Fantaisie éveillée

Monique Thomassettie,

Cela avait commencé avec les balles de tennis. Puis suivirent d’autres sphères.

L’une après l’autre, Justine les voyait s’élever, soudain frappées d’apesanteur. Au quatrième coup de raquette, revers ou droit, c’était recta : la balle quittait sa trajectoire horizontale pour en adopter une verticale, avec lenteur comme pour bien insister sur sa nouvelle attraction.

Attraction, les matches en étaient devenus. Les torticolis étaient tels que les spectateurs s’allongeaient sur les bancs, le regard désormais perdu dans le ciel insondable. Les gradins autour du céleste théâtre élargirent leurs cercles.

À ce stade, les seules balles justiniennes emplissaient l’espace, nombreuses car les essais l’étaient.

J’ai toujours renvoyé la balle, songeait la tenniswoman. D’abord dialogue enfantin où l’on ne compte pas les points, ce jeu, au fur et à mesure de mon grandissement, est devenu passionnante joute. La compétition n’était pas loin.

Et voici qu’en plus je réalise, et ce avec une particulière acuité, combien je me bats toujours contre moi-même !

De tous les horizons, l’on vit alors se dégager de multiples boules. Elles évoquaient des pousses printanières perçant la rude écorce terrestre pour s’épanouir à l’air. Sans bris ni bruit, celles des lieux fermés traversaient murs, toits et fenêtres. Dans les lieux ouverts, les autres se détachaient : ici, du quadrillé de raquettes ; là, de pelouses foulées ; ailleurs encore, du cochonnet qu’elles venaient de toucher, et celui-ci ne tardait pas à s’élever à leur suite.

Jamais ne fut aussi évidente et sereine la parfaite forme de sphère magnifiée.

Vers le sommet de quel mont « olympien » montaient ces boules « olympiques » ?

L’ère aérienne du Verseau était là !

Bouleversée. Boule versée.

(Qu’on ne me dise pas que le monde la perdit).

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