et l’épave ? – on dit qu’elle a fui le torrent / mais elle vit plus loin / à quelques encablures / des galets / on croise son ébauche / dans les repaires fangeux / qui épousent sa force / elle ne renie rien / des déluges passés dans le gouffre / elle a tenté l’accord / n’a pas perdu au change – est-ce qu’elle hurle ? – l’ossature blanchit au soleil / on dirait une étoile
et le son ? – nul n’est plus libre que lui / il se fore un passage / entre tous les gisants / rebondit comme un astre / prend le mur pour complice / on le suit du regard / sans entraver sa course / il s’échappe et revient à sa guise / encore une escale et un siècle / avant de revoir sa chevelure – un chant, au loin ? – non / rien qu’une partition / chargée de tous les feux
et le livre ? – il a déjà tout dit / mais ses pages vont loin / elles laissent filer le monde / entre les lignes / il se souvient d’être mort à la guerre / puis naufragé sans titre / et plus tard / pendu entre deux roches / mais il respire encore / bien mieux qu’un chant d’amour / – est-ce qu’il s’apaise ? – il n’a pas oublié / la fin des temps / son alliée
et le sel ? – on le trouve sous les arceaux du fleuve / c’est le vent qui l’apporte / les nuits de pleine terre / on en garde le goût / jusqu’à l’autre mémoire / un peu de sable entre les paumes / un cadeau fier / comme la rosée – rien à craindre ? – même la source le cuirasse
et la flamme ? – on en perçoit le bleu / en plein midi / sur une pierre penchée / elle veille mieux qu’un nuage / aux ferveurs à venir / elle se cache la nuit / entre les falaises / dans des grottes issues du séisme – qui la garde ? – personne ne veut d’elle / seule sa lueur importe
et le saule ? – on dirait un flambeau / dans la nuit convenue / il ne tient ni du feu / ni des bornes / chacun peut y loger sa halte / y glisser corps et âme / et repartir / c’est lui / le refuge braisé / l’ultime jardin d’eaux-fortes – une prison ouverte ? – non / un ciel qui replierait son aile / tendrement / le temps d’une embuscade
et l’amour ? – il se terre pour mieux vivre / il revient de si loin / on ne peut le croiser / il faut attendre / la lente avancée des glaciers / l’envol des faux et des tourments / l’amnésie / on ne saura rien du cratère / qui héberge ses pas – un espoir ? – le buis planté sur mon seuil
et toi ? – j’ai fait le plein d’air et de feu / je compte les grains de sable / il ne m’en faut que cent / pour aborder la pluie / je prendrai le premier orage / j’épouserai sa cavalcade / et je tomberai là / à même le néant – le temps ? on ne le trouve plus chez nous