J’aurais dû roupiller là-haut, dans la bergère face à la fenêtre. Les essuie-glaces peinent à balayer la neige du pare-brise, je n’y vois quasi plus. Heureusement, cette route qui dégringole entre les sapins, j’en connais chaque lacet, depuis quatre ans que je la parcours. Un laid matin, j’avais trouvé mamma étendue et frigorifiée sur le carrelage de sa cuisine. Ça fait deux heures, avait-elle prétendu, mais ce pouvait être deux jours. Une chambre se libérait dans l’ancien sanatorium de B* transformé en maison de retraite, que dirigeait une amie. Pas la porte à côté, mais j’avais l’assurance qu’elle y serait chouchoutée. Le lendemain, je l’installais. A-t-elle compris qu’elle finirait ses jours dans l’institution où la silicose, après une décennie de lutte oh combien haletante, avait emporté mon père trente-sept années auparavant ?
Les flocons redoublent, mes lunettes s’embuent autant que la vitre, il me faut ralentir encore. À cette allure, je ne suis pas près de rentrer !
Il neigeait aussi lorsque j’ai apporté les meubles familiers, accroché aux murs les cadres des photos. Pas comme aujourd’hui, mais la pelouse était blanche, les arbres surlignés. J’ai placé la bergère devant la fenêtre. Mamma s’y est laissée choir. Une biche et deux faons ont paru à la lisière, alléchés par les restes que le personnel disposait dans une mangeoire. Merci de m’emmener en vacances, a dit mamma. Avait-elle conscience de répéter les mots prononcés d’une voix sourde à la mort de mon père ? Dimanche après dimanche, elle était venue en car, un litre de vin dissimulé sous les oranges, tomates et autres gâteaux de son cabas. Je l’avais accompagnée les premiers temps. Puis j’étais parti au loin, du moins ce qu’on appelle au loin chez nous ; les poissons rouges adaptent leur taille aux dimensions de leur aquarium, les humains leur notion de distance à celles de leur pays. Elle était seule à son chevet lorsqu’il avait rendu cette âme dont je m’étais souvent demandé s’il croyait vraiment en son existence. À mon arrivée, elle a entortillé autour des mains déjà froides le chapelet noir qui ne la quittait jamais, puis m’a serré contre elle pour m’emmener à la fenêtre. Nous avons contemplé le parc. C’est alors qu’elle a murmuré : « Il a vécu dix années en vacances ». Cloué sur son lit par le goutte-à-goutte et le tuyau d’oxygène, en avait-il jamais rien su ?
Elle, en tout cas, s’y est plongée, effaçant deux tiers de siècle dans une obscure maison d’impasse, elle qui était née dans la lumière adriatique. Elle passe tous ses jours à s’emplir de verdure les yeux et le cœur, déclinant avec un sourire buté chaque suggestion d’excursion, de scrabble ou autre macramé. Seule la messe, mensuelle faute de prêtre, peut l’extraire de sa contemplation…
Oups, touché une congère, la bagnole dérape, se met à zigzaguer…
Un choc…
Encastré entre deux troncs, pas moyen de reculer tant ça patine. Je coupe le moteur. Les portières sont coincées ! Un vrai cercueil, me retrouveront surgelé au printemps. Par chance le déverrouillage fonctionne, je parviens à enjamber le dossier, ôter le couvercle du coffre, soulever le hayon. À septante hivers, jouer les cascadeurs !…
Pas trop de dégâts, des éraflures aux ailes et aux portières, les branches ont amorti. Heureusement qu’il n’y avait pas de fossé ! Je suis presque dans la vallée, pas loin de ce bourg avec un établissement au bord de la rivière. L’été, une glycine exubérante m’incitait à y faire une pause que j’ai toujours postposée. Peu de chance qu’il soit ouvert en cette saison, mais pas le choix !
*
Alice’s tea shop. Saveurs et fragrances. Un panonceau Chambres à louer. Mais enseigne éteinte, persiennes baissées, porte close. Qu’à cela ne tienne, je sonne. Et miracle, des sandales claquent, une clé tourne.
La femme est âgée, visage lisse et rose, cheveux d’argent, potelée dans une ample robe marron parsemée de soleils. Me découvrant en ours polaire, elle prend un air compatissant, ouvre la porte et s’efface. Je suis tellement frigorifié qu’elle m’aide à me débarrasser.
Elle me fait passer dans une salle meublée de rotin et d’étoffes orientales, avec un comptoir en bois sombre et, entre deux baies vitrées, une cheminée où se consument des bûches. Aux murs, des posters pop art qui ont fait les beaux jours des sixties, Jim Morrison et sa face d’ange déchu, Joan Baez et Bob Dylan cheek to cheek devant un micro. Un violoncelle accompagne une voix rêveuse, In doll house rooms with colored lights swingin’
Strange music boxes sadly tinklin’
Drinkin’ the sun shining all around you My, my, they sigh…
Je désigne les baffles : « Donovan ? Toute ma jeunesse ! » Lèvres figées, c’est à peine si je me fais comprendre. Mais ses yeux pétillent :
– La mienne aussi. Vous aimez le thé ? J’allais me préparer un blanc de Darjeeling. Le thé des rois, comme on le nomme là-haut. Moi, je dirais le roi des thés. On ne vous en servira du pareil nulle part ailleurs.
Elle ôte le couvercle d’une boîte. Je n’ai plus d’odorat, mon nez joue les fontaines Wallace, mais il me semble courtois de m’extasier.
– Vous ne trouverez ici que des variétés de premier choix. J’ai voyagé pas mal, je connais des planteurs qui me les font parvenir sans intermédiaires. On vient de loin pour les déguster. Mais bien sûr, à cette saison et avec ce temps, je n’espérais personne.
Elle sourit comme si ma visite était un merveilleux présent, met l’eau à frémir et m’invite à prendre place devant l’âtre. Pendant qu’elle ébouillante une théière en porcelaine de Chine et y verse trois pincées de feuilles, j’avise une vieille affiche de cinéma.
— Alice’s restaurant ! J’avais tellement vibré que j’étais resté à deux séances d’affilée. Ce devait être vers…
– 1969 ! J’avais vingt-deux ans, comme Arlo Guthrie… Calculez, moi aussi je suis dans la dernière année de mes golden sixties !
– Un an qu’elles m’ont quitté !
– Mes condoléances ! Nous qui nous proclamions Forever young!
– Le film d’Arthur Penn vous a inspiré le nom de l’établissement ?
– Bien sûr, mais je m’appelle vraiment Alice. Comme cette femme qui avait fait d’une ancienne chapelle un restaurant, j’ai transformé en salon de thé la demeure de ma grand-mère.
Elle verse dans les tasses un ruban d’ambre clair, porte la sienne à ses lèvres, effleure le bord : « Divin ! » Elle étale sur une soucoupe des tranches de cake « fait par une amie qui le parfume avec un zeste de son âme », vient poser le plateau sur une table basse et s’installe de l’autre côté :
— L’arrière donne sur la rivière. En été, j’ouvre une terrasse avec des parasols. Et surtout, des fleurs à profusion. Un hommage à cette merveilleuse époque. Ou plutôt cette époque d’illusions merveilleuses…
– Vous étiez hippie ?
– Aïe ! Vous manquez de périr dans le blizzard, et moi, vieille pie, au lieu de vous réconforter, je vous achève avec mes bavardages. En deux mots…
Deux mots qui en font mille. Famille bourgeoise, mariée toute jeune à un brillant chirurgien esthétique. Esthétique du corps s’entend, pas de l’esprit ni encore moins de l’âme. Et tout de suite l’ennui, obligations fastidieuses, relations assommantes, amants qui ne le sont pas moins, shopping de luxe pour tenir son train de maison… Huit ans, puis elle demande le divorce, prononcé à ses torts. Objet de scandale, rejetée par les siens, privée de ressources, elle suit sur les chemins d’Orient des prospecteurs de spiritualités factices qui s’avachissent dans les drogues dont ils espéraient l’illumination. Elle-même s’en arrache de justesse. Revenue dans un état lamentable, elle débarque chez sa grand-mère, une excentrique, la seule à ne pas l’avoir ostracisée. Celle-ci la fait admettre dans une clinique aux méthodes contestées, secte dont le psychiatre est le gourou. Elle fugue, replonge, revient chez sa grand-mère qui la prend en mains. Soins du jardin, balades en forêt, bains dans la rivière. Elle décroche tout à fait, repart en voyage, évite les tentations, jouit des rencontres en les sélectionnant. Désormais, elle sent à qui elle a affaire. Au décès de la vieille dame, elle hérite de sa maison en même temps que de sa philosophie, modeler chaque instant et s’en emplir, sans rien vouloir ni espérer de plus. Il lui faut gagner sa vie, elle ouvre un salon de thé, loue des chambres d’hôte. Ce qu’elle gagne en été lui suffit pour l’année. Elle est en paix. Elle est heureuse.
– Oui, une époque d’illusions merveilleuses, flower power chez nous, décolonisation ailleurs… Tant de promesses que nous n’avons pas su tenir ! The times are changing! Mais le temps a coulé, rien n’a changé si ce n’est en surface. No more war! Et la violence est toujours là. Daesh a remplacé la Guerre d’Espagne, la Shoah, le Vietnam, le Cambodge. Regardez ce poster célèbre entre tous, le soldat frappé en plein élan, Why? La question est restée sans réponse ! À moins que la seule réponse ne soit la nature humaine, toutes ses formes d’avidité, son désir de domination. Nous nous affirmions dégagés de la tyrannie de l’avoir, elle asservit notre monde comme nous n’aurions pu l’imaginer dans nos pires cauchemars. Notre contestation l’a hissée au pinacle. Il est interdit d’interdire a servi de tremplin au Je veux tout et tout de suite ! Attente, frustration sont désormais intolérables. Notre exigence de liberté absolue nous a jetés dans les fers. Les écoutilles se sont refermées sur des esclaves qui se sont capturés eux-mêmes.
Nous buvons en silence, hypnotisés par le tournoiement des flocons. Elle a un geste las et secoue la tête.
– Déjà enfant, je passais tous les Noëls ici. La neige derrière une vitre m’a toujours fascinée.
– Moi, je n’avais sous les yeux qu’un mur incrusté de poussier. Même la neige semblait sale. D’ailleurs, elle était rare et ne tenait pas. Mais l’enfance de mon père s’était déroulée dans la montagne. Il n’en parlait jamais sans émotion, les gels de quatre mois, les patinoires improvisées, les bagarres de boules, chaque matin dégager la porte, se creuser un couloir à la pelle…
– Où cela ?
– En Herzégovine. La Yougoslavie, à l’époque… En 45, les alliés ont livré à Tito ceux qui avaient combattu pour l’État croate, sans distinction entre volontaires et conscrits. Beaucoup ont été fusillés. Il est parvenu à s’échapper via la Slovénie et l’Italie. En cours de route, il a rencontré ma mère, une Italienne dalmate qui, elle, avait dû fuir les représailles des Oustachis après la capitulation de l’Italie. Tous deux se sont retrouvés en Belgique, où les charbonnages embauchaient. Je suis né apatride. Réfugié, dirions-nous aujourd’hui, et guère mieux traité. On ne m’a laissé devenir belge qu’à onze ans, après la catastrophe de Marcinelle.
– Vos parents ne sont jamais retournés là-bas ?
– À sa mort, en 1975, mon père y était encore persona non grata. Moi-même, je n’ai jamais voulu y aller. Né d’une double émigration, à force d’avoir été le Yougo entre Polaks et Macaronis, je devais rejeter mes origines. Ou alors, les confiner à l’univers des mythes. Les esclaves américains n’ont-ils pas bercé le rêve d’un retour en Afrique ? Sa réalisation au Liberia par une poignée de leurs descendants s’est muée en cauchemar. Mon inconscient devait redouter pareille déconvenue.
– Les chemins de vie s’entortillent et s’entrelacent. À quelle vérité nous mènent-ils ? Votre père sait, le jour se rapproche où vous et moi saurons.
– À moins qu’il n’y ait rien à savoir !…
*
Alice m’a conduit à l’étage, une chambre au chêne patiné, garde-robe, commode, fauteuil crapaud. Elle m’appellera pour le repas. Je l’entends remuer des casseroles en écoutant Dylan. J’écarte les rideaux. La fenêtre donne sur la rivière, dont je pressens la traînée ténébreuse. Il neige de plus belle et les tons s’assourdissent. Bientôt, il fera noir.
Je repense à nos dernières paroles. Quelle vérité ? Longtemps que je professe ne plus m’en soucier. La mécréance m’est tombée dessus à seize ans, alors que j’étais adossé à un pilier dans la modeste église de notre cité minière. Tous ces braves et moins braves gens confits en feinte ou réelle dévotion m’ont soudain paru insolites. La divinité pouvait exister ou non, ça la concernait, et non plus moi. La certitude m’a sidéré que si elle existait, ce ne pouvait être sous aucune des formes par lesquelles les religions grugeaient leurs adeptes. Comme si notre pauvre église, avec ses briques ternes incrustées de charbon, m’avait élu pour racheter le mauvais tour joué naguère par une trop brillante consœur à un certain Claudel. Je n’en ai pas moins continué d’assister à la messe pour ne pas chagriner mamma, observant avec la curiosité d’un entomologiste penché sur ses coléoptères. À l’une ou l’autre réflexion, j’ai supposé que mon père faisait de même pour tenir un serment à sa fiancée, qui n’aurait sans cela jamais consenti au mariage.
L’irritante superstar Jésus-Christ des sixties – au même titre que ses avatars importés d’Orient, que les fleurs, les drogues, les manifs pour la paix, tout ce nunuche bouche en cœur – m’a préservé, invétéré sceptique, des engouements du temps de ma jeunesse. Une foi comme celle de mamma toujours m’a stupéfié.
Je l’ai trouvée ce matin comme à chaque visite installée face à la vitre, suivant du doigt la dérive d’un flocon. Une messe de Noël était prévue au grand salon. Je l’ai prise par le bras pour l’aider à se lever, s’installer dans sa voiturette. Elle m’a semblé plus légère, plus diaphane que les pétales de neige. Le prêtre était retardé par l’état de la route. Je nous ai pris deux Campari, le sien dans un bec de canard. L’arbre trônait avec ses boules et ses guirlandes, un CD enchaînait Mon beau sapin, Stille nacht, I wish you a merry Christmas. J’ai dû l’aider à boire. Elle, dont l’apéritif dominical avait représenté l’icône du bonheur, n’a pas manifesté d’émotion. Son regard s’est figé sur la fenêtre, les épures noires des arbres dans les tourbillons blancs. J’ai poussé ma chaise contre elle et lui ai enlacé les épaules. Elle n’a pas bronché, depuis quelque temps elle ne me reconnaissait plus que par intermittence. Mais dans le brouhaha des visites, nous étions ensemble et seuls au monde.
Quand le prêtre est arrivé, je l’ai roulée au premier rang et me suis retiré au fond de la pièce.
« Le Christ est né ! Que sa paix soit avec vous ! » a dit l’officiant d’un ton clair, ouvrant les bras en signe d’accueil. Jeune, le visage avenant, un début d’embonpoint lui donnant l’air bonhomme, il a évoqué avec émotion la Sainte Famille sur les routes, un jour pareil à celui-ci, même si, a-t-il concédé avec humour, il tombe rarement en Palestine autre chose que des bombes. Cet homme m’a déconcerté. Intelligent, cultivé, il ne pouvait ignorer que cette belle histoire était pétrie de légende, qu’il n’existait aucune trace historique d’un Jésus de Nazareth, que même si ce prétendu fils de Dieu avait réellement vécu, il n’avait pu connaître le tiers du quart des péripéties qu’on lui a prêtées des décennies plus tard. Comment pouvait-il mentir – ou se mentir – avec une telle ferveur ? Ne pas ébranler les certitudes de vieux qui y raccrochaient leurs derniers jours ? Mais il devait tenir le même discours en des contextes où la réflexion aurait pu et dû questionner la foi. Quel était ce mystère ?
Au restaurant contigu, le personnel dressait les tables, riant, s’apostrophant. La vaisselle s’entrechoquait. Je me suis senti heurté par ce manque de respect, fût-il involontaire. En contradiction avec mes pensées – « mauvaises pensées » retournées contre ceux qui s’étaient jadis évertués à en incruster en moi la culpabilité –, j’ai éprouvé de la honte à être là sans croire, voyeur et censeur. Le prêtre, lui, semblait accueillir ces bruits de la vie comme un élément de cette foi qu’il rayonnait sans affectation. Il a entonné l’Adeste fideles. Il chantait faux, nombre des ouailles plus encore. Tout à coup, j’ai vu le visage de mamma s’illuminer. Elle qui ne se souvenait pas de ce qu’on lui avait dit vingt secondes plus tôt n’avait rien oublié des paroles en latin. Sa voix, qui avait enchanté la paroisse, s’est élevée au-dessus du chœur chevrotant. À nonante-deux ans, elle avait conservé son ampleur, sa justesse, presque la pureté de son timbre. Ma poitrine s’est nouée.
Le prêtre a enchaîné, Il est né le divin enfant. Avec des paroles revues et bêtifiées par la nouvelle liturgie. La tradition chrétienne n’aurait plus dû me concerner, mais cette transgression m’a fait mal. Et pas rien qu’à moi, j’ai perçu un flottement. Jusqu’à ce qu’à nouveau mamma rétablisse l’orthodoxie, emmenant dans son sillage une part de l’assistance. Je me suis senti fier d’elle. Face à ce retour de flamme, le prêtre a eu un sourire bienveillant. Il a baissé le ton, laissant s’exprimer sans heurt la querelle des anciens et des modernes.
« En ce temps de Noël, pensons à ceux qui souffrent, et tout particulièrement à ceux que la guerre ou la misère ont jetés sur les routes, que notre égoïsme refuse d’accueillir, que nous entassons dans des camps de même que jadis la population de Bethléem a relégué dans une étable un homme et sa jeune femme sur le point de mettre au monde. Mais au moins avaient-ils un peu de foin pour y coucher l’enfant, un âne et un bœuf pour le réchauffer. Jésus, aujourd’hui, serait peut-être mort noyé comme le petit Aylan. »
Des mots qu’on était en droit d’attendre, qui pourtant m’ont surpris et bouleversé. Cette utopie d’amour universel, prêchée il y a deux mille ans par un homme dont l’existence est sujette à caution et si souvent malmenée par ceux qui la proclament, transcendait l’existence ou l’inexistence d’une divinité inconnaissable. Il en allait de même pour tant d’autres, compassion bouddhiste, aumône pilier de l’islam, flower power de ma jeunesse. C’étaient les voies de cette fraternité, cette ouverture bienveillante, indissociables de notre humanité, qui m’ont soudain paru impénétrables.
Et tellement erratiques, me dis-je à présent, dans cette chambre où m’a conduit cet impromptu Voyage d’hiver.
Me vient à l’esprit que des croyants partent en Syrie combattre pour leur foi comme des militants sont naguère allés en Espagne défendre la démocratie ou des hippies ont pris la route en quête d’universelle béatitude. Et que ces croyants se font entuber par Daesh comme les brigadistes se sont fait entuber par Staline, les hippies par les thuriféraires des paradis artificiels. Encore qu’en fait d’atrocités, Abou Bakr al-Baghdadi et Timothy Leary ne sont ou n’ont été que de petits massacreurs de province en regard de l’ex-dictateur soviétique.
Oui, Alice, à quelle vérité nous conduisent nos chemins de vie, aussi tortueux, entrelacés qu’ils soient ? Qu’importe ! D’en bas me vient la voix de Bob Dylan : The answer, my friend, is blowin’ in the wind… Et la neige dans son hypnotique voltige emporte mes interrogations.