alias Raymonde Parla

Monique Thomassettie,

« Il vit toutes ces figures et tous ces corps unis de mille façons les uns aux autres, chacun d’eux venant en aide à l’autre, l’aimant, le haïssant, le détruisant, procréant de nouveau ; dans chacun se manifestaient la volonté de mourir, l’aveu passionnément douloureux de sa fragilité et malgré cela aucun d’eux ne mourait ; mais se transformait, renaissait toujours […] Au-dessus d’eux planait quelque chose de mince, d’irréel, semblable à une feuille de verre ou de glace, sorte de peau transparente, valve, moule ou masque liquide, et ce masque souriait […] Ce sourire de l’Unité du flot des figures […] au-dessus des milliers de naissances et de décès. »

Il n’y a pas si longtemps me fut donné de voir un film bouleversant dont je ne me rappelle malheureusement pas le titre. D’intenses images d’actualités intemporelles s’y succédaient, des foules bien réelles y traversant le Temps. À chaque époque, leurs rêves étaient pareils, leurs rêves collectifs et particuliers. Les êtres composant ces multitudes en prenaient une tragique apparence d’interchangeabilité.

Un vertige m’avait prise devant ces larges répétitions de générations qui naissaient, passaient, s’en allaient.

Le recul offert au public par l’œil de la caméra avait eu sur moi l’effet contraire : je m’étais sentie en plein dedans, semblable à beaucoup de ces êtres agglutinés, pullulant, roulant et tanguant au rythme d’un sens qui échappe trop à l’humanité.

Mais c’est dans les enfants que je me reconnaissais le mieux, me souvenant de mes rêves d’alors plus forts que ce qui m’entourait.

Après ce film m’était revenu le passage d’un livre lu en 2002, où Hermann Hesse parlait du sourire de Siddhartha que je cite au début de mon cours — cours à prendre au sens fluvial.

Ce sourire qui sauve non pas la face, mais l’âme du monde…

Ce « masque » souriant, peut-on le qualifier de « cosmétique » ?

Je pose la question, car j’ai eu connaissance du thème du nouveau Marginales.

Les ingrédients cosmétiques de cette société n’en seraient-ils pas les innombrables lâchetés ?

À tous niveaux, en tous domaines.

Chaque expérience déçue peut en être un exemple, certes relatif à l’échelle du monde.

Mais ce monde est fait d’innombrables attentes auxquelles répondent ou plutôt ne répondent pas ces lâchetés.

Les limites humaines peuvent les excuser. « Quand on a le pouvoir, on ne peut plus. » Sachant qu’il est moult pouvoirs, maxi et mini.

Ces limites me ramènent à Bouddha souriant.

Et, sous ce sourire, à « l’aveu passionnément douloureux de (notre) fragilité ».

Ces lun.16 et merc. 18 août 2010

Raymonde Parla

docteur ès arts idéaux

P.-S. : Origine de Raymonde Parla. En 2001, j’écrivais dans un recueil 1 : « Jadis (le pseudo) de Raymonde Parla/me tenta/Garçon j’aurais été Raymond, / m’a confié ma mère / Mais ce passé prématuré/me coupait d’une parole présente. » Heureusement, plus tard, je compris, dans un autre recueil 2, que « Quand je parle à l’imparfait, / c’est souvent du futur. »

1 Variations pour songe sur un insaisissable Absolu.

2 La source est mère d’océan.

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