La voûte étoilée

Pascal Vrebos,

à Jacques, sur le même chemin

Il leva les yeux et la voûte étoilée lui emplit le regard.

En ce solstice de juin, il avait regardé le ciel par hasard (comme tous les humains le font, de temps en temps), mais cette nuit-là, il sut que sa vie celait une parcelle de sens : quelle émotion devant ce poudroiement d’infinitudes, cette sensation d’être à la fois si dérisoire, si infime mais aussi si proche de toutes ces poussières d’étoiles.

À cet instant, il se sentit relié à… oui, osons le mot, à un impalpable métaphysique, riche d’une seule certitude que nous partageons tous : la mort. Devant ce silence galactique, comment aurait-il pu proclamer que Dieu existât ou n’existât pas ? Il savait qu’il ne savait pas, qu’il ne saurait sans doute jamais et que, justement, avec ce mystère, il devait construire l’idéal sur les ruines du cirque fin de siècle…

Il leva les yeux : il vivait une renaissance, il le sentait sans pouvoir l’expliquer rationnellement… ni le mettre en mots ou même en signes… comme initié à son être le plus profond, nu devant le happening magistral de l’univers.

La plus belle pièce au monde, pensa-t-il.

Inachevée, incohérente, en fusion pétaradante et, à l’unisson, royale, absolue, réglée comme une incantation ancienne.

Le chef-d’œuvre sans chef, peut-être, mais quelle œuvre !

Il leva les yeux et sut qu’il se battrait jusqu’au bout.

C’est vrai, le quotidien de la Cité pourrissait au fil de cette fin de millénaire, plus de grands desseins, mais moisissures, charniers, bubons intellectuels, chancres économiques, essoufflements dans indifférences…

Les langues n’étaient plus de bois mais de béton. Grimasques à gogo. Le chacun pour soi cimenté dans un altruisme de bon aloi. L’exclusion comme hygiène de la mort. Les vérités échevelées, décervelage assuré. Les imposteurs maniaient la bonne parole culturelle et l’oseille : s’aplatir ou mourir. Les anciens jeunes, clowns amers subventionnés qui ne faisaient plus rire personne, étaient encore plus vieux que les anciens vieux. Potentats de quartier qui se prenaient pour Dieu, Eschyle, Brecht, Rimbaud…

Il eut parfois l’envie de jeter l’éponge et de s’occuper enfin de lui. Il aimait dire oui. Il apprendra à dire non.

Il leva les yeux, que ce minuit miroitant était lumineux !

Son séjour inopiné auprès des femmes et des hommes vêtus de blouses blanches, la mort qui l’avait frôlé de près, l’avaient relié au flux vital, à l’essentiel de ce qui se trame, l’avait projeté vers sa vérité.

Cinquante ans après sa naissance, il était à peine midi.

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