne pas se coucher sous la vindicte.

Démonter tous les mécanismes qui affectent.

Si l’extérieur est dominant, hausser les remparts, fermer les accès.

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Il est trop facile d’imposer.

Ou, en position théorique, de décider comment sera l’enfant. Sans souci aucun pour le monde que ce dernier devra affronter.

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Ce qui remue le plus, ou fait tant de bruit, n’a certainement pas le choix de sa parole. Et, dès lors, obscurcit sa propre voix.

Naître est essentiel, quitte à ce que cela apparaisse banal dans les statistiques.

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Appeler la lumière, d’accord !

Échapper à son ombre, allons donc…

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Comme s’il s’agissait de redouter le cerisier pour la raison qu’il porte son fruit par le merle et par l’abeille. Par le soin accordé à sa couleur.

Au vrai, il serait souhaitable, pour l’édification de quelques-uns, que les potirons poussent uniquement dans les branches hautes.

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Et si je peignais verte l’ombre de ma mère sur le tableau de famille, me faudra-t-il au tribunal rendre compte des manigances du violet ? Complémentaire en désordre.

Toute loi prend des couleurs sombres si elle omet l’équilibre des nuances.

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Peu importe ce que chacun choisit d’accomplir entre midi et quatorze heures.

Ou dans d’autres calendriers.

Nous portons les météorologies de nos éthiques.

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L’alphabet trouve rapidement ses limites.

Entre convention et convulsions, une forme contrôlée ou contrariante de compromis se compose, parfois convenable, qui contient et contente.

Comme une liberté de pré pour la volaille rappelée sans peine en dispersant quelques graines. Un œuf qui ne tomberait jamais loin de l’arbre.

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Trop souvent, être sûr de se trouver sur la plate-forme et oublier de prendre garde au rebord. Un peu comme suivre celui qui ne sait où il va disant que savent ceux qui, par-derrière, le poussent.

De temps en temps, l’idée du bâton dans les roues.

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Faire acte de présence dans l’analyse d’une douleur.

Il n’y a pas d’éclipse à la vigilance.

Pas de sursaut quand tout est surprise.

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Ce n’est pas parce que j’existe que je suis astreint à hurler.

J’ai déjà donné, dans un premier temps. L’incohérence possède ses limites, innées ou acquises.

Pour les décennies à venir, attendre les secours ou amener un projet stable.

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Aucune foire agricole ne tirera profit d’un projet qui sépare la nourricière du président.

L’entreprise ne gagnerait que du foin.

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Il suffira d’un simple dictionnaire pour définir l’adhésion ou le refus. Forme figée qui n’a d’autorité que passive.

L’acception lexicale ne motive en rien le contrôle d’une vie qui, sans rien nommer, va grande et sans nuire sur le chemin de ses sentiments.

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Ce n’est jamais le carrosse qui freine, ce sont certains chevaux que l’on retient.

Les routes sont tracées. Le plus souvent, quand la bave vient au mors, le fouet a été confié à un laquais.

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Aucun épisode ne manque à la série, il n’y a nulle rupture.

Tout qui apparaît, même extrêmement fragile, s’en remet confiant à celui, en premier, qui tend les mains.

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Aurait-on idée de se sentir orphelin d’une différenciation de sexe ?

D’avoir honte d’être le rejeton d’une usine qui ferme ou d’un gouvernement qui tombe ? D’un couple qui se sépare ?

Ce qui sortira du berceau se tiendra debout.

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Qui qu’il soit, si l’on en choisit le sexe, prend le risque du célibataire. D’avoir à se mesurer à sa propre fin prochaine.

De s’aiguiser dans l’amertume au fil des jours.

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Si l’aube libère au port les vaisseaux conquérants, elle jette le voile encore sur les portes dérobées.

Quand les uns s’enivrent de large, d’autres veillent sur l’intime.

La lumière ne pose pas partout les mêmes soupçons.

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En matière de durée, je bénéficie des circonstances de mon âge et du peu qu’il me reste.

Homo sapiens sapiens, dans sa variante economicus, a choisi depuis plus d’un siècle de se condamner et de programmer sa fin. Le seul sursis réside dans un conflit de lobbies.

Et comment donc transmettre ses convoitises ?

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Naître aujourd’hui n’offre plus aucune comparaison avec ce que ce fut.

Difficile d’envisager encore une manière de sortir quand la foule maintient une telle pression sur les murs.

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Dénombrer les abeilles mortes ne sauvera pas les plantes nourricières.

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Ne pas se leurrer.

Ce qui dure a valeur probante.

Les révolutions ne laissent de trace que dans les leçons d’histoire.

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On ne trouvera nulle confiance à portée d’insistance sur des efforts démesurés.

Presser n’empêche pas, en toutes circonstances, de boire le jus frais.

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Grandir n’a pas besoin de modèles à domicile.

Ce qui s’émancipe abrège sa soif à chaque pluie.

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Apparaître ne constitue pas l’acte principal.

Demeurer ne résout rien.

Transmettre commence à trouver quelque valeur.

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Je n’ai pas mesuré par mon existence les différentes valeurs.

Continuer m’est inébranlable et que chacun, je le souhaite, détienne ses fondations.

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Ce n’est pas la sécurité qui nous pousse à demeurer agrégés. Plutôt un fondement hostile qui cherche une expression permanente.

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Ni père ni mère, peu importe. Et même, pourquoi pas, une longue solitude. Mais quand même, garder la possibilité d’un terrain de jeux, d’un endroit où pouvoir connaître l’alphabet de l’autre.

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