Fils du cheval faé

Gaston Compère,

Pour Emmanuèle Sandron

Elle devinera pourquoi

Et crins et cris

Bayard à la renverse dans la nue électrique

et les cinq fils du duc Aymon que dispersent

l’ouragan gris le feu du Rhin

à coups de triques à coups de trucs

(la littérature purule dans la chanson)

et de traques infinies – crins cris –

infinies et la Meuse et la Muse

ne peuvent rien contre la rage

contre les crins contre les cris

contre l’orage de la vie

*

Viens-t’en petit Français

Plis déplis replis sur la frontière

du côté de Bouillon une dernière fois

plis de frais plis de biais

le mieux qui puisse se faire et se défaire

les deux Ardennes tête-bêche

Viens on te fera naître à Beauraing

(tête à l’envers ? tête à l’endroit ?)

Viens comme tes frères avec un d

(Renard Alard Guichard Richard)

Thurard ton nom sera Thurard

(tête à l’endroit ? tête à l’envers ?)

À pleines mains les crins – ceux de la queue

À pleine gueule les cris – ceux du jeu fou

Tu es le nègre à l’œil bleu blanc à l’œil blanc bleu

dont la cervelle étroite aime les cris l’écrou

– les crins et les crincrins du luxe pouilleux et

la luxure des chevauchées

en plein ciel d’août sur le ventre des forêts

*

Où cours-tu jeune Thurard ?

À Beauraing

prier la Vierge rare pour l’Ardenne

celle du dessous celle du dessus

hin hin hin

Où cours-tu Renard ?

À Beauraing

sous l’acacia d’argent et de tissu profus

Alard ? Guichard ? Richard ?

Tous à Beauraing à contre-vents

où se tremper les pieds dans la mare aux catarrhes

où se matelasser des omelettes au lard

où se curer le nez et les pieds en fanfare

Bayard où précipites-tu ton train Bayard ?

Nulle part

Nulle part et partout vieillard désassemblé

partout où la source a libre le vagin

loin loin de la mer ensablée

grande avaleuse de chibres floconneux

loin

Mais où encore ? mais où ? où ?

Loin de Beauraing

la Famenne est sage comme une crêpe de sarrasin

et raplateuplate la Famenne comme une femme anglaise

*** Mais partout mais partout mais partout

partout où se dérange le paysage

où se proposent le saut de l’ange

et le bond du séraphin

Où l’on se perd on se retrouve

J’ai cinq pattes cinq pattes rouges

Une par province vive la joie !

cinq j’ai cinq pattes qui toupillent

pattes de course et de tournoi

patte de chasse pattes de guerre

oriflammes olifants

cinq cris et crinière et amour vache

Liège Namur et les deux H

Hainaut Demibrabant

et Luxembourg enfin province hémiardennaise

points d’avoine et point d’orgue

de la neige et du soleil

Oh morgue noire

de ses forêts butoirs

à crins et à cris dans la fournaise

de l’Histoire

*

Je vais je vas je vons

Je pétarade et me voilà

malade presque en plein nuage

Je tombe et zon !

je vais je vas je vons

je trottine je crottine

des pains entiers pour les oiseaux niais

les petits qui battent la breloque coquine

et le coq cinq fois coq

le coq aux barbillons couillesques

atteint d’apoplecticité

ni coq amer ni coquemar le cauchemar

des pète-sec

le coq

qui dans son rêve rengorgé

lève comme il fut dit (ou presque)

très haut lève un pilon hardi

Et me revoici en quête

libre fumant monté de brumes violettes

et de mes cinq héros – violacés

le N par fluide ardent tracé sur les deux testichoses

les L de Pégase le virtuose aux crins de l’échine

le W dans les cris conjugués de la gorge et de l’abîme

le W comme deux racines

le W entre les dents

*

Bayard Bayard ignorant les graisses et les laisses

Bayard pour moi né des brumes de la Lesse

*

Chanson

Tante Simone qu’est si douce

doulciadu doulciadou

douce comme du sucre de pomme

disait ne suce pas ton pouce

écoute-moi petit homme

doulciadonne

Grande comme cinq mouchoirs de poche

doulciadu doulciado

la Wallonie qui t’est si proche

Un bouquet de cinq résédas

Ce haricot quand on l’écosse

il en sort cinq petits soldats

doulciada

Mille fois on a cru pouvoir faire

doulciadu doulciadère

disparaître le cheval faé

Chaque fois il s’est ramené

sorti tout droit de la terre

où poussent la salade de blé

la doucette et la violette

doulciadé

*

Bayard passe immobile immobile la Lesse

passe nous seuls passons en fuite vive

nous seuls vivons comme l’endive cornée

et la crapaude épaisse

nous seuls Le rêve mord au rêve Le cheval

mêle les crins aux cris haut sur la Meuse fameuse

hop

La Meuse noie la Lesse et l’Océan la Meuse

Dans l’ombre de la bête pentanthrope

ô cœur noyé vivant

laisse la Lesse aller où l’eau profonde est calme

Partager