« J’ai fait un rêve », affirmait

Le Pasteur Martin Luther King.

« Faisons un rêve!», proclame

Cet homme neuf

En nous ouvrant les portes

D’un nouveau monde enchanteur»

Chanson électorale,

 octobre 2008

Une biographie, ça s’invente

Louis-Ferdinand Céline

 

Barock Ousmane Obamo II est le premier saint politique de l’histoire de l’humanité. Fait remarquable à son époque pour une personne de couleur, il s’est imposé comme celui que chacun, brusquement dépourvu de repères éthiques et économiques, attendait désespérément. Surgissant au plus fort d’une tourmente financière d’envergure planétaire, alors même que les nations basculaient dans l’angoisse d’une récession traînant après elle les spectres de la guerre et de la misère, il a su incarner le désir d’un changement généralisé.

Cet homme providentiel  naquit à Honolulu City le 4 août 1961 et  mourut à Arkangelsk au soir du 28 février 2010, en ce funeste tournant historique où le monde occidental passa inopinément sous le joug des Forces du Mal.

Il est fêté le 20 janvier, en souvenir du jour béni où il accéda  au poste d’homme le plus influent  du monde.

Enfance et jeunesse

Même s’ils se déclarèrent rétrospectivement agnostiques, il est patent que l’exemple édifiant de la vie des prophètes et martyrs raciaux lui furent inculqués dès son enfance par ses parents, le kenyalandais Barock Obamo Sr et l’anglo-saxonne Stanley Ann Dunhill. Sa famille paternelle était issue d’une lignée de guérisseurs de l’ethnie Lio, pratiquant la religion musulmane. La branche maternelle était de la petite bourgeoise du Sud-Kansas, blanche et catholique. Par sa grand-mère maternelle, Magdaleyn Dunhill, Barock avait des origines cheyennes, lesquelles n’auraient pas peu contribué à lui faire prendre fait et cause pour les minorités et les peuples opprimés. Il aurait également des ascendances allemandes, anglaises, hollandaises et irlandaises, dont il aima à croire, plus tard, qu’elles lui avaient valu l’affection de la vieille Europe.

Selon la description faite dans ses écrits initialement destinés à son confesseur et ensuite intégrés à l’autobiographie posthume, Barock Obamo fit montre, dès sa tendre enfance, d’une nature passionnée et d’une imagination fertile dont on peut penser qu’elles préfiguraient ses talents de communicateur, capable en son âge adulte de conjonctions magistrales entre pragmatisme et visions extatiques.

Son père, en son adolescence gardien de troupeaux puis cuisinier des colons d’une bourgade du Lac Victor, s’était découvert le goût de la lecture à l’école des missionnaires britanniques. Lesquels, fiers de ce brillant sujet, lui financèrent des études d’économétrie à l’Université d’Hawaï. Il se constitua alors une bibliothèque composite, entre science et fiction, qu’il laissa derrière lui lorsqu’il quitta le domicile conjugal, et dont l’exploration éveillerait la sensibilité de son petit garçon dès qu’il serait en âge de lire.

En 1964, à l’âge de 3 ans, Barock perdit pour la première fois son père, lorsque fut prononcé le divorce de ses parents. Barock Obamo Sr les avait laissé là pour fonder une nouvelle famille en ce Kenyaland où il connut les heurs, malheurs et aléas de la vie politique, jusqu’à sa mort accidentelle de 1978. Dès ses proses de jeunesse, le fils évoquera nostalgiquement ce qu’il appelait « les rêves de mon père » : ce mot de rêve dont il usa tant par la suite faisant ainsi, dans un contexte tragique, une première apparition sous sa plume.

Appel du sacré et  vocation politique

Stanley Ann Dunhill s’étant remariée avec un étudiant originaire d’Indonesia, la famille s’installa à Jakarta en 1967. Et c’est là que Barock, bien qu’il s’en défendra au cours de sa campagne présidentielle, aurait été scolarisé dans la religion musulmane durant quelques années à l’issue desquelles il obtint de sa mère de retourner à Honolulu City pour vivre chez ses grands-parents.

Instruit des histoires édifiantes sur la vie des esclaves afro-américains et des massacres d’indiens, Barock affirma très jeune, quitte à vivre le martyre, vouloir révolutionner la face du monde en prenant les commandes de cette terre d’injustice, qui n’en dictait pas moins sa loi au reste de la planète. Parfois cependant, doutant de lui, il décrétait vouloir se retirer du monde. Barock écrivit ainsi : « Je m’essaierais à la solitude : pour mieux me retrouver, pour repenser le monde en partant de zéro ou pour l’extraire de moi. J’aurais beaucoup aimé, aussi, devenir le supérieur d’un monastère. Par la seule force de ma pensée, j’instillerais alors leur ligne de conduite à une volée de fidèles mâles et femelles, reliés avec moi et entre eux  par le vœu de silence. Et ce rôle représentait alors pour moi un des formes du bonheur absolu en ce bas-monde, fût-elle diamétralement opposée à la vie publique qui par la suite fut la mienne. »

De fait, après le lycée, c’est une licence en sciences politiques et en relations internationales que décrocha le jeune homme à l’Université de Columbine. Après quoi il s’installa à Chicagayo où entamer une carrière professionnelle au service d’une grande compagnie financière: son destin d’analyste d’affaires semblait tout tracé.

Nous en étions à la fin de 1983, quand la santé de Barock se détériora soudainement. Bien qu’aucun de ses biographes officiels n’ait relevé cet épisode, il souffrit très probablement de crises épileptiformes, d’évanouissements, d’une cardiopathie non définie et d’autres symptômes. Pour le guérir, sa grand-mère adorée l’emmena consulter un chaman cheyenne, lequel prescrivit au jeune homme force décoctions et fumigations. C’est durant cette période, reconnut-il lui-même, que Jésus-Christ lui apparut, le visage courroucé, et lui reprocha son dédain des vrais problèmes du siècle. Dans la foulée, Barock eut sa première vision de l’enfer et prit deux décisions majeures : s’orienter vers une carrière d’animateur social en vue de mieux connaître les pauvres blancs et afro-américains dont il voulait tant le bien, et mettre en forme cette autobiographie fantasmée qui deviendra un best-seller posthume sous le titre de Obamo’s Life ans Death.

Amour et  politique

Aussi fervent soit-on, rien de tel qu’être un bon juriste pour gravir les échelons du pouvoir… Barock Obamo lui-même ne fut pas insensible à cette vérité marquée du coin du bon sens. Il s’en fut décrocher un diplôme de droit magna cum laude à l’Université de Hardvard et, de retour à Chicagayo, prit un peu de recul avant de se lancer à tout jamais dans la vie publique. Le temps de la réflexion, sans doute, comme celui de rencontrer – à une séance de cours de russe, pour la petite histoire – cette Michelle Crusoe, afro-américaine et avocate de son état, qui deviendra sa femme en 1992 et lui donnera deux merveilleuses petites filles.

Fort de cet équilibre familial, notre homme s’employa à brûler les étapes le menant aux plus hautes responsabilités politiques, soit jusqu’à ce Sénat où il accéda en 2005, y étant le seul homme de couleur à siéger.

Entre-temps, il avait frappé les esprits à de multiples reprises par une audace naturelle et une absence de préjugés qui le firent – parmi bien d’autres prises de position – défendre la cause des homosexuels et refuser de cautionner l’invasion de l’Irakistan.

Audace… Ce mot qu’on retrouve dans son discours « Audacity of Hopes », et qui, à l’occasion de la désignation de l’infortuné John Jerry comme candidat de son parti à l’élection présidentielle, transmua l’apologie du sempiternel american dream en une démarche radicalement novatrice.

Obamo président

Tout, ou presque, a déjà été dit et écrit sur cette campagne électorale – la plus onéreuse de l’histoire du pays – qui alla de déchirements internes (les duels avec l’épouse d’un ex-président, de surcroît membre de la même famille politique) à cette lutte ouverte avec le candidat de l’autre camp, universellement reconnu pourtant comme un héros d’une guerre mythique. Autant d’affrontements qui, mettant en évidence l’inflexibilité et les talents pugilistiques qu’impliquaient de telles joutes, auraient dû altérer l’image d’une personnalité jusqu’alors réputée modérée, rassembleuse et privilégiant l’analyse. Il n’en fut miraculeusement rien.

Tout, trop sans doute a été dit et écrit sur la fin d’une course de fond, d’un marathon durant lequel, loin de s’essouffler, l’homme providentiel multiplia rencontres internationales et déclarations péremptoires. Comme s’il entrait déjà dans la peau du président élu, s’y trouvant aussi bien que dans un costume taillé sur mesure. Quitte à se  sentir tout nu, quand il s’agirait de faire face aux dures réalités de la direction des affaires.

Le président sortant, ce George Y. Blush qui avait accompli l’exploit de liguer contre lui à peu près toute la classe politique nationale et internationale, ne s’y était pas trompé. Dès que furent connus les résultats des votes, affichant cet air matois qui n’appartient qu’à lui, il invita le nouveau président à faire connaissance avec la Maison Blanche et ce bureau ovale qui serait désormais le sien. A s’y installer et, sans tarder, à s’y plonger dans la marée de dossiers en souffrance dont dépendait le sort du monde.

Il semblait tellement ému, George Y. Blush… Par son propre sort, évidemment – celui d’un homme sortant du réel pour entrer dans l’Histoire – mais aussi habité d’une sourde tension, d’une jubilation comparable à celle d’un oiseleur dont les filets se referment sur un tendre oisillon. Là résidaient sans doute les raisons de sa hâte, de son affabilité : capter le nouveau-venu, le prendre immédiatement au piège du pouvoir.

Une vie tôt brisée

Il est exact que du moment où Barock Obamo prit ses fonctions, le temps sembla s’être arrêté. Bien sûr, en homme avisé et fort bien conseillé, le nouveau président avait prévenu depuis longtemps que le chantier qu’il ouvrait était si grand, si vaste, si ambitieux,  qu’il lui faudrait du temps pour tout accomplir : plus d’un mandat sans doute. Bien sûr. Mais force est de reconnaître que pendant les quelque treize mois où il eut le loisir d’amorcer le processus, peu de choses furent modifiées, si ce n’est en pire. La récession était bien là, les guerres se poursuivaient au Moyen-Orient, les menaces se précisaient du côté de l’Iran et par un curieux phénomène de nivellement social, la majorité de membres de la population blanche se voyaient devenir aussi pauvres que leurs concitoyens noirs. Quant à des améliorations ? Fort peu. Comme si, dans la droite ligne de ses slogans, Barock avait fait du concept de changement une vérité révélée, elle-même intangible…

Malchance tragique le soustrayant à ses admirateurs sans qu’il ait eu le temps de concrétiser ses multiples visions et engagements ? Bienveillance d’un Dieu le rappelant à lui avant qu’il soit patent que l’homme, promettant à tout va la pluie et le beau temps, avait présumé de ses forces et de ses pouvoirs d’homme d’Etat ? Toujours est-il que son premier mandat ne faisait que commencer lorsque, en réponse à une invitation de son homologue le président Putine, et ayant visité cette ixième Venise du Nord que serait Saint-Petersburg, il venait d’arriver dans la ville d’Arkangelsk où lui était promis le spectacle sublime d’une aurore boréale au bord de la Mer Blanche. Au lieu de quoi le monde entier frémit aux récits de ce sanglant attentat survenu en terre étrangère, et cependant perpétré par un illuminé de nationalité américaine, se réclamant d’une religion nouvelle, d’une religion à venir. Une agression sauvage qui le laissa exsangue, lardé de douze coups de poignard sous les yeux d’un quarteron de gardes du corps étrangement tétanisés.

Le plus interpellant est que dans les heures précédant son assassinat, Barock Obamo aurait eu la prescience du sort qui l’attendait. Pour preuve, ce passage de son autobiographie dicté par lui dans l’avion l’amenant chez Putine, et qui n’est pas sans rappeler les plus belles et troublantes tirades de Sainte-Thérése d’Avila: « Je vis un ange sur mon flanc gauche. Il n’était pas grand mais très beau, avec un visage si empourpré, qu’il ressemblait à ces anges aux couleurs si vives qu’ils semblent s’enflammer. Je voyais dans ses mains une lame d’or, aux éclats mouvants comme ceux d’une langue de feu. Il enfonçait ce coutelas plusieurs fois dans mon cœur, atteignant mes entrailles : lorsqu’il le retirait, il me semblait les emporter avec lui et me laissait tout embrasé d’un grand amour de Dieu. La douleur était si forte qu’elle m’arrachait des soupirs, elle était si excessive qu’on ne pouvait que désirer qu’elle se poursuive. Ce n’est pas une douleur physique, mais spirituelle, même si le corps y participe. C’est un échange d’amour suave entre l’âme et Dieu, que je supplie sa bonté de révéler également à ceux qui penseraient que je mens… »

Les coups de poignard sont attestés et la description de cet ange satanique, surtout, n’est pas sans rappeler l’apparence de son assassin terrestre, ce Sirhan Lee Booth qui se disait fou de Dieu et dont le physique de nabot combinait effectivement un teint d’apoplectique et une certaine pureté de traits.

La question reste cependant posée des vrais commanditaires de cette mise à mort publique : alors que, dès le 29 février de cette année bissextile, les premières ogives nucléaires de la Fédération de Broussie tombaient sur les Etats-Unis d’Occident.

Reliques

La dépouille de Barock Obamo fut d’abord enterrée dans le Couvent de l’Annonciation de la ville d’Arkangelsk, une main ayant été sectionnée et conservée dans un lieu tenu secret. A son exhumation l’année suivante, découvert incorrompu alors que les vêtements avaient pourri, on y laissa l’autre main, tandis son corps manchot était acheminé à Chicagayo, afin d’être exposé dans la salle du chapitre de la Sky Chapel, au sommet du Temple Building. Le transfert se fit en secret, selon une filière ménagée en collaboration entre l’Eglise unie du Saint-Sauveur et une congrégation d’orthodoxes internationalistes. Le président Putine, quand il fut mis devant le fait accompli, exigea que les restes fussent plutôt envoyés au Kenyaland, avec la garantie de les y loger dans un somptueux sépulcre érigé en bordure du Lac Victor.

A l’occasion de ces ultimes obsèques, on constata qu’au cours des transferts consécutifs, différentes parties de son anatomie avaient été distraites par des adorateurs. Ce qui explique que des reliques soient désormais conservées en plusieurs endroits du monde. Son pied droit et une partie de la mandibule supérieure sont au Vatican, son œil gauche et une de ses larges oreilles, dont il aima tant à plaisanter, dans un reliquaire du musée de la Cathédrale Sainte-Marie Protectrice Enlevée au Ciel, à Jakarta. Ses doigts ont quant à eux été répartis entre divers lieux saints de la Fédération de Broussie. Après ces événements, on ne fit toutefois plus d’autres atteintes au corps glorieux de Barock Ousmane Obamo II, lui dont l’icône phosphorescente traversera les siècles comme la promesse d’un changement éternellement à venir.

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