Marcinelle 1956. Curieux jardin d’enfants, les murs de ma classe de maternelle ne présentent plus des oisillons de couleurs, partis les pommiers roses, les visages noircis et épuisés des mineurs du Bois du Cazier, qui recherchent leurs frères dans les souterrains de la mort, visages noircis et hagards, punaisés à la diable, ont remplacé les canards et les fleurs et resteront à jamais dans les mémoires des enfants que nous étions.

Plus tard, le 9 août 1982, une fusillade éclate au restaurant Jo Goldenberg, rue des Rosiers à Paris, on déplore de nombreuses victimes, j’y déjeunais la veille… Paris n’aura plus jamais la même couleur.

New York 2001. Tu t’y trouves pour une semaine, le temps de restaurer quelques tableaux, nous avons l’habitude de nous plonger parfois au cœur de cette ville que nous aimons. Cette fois tu es parti seul.

En même temps que tes mails interloqués qui m’arrivent en rafales je découvre à la télé des images dignes de la Guerre des Étoiles, mais là c’est vrai, je me souviens de la pizzeria au rez-de-chaussée des tours, je revois les visages des serveurs, des habitués, tu m’écris « Mon Dieu, un autre avion vient de s’encastrer dans la deuxième tour, cette fois c’est sûr c’est un acte terroriste » Puis « les secours ne sont pas encore sur place ». Des pompiers vont mourir.

Les amis chez qui tu te trouves essaient vainement de joindre leurs enfants à Washington, ils ne parviennent pas à obtenir la communication, tout le monde se téléphone.

Tu resteras à New York trois semaines. La ville magique est devenue une prison.

26 décembre 2004, les tsunamis. La plus terrible catastrophe mondiale. Des voisins voulaient partir passer la Noël à Phuket. Leur voiture stationne devant la maison. Rien ne bouge. Inquiets, après avoir vu le désastre au journal télévisé, nous allons sonner à leur porte. Le voisin nous ouvre. C’est un pédiatre. Il a été retenu par son hôpital à Bruxelles un jour de plus que prévu. Ils ont échappé à la catastrophe. On se jette dans ses bras, on l’aime tout à coup. On y tient à ces voisins qu’on saluait pourtant du bout des lèvres. Ils nous sont devenus chers l’espace d’un péril.

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