« Jacques, on vieillit autour de toi. Que dirais-tu de vieillir autour de nous ? Tu as encore tant à nous apprendre. »

Ma mémoire fuit. « L’âge… » est-il écrit dans le visage de ceux à qui j’en parle, n’osant avancer ce qu’ils enterrent sous d’innombrables théories (mon cerveau serait un disque dur d’ordinateur en cours de délestage sélectif). J’ajoute que je ne dors pas. Ça les rassure, ils établissent le lien entre mon insomnie et mon amnésie. On se quitte en se serrant la main, en se faisant la bise. Pendant ce temps-là, je ne dors pas. Et je vieillis.

Ce n’est pas tout : j’ai l’impression de désapprendre tout ce que je sais. Je n’en touche mot à personne, on me répondrait que je suis un puits de culture, alors un peu plus, un peu moins… On m’expliquerait que la vie est une montagne (je suis d’accord !) que j’ai mis quarante ans à gravir et que dorénavant je descends tout doucement. (J’ai l’air de quoi avec mon bâton de pèlerin, dévalant la pente qui mène au néant ?)

L’ennui, c’est que, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu tout apprendre, « Montre-moi, montre-moi ! », même à dormir.

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