Trois poèmes

Kirsten Hammann,

Nous préférons mourir

Nous gisons sous la chute de décembre

les visages couverts de gerçures

la neige commence à nous enterrer

Elle le fait lentement et elle n’a invité personne

 

Nous gisons anonymes

sans pasteur pour bénir nos noms

sans poignée de terre où retourner

sans psaumes

ni quelqu’un pour les chanter

 

Nous gisons sous la chute de décembre

nous préférons mourir mais n’y arrivons pas

La neige commence à nous enterrer

Elle le fait seule et elle ne pose pas de fleurs, pas de stèle

pas une seule ombre où reposer en paix.

 

Ça fait mal quand je pense à toi

Ça fait mal

quand je pense à toi

Ce sont les genoux d’abord

qu’on sort des portes claquantes des bus

et un animal quadrupède sur l’asphalte

Ce sont les cares des bicyclettes

et les pédales

qui se heurtent

et s’emmêlent

dans un enchevêtrement

de métal et de chapines huileuses

et c’est pour les piétons

que je me lève

et les revers

des manteaux, des chevelures

qui se tournent et se retournent

et qui de toute façon ne ressemblent à personne.

C’est un virage sec,

de biais au travers d’une porte

C’est la foule qui se presse à un zinc de hasard

et c’est la cigarette

qui fait qu’un étranger

gratte des allumettes devant ma bouche.

 

Je suis quelqu’un de très simple

Je suis quelqu’un de très simple

 

Pas une lignée n’a serré la main

en jurant mon nom

Aucun récit n’a nourri un langage

dans lequel je pourrais poursuivre une idée

 

Ma naissance n’a rien de divin

je parais non baptisé

et inné comme des déficiences et beautés

dont personne ne peut dire l’origine

 

Ma présence n’a rien d’extraordinaire

Je ne dérange aucune société

en émettant un doute sur sa raison d’être

Je ne discute jamais avec les générations

de la suite de maintenant et jamais

Je ne connais aucune tradition avec laquelle rompre

et aucune attente à laquelle répondre.

 

Poèmes traduits du danois par Karl et Jeanine POULSEN.

© Avec l’aimable autorisation de la revue Poésie des Régions d’Europe (Maison de la poésie de Namur)

Partager