Choir, la gorge ouverte

André Schmitz,

1

Un nain,

au pied d’une tour infernale,

éberlué, mais capable encore d’une parole

– fût-elle à peine génie :

un seul prénom,

dont le corps traîne sur un autre continent.

Un corps ami,

tué ? vivant ?

On ne sait !

À New York ? À Kaboul ?

Allez savoir !

(Le monde est un village

et l’amitié saigne

d’un bout à l’autre de ce village.)

2

Plutôt choir avec le ver des cordes autour de la gorge

Que rudoyer l’amour malade sur la scène ravaudée.

Et plutôt, toute besogne et tout compte fait,

réunir pour le meilleur et pour le pire l’égorgeur

et l’égorgée dans le rire énorme de la mort.

Et l’un et l’autre les recoudre l’un à l’autre

dans un grand linge d’azur sans couture.

Plutôt remercier ce qui n’est pas remerciable,

réconcilier l’irréconciliable quand la honte

de disjoindre rejoint la grâce de joindre à jamais.

Et plutôt que d’attendre le vieil âge au fond du temps,

le laisser choir, chair et âme, au fond des terres,

où des oiseaux ravaudés volent à l’envers

ou à contresens, alors que lames et cordes

sont les vers d’un poème malade d’amour.

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