Des drapeaux, j’aurais dû en voir des tonnes, à bord du train de la littérature. De Lisbonne à Berlin, en passant par Minsk et Vilnius, il y en avait sans doute sur toutes les façades officielles. Des drapeaux pleins de couleurs, des drapeaux qui claquent au vent, des drapeaux rectangulaires, en tissu léger, comme tous les drapeaux. Mais je n’ai rien remarqué. Je devais m’intéresser à autre chose. Le train s’arrêtait, le train repartait, il y avait tant de visages à scruter, tant de couchers de soleil à contempler et de formes de tram à répertorier que les drapeaux, je n’y ai prêté aucune attention. Pas plus qu’aux frontières, d’ailleurs. Ce qui est parfaitement logique, me semble-t-il : qui célèbre une nouvelle nation trace une nouvelle frontière. Et, je l’avoue volontiers, les drapeaux, les hymnes nationaux, les armoiries et les nationalités, moi, je ne les digère pas bien. Ni ceux d’ici ni ceux d’ailleurs. Pas plus la fierté wallonne que la fierté flamande. Pas plus mes racines que celles des pissenlits que je mangerai plus tard. Je les mangerai peut-être ici, peut-être ailleurs, cela ne me préoccupe pas du tout. Les arbres ont des racines, dit-on parfois, les hommes, eux, ont des jambes. Ils n’oublient ni qui leur a appris à marcher ni qui les a aidés à faire leurs premiers pas (et leur première bosse au front, quelques mètres plus loin), mais le meilleur moyen de montrer que cet apprentissage a servi à quelque chose, c’est de marcher le plus loin et le plus longtemps possible, pas de rester sur place. Lire la suite


Et si on disait que là-dessus il n’y avait rien à dire, que toutes ces histoires n’étaient que foutaises, le bilinguisme, la nation, la capitale, la noblesse, l’académisme, la littérature, Bruxelles donc, et tout ce qui va avec, parce qu’après tout – ou avant tout, peut-être ; question de sincérité – combien y aurait-il d’habitants dans cette ville si nous n’étions pas forcés d’y habiter ? Lire la suite