Pour Joline

Est-ce précisément pour ça qu’elle a choisi, la carne, de te frapper là ?

Te frapper là, précisément, où tu mettais tant de fierté ?

Bercée, en ces années quarante, aux gorges hollywoodiennes et triomphantes des Maryline, Jane ou Rita.

Conditionnée dans les fifties par les tétons latins et arrogants des Gina, Sophia ou Claudia de Cinecitta.

Dopée par la séduction glandulaire affichée des Raquel, Brigitte ou Ursula.

Bustes en bataille, jetés en pâture à tant de regards, concupiscents ou envieux ; seins de lait voluptueux de madone… dolce vita.

Tu as poussé tes nichons au milieu des autres femelles avec la conscience aiguë d’avoir là, sous la main, d’imparables arguments ; la séduction biberonnée par tant d’augustes mamelles en Technicolor et grand format, comment aurait-il pu en être autrement ?

Doux seins, seins de déesse, planqués ou plantureux, au lourd potentiel érotique, valeur refuge, symbolique, maternante, repos du guerrier et de l’enfant, bientôt démodés par la déferlante androgyne des années psychédéliques… Hello Jane !

Toi, figure de proue magnifique, tu les balades, tu les affiches, tu les soulignes, tu les cajoles.

Et puis… et puis, l’intrus détecté un jour de fatigue.

L’effondrement, d’abord, la panique, le doute… peur de ne plus être ce que tu as été, de te perdre… dans le miroir, dans le regard des autres, sous sa main à lui… pour quelques centaines de grammes de chair en moins, ne plus exister, le reste du corps perdu, orphelin.

La tête ailleurs aussi, dans des nuages noir sombre de fin du monde, de fin de ton monde.

Mais la vie est là, le principe vital, plus fort que tout, si fort en toi, et l’énergie remonte, tu es volontaire, ma battante. Alors tu repars au combat, brave petit soldat.

La lutte, tu la connais, tu l’as connue, fière amazone, guerrière athlétique, sûre de tes certitudes, alors tu la reprends, la lutte, sans sein, a-mazon, les seins coupés, ôtés, effacés des anciennes figures mythiques pour être plus efficace au combat, ne pas gêner le tir et atteindre la cible.

Difficile à garder en point de mire, celle-là, intérieure, sournoise et mouvante, c’est un combat au corps à corps et tu dois le gagner !

D’autres ont refusé d’abandonner à la science des seins siliconés, acquis de dure lutte, préférant la faux au bistouri ; d’autres n’ont pas voulu voir le duel intérieur qui, déjà, les rongeait ; d’autres n’en ont pas eu le temps ; d’autres encore ont laissé à des gourous de hasard le soin de combattre pour elles.

Toi, tu as choisi la lutte, belle amazone, guerrière lisse au torse adolescent, zébré des stigmates de tes batailles. Tu as refusé de croire que ta féminité pouvait être stigmatisée là, concentrée en deux points de chair, alors qu’elle irradie de tout ton être.

Belle battante, vas-y pugnace madone, vas-y, combats-la, cette carne aux mamelles vides, jette-lui ta vie et tes envies au visage, tu es la seule à pouvoir le livrer ce baroud, vas-y, belle a-mazon, plus légère et plus forte, va, ma vaillante !

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