Vendredi

Atterrir à Fiumicino, quitter la grisaille bruxelloise, prendre le Leonardo Express jusqu’à Roma Termini, se précipiter dans le premier bar et commander un espresso.

Faire la connaissance d’Irène qui est romaine, qui parle le français sans accent, qui a vécu en Belgique, qui va partir à Francfort faire un Leonardus (1), dont l’ami est anglais. Retrouver un groupe d’Italiens, d’Espagnols, d’Allemands, d’autres Italiens encore, saluer tout le monde, sono Belga, vengo da Bruxelles, faccio la scrittrice, partir en bus loin vers le sud, encore plus loin que Naples et son volcan, vers Melfi, dans la Basilicata.

Voyager avec Amandine et Donatienne, qui étudient en Belgique et viennent de faire un Erasmus l’une à Bologne, l’autre à Padoue. Elles parlent avec tout le monde, avec les autres étudiants surtout, elles retrouvent l’Italie de leur Auberge espagnole (2). Elles parlent vite, avec exaltation, avec les Italiens les plus extravertis du groupe. Compter sur leur italien pour commander une boisson, régler l’addition, payer le bus : le mien est tout rouillé. Lire la suite


Ce dimanche

Ma chérie,

Enfin je trouve un moment de calme et de fraîcheur pour jeter quelques nouvelles sur le papier. Il est un peu plus de 22 heures, et la nuit romaine commence à peine (nous nous levons tôt, nous nous couchons tard, et nous faisons la sieste aux heures les plus chaudes).

Notre résidence se trouve dans les Jardins de la Villa Borghese, sur les hauteurs de Rome, au milieu d’un grand parc. Le jour, on peut y lire au calme parmi les touristes qui pique-niquent, les joggeurs, les enfants qui jouent près des fontaines tandis que leurs mamans bavardent ou lisent à l’ombre. Mohammed Radi et Alaa Mohammed venaient d’entamer une tablette de chocolat offerte par des soldats américains lorsqu’ils ont été tués, avec trente autres enfants et adolescents, par un attentat mercredi à Bagdad. Lire la suite



Tu pars quand toi ? En septembre. Ah en septembre, seulement ! Combien de temps, trois mois ? Non, trois semaines. Ah, trois semaines, juste des vacances alors ? Et c’est quoi ton coin ? Et l’autre mi-agacé, mi-pudique, d’avoir à rendre public ce qu’il croyait encore secret, privé intime, mais énorme (quoi, son coin, comme s’il s’agissait d’un carré d’herbe en Bourgogne ou dans le Namurois, annexe ensoleillée d’un jardin quotidien option caravane), gêné comme si on lui demandait le montant d’une éventuelle bonne fortune, et ça en avait l’obscénité, il le savait, et répondit, atone : la Thaïlande. Oui, fait le premier, ça je sais – ouf, rien ne dut être dévoilé, le secret se savait, il n’y avait que bienveillance dans l’interrogation, mais l’autre, fatigué, triste peut-être de remuer tout ça, il me donne bien, à moi, des bouffées d’aéroport, d’air conditionné, de foule, de coriandre, de coco, de cumin et d’encens, de diesel, de rues enfumées par les bus et les took-tooks, alors lui, pas demander, avec ses gosses et sa femme qu’il ne reverra pas avant septembre, et son « coin », sa double vie incompréhensible et exotique, lâche, laconique et terminal : près du Cambodge. Lire la suite


« Tu devrais me flanquer une petite trempe, de temps en temps. Tu ne me frappes jamais. Pourquoi tu ne me frappes jamais ? Tu peux, tu sais. Un jour, si tu as envie, tu peux me frapper. Tu peux me flanquer une petite trempe. Pourquoi tu ne me flanquerais pas une petite trempe, de temps en temps ? Tu devrais, tu sais. » Lire la suite