Le 5 septembre 2005 à 4 h 35 du matin, Aurèle et Rose partagèrent leur premier joint sur le parking de la boîte de nuit La Panthère rose, réputée pour son DJ à la techno déjantée. La fumette allait être le début d’une passion digne des plus beaux films d’amour. Ce fut Rose qui d’un coup délicat de sa chaussure à talon aiguille écrasa le mégot encore humide des salives mélangées.

Le 16 novembre 2005, les deux tourtereaux décidèrent tambour battant que les flirts sur les parkings d’autoroute et les petits coups tirés vite fait bien fait dans des toilettes publiques ne comblaient plus leurs attentes. Aurèle voulait davantage, Rose aussi. L’amour a toujours raison. Les cœurs à l’unisson, ils emménagèrent dans une annexe de l’appartement des parents d’Aurèle.

Le 1er janvier 2006, Aurèle et Rose s’enfuirent et se jetèrent dans le premier taxi venu. Ils errèrent dans la nuit menaçante, leurs mains jointes serrées à se rompre, jusqu’à ce que le chauffeur les déposât en un lieu anonyme que nous ne citerons pas pour éviter toute ressemblance avec des faits réels. (Précisons ici que La Panthère rose est un nom d’emprunt.) Excédé par les critiques virulentes de son père à l’égard de l’amour de sa vie, Aurèle avait intimé à Rose l’ordre de plier bagage, alors que lui en faisait tout autant afin d’échapper au flot d’injures homophobes déversé par son paternel. Lire la suite


Il fut le premier sur la liste à être écarté de l’entreprise qui avait été son seul employeur jusqu’à présent. Quatorze mois et trois jours dans le domaine de l’hydraulique. (Énergie de pointe sans émissions de CO2 ! Notre force est dans le futur du citoyen responsable !)

Crise, restructuration, réorientation, les mots se mélangeaient dans son esprit chahuté par la nouvelle.

« L’hydraulique, c’est une grande famille, tu n’auras aucune peine à te recaser », l’avait rassuré une collègue. Lire la suite


Martial approcha l’index de la paroi et l’effleura. Les algues remuaient mollement, portées par de légers remous. Le garçon pianota des ongles. C’était le signal. Frémissants, les guppys mâles s’agglutinèrent contre la vitre en remuant la queue. Leurs yeux minuscules semblaient fixer Martial. Leurs nageoires orange et turquoise brillaient dans l’eau claire. Les guppys filèrent vers la surface. Les femelles vinrent ensuite, plus lentes, de couleur terne, accompagnées par quelques platys, danios rayés et poissons-haches. Plusieurs femelles guppys avaient un ventre énorme. Dans un coin de l’aquarium, les deux télescopes aux longs voiles nageottaient, collés l’un à l’autre comme des siamois. Des laveurs de vitre noirs sinuaient entre les plantes, à quelques centimètres du fond de graviers. Un poisson-hache fit un bond de plusieurs centimètres au-dessus de la surface. Lire la suite