L’otage
L’otage au loin se déclina, bouche en trompe-l’œil,
vision de sabre de qui se sait partir,
Au loin il déchira son nom,
radeau en errance serti de gloires inversées,
Couvant l’espoir d’une brutale conflagration,
Alors que les bateliers pétrifiés dans leur moiteur
transmuaient le large en plages de pendaison.
L’otage au loin de toute proximité
Alerte dans le décousu des charniers
soignait les brasiers de l’ultime révolte
tandis que celle-ci de sa vie avait fait son deuil.
Otage perdu en lui-même,
à l’étroit dans le tout extérieur
Qui avala la concrétion du monde
quand dans sa ténébreuse veulerie
il croyait s’épancher dans le rien du simulacre.
À l’arpenteur des signes,
Éveil
Arpenteur de signes acquis à une généreuse émotion,
diffractant infimes bruissements,
tissant chiffres vitaux, alphabets sauvages
en de magiques affinités,
scripteur de l’événement ouvert aux vents du large,
tout de rire frondeur armé,
qui, du désir des sens à l’irradiance des questions,
a cristallisé saveurs enfantines,
diagonales de ravissement,
en une discrète polyphonie.
Qu’orchestrer sinon une métaphysique du sensible,
souveraine dans l’irradiance de cosmiques alphabets,
affine aux noces de la pudeur et de l’émoi,
fors l’érection d’inédites constellations
déchaînant lignes volcaniques d’une pensée revenant à soi.
À l’Hermès du verbe,
Aubade
À l’aube de chaque mot décocher son secret
quand s’égaillent les rythmes de leurs blessures,
dénuder l’azur de ses moirés apprêts
et que diamante l’éclat de l’élémental.
À l’aube de chaque courbe graver l’incisive tangente
Pont jeté sous des cieux incertains,
creuser la mort tapie au fond de capricieux vocables
et qu’une vie plus haute dans sa fragile
sertisse nos éphémères de ses symboles.
À l’aube des vapeurs d’un apparent chaos,
raviver l’espiègle de feux follets rutilants,
quand, déplié, le perlé d’une mémoire du futur,
dénude le crypté sans en trahir l’obscur
et qu’une sidérante étoile s’élève à chacun de nos pas
phrasés par le messager de vocables en roue libre.
Souveraine
Souveraine arrêtée muselière sous la pluie
Pétrifiée dans une débauche de couleurs,
courtisane du regret le long d’une rouge mélodie
Souveraine hétaïre couchée aux pieds du tyran,
sabre perforant les fronts, morsure – saphique – à même la vie,
Souveraine d’un pays en absence
Et de songes bleus comme la mer intrigante
Souveraine d’une temporalité effacée,
esclave du pulsé et du strié,
surfeuse de morphine, lisse et ductile
Souveraine au corps échancré,
assise sur l’aurore du crime,
en quête, fiévreuse, de tous les levers mondains
Souveraine aux lèvres tendres comme la pomme de Cézanne,
le temps trie sa ribambelle, corroie ses charniers,
Souveraine du minuit exaucé,
promesse tenue de l’aventure d’Igitur,
gardienne du temple devant le charnel.
Citadelle
Elle, aventureuse dans l’émoi, sarclant les plaines de son regard
Toute de marbre parée, arrogante de solitude,
plongeait sa silhouette meurtrière dans le creux des cieux,
Assassine aux mains adeptes du nocturne,
tournoyant ses ancestrales rages en des cercles d’airain
Elle, de ses dépits transmués, ne cessait d’alimenter son fiel,
Cime de toutes les cibles, arbalète de l’intemporel,
Veillant en sa demeure, austère dans l’élément,
capricieuse dans le poème.