Cavaglieri pleurait. Cette masse noire prostrée contre ce mur blanc, c’était lui, le ténor, le maestro, celui qui faisait frissonner le public, de l’Albert Hall à la Scala, lorsque sa voix s’élevait comme un envol d’anges. Qui l’aurait reconnu, dans cette ruelle de Biarritz, inondée de soleil, où rien ne venait troubler le silence ? Rien ? Il y avait bien le chant de cette gamine. Une sorte de comptine enjouée que la fillette fredonnait d’une voix aiguë. L’enfant devait se trouver de l’autre côté du mur, dans le parc de cette superbe villa dont on ne voyait que les toits. C’était un rire plus qu’une mélodie. Pas de quoi susciter des larmes chez un professionnel du bel canto, vraiment. Et puis, un costaud comme lui, dans la force de l’âge… Il devait avoir la boisson triste. Oui, c’est cela, il avait dû forcer sur la grappa.
Cavaglieri pleurait mais il n’avait pas bu une goutte d’alcool. D’ailleurs, il n’était pas midi et le ténor ne buvait guère, à part un verre de Brunello à table, de temps à autre. Et puis, pleurer était un bien grand mot pour cette larme pas encore née qui n’avait toujours pas débordé de ses yeux. Lire la suite