L’Amérique, je l’ai voulue et je l’aurai

Nathalie Gassel,

Histoire : des violences qui s’interposent en de multiples champs, dès les débuts de l’Amérique : conquérants assaillants de terres abruptes et de leurs occupants. Ces rudiments pour la naissance d’un peuple, on ne s’en sépare pas si aisément. Ces corps qui donnent la mort, des westerns, pénétrant la culture d’armes à feu : on ne se défait pas si brutalement. Même dans les réflexes d’enfants déprimés par leurs sentiments d’échec ou d’exclusion, par des misères, par des stigmates de pauvreté. « De sang-froid » dans la violence profonde du sang. Et, il n’y a pas si longtemps, dans des règlements de compte au sommet politique. Puis, le pétrole. Les assujettissements internes et externes ; les intérêts, quand ils ne passent pas par des armes de flammes ont un capitalisme impitoyable qui leur fait écho d’une manière symbolique. Grande armée, troupes où des individus ne cessent d’engendrer le sang.

Pour que le changement soit radical, il eût été intéressant que le président soit une femme noire, et lesbienne, qu’au-delà des races, ce soient les genres qui disparaissent, et toutes les classifications obsolètes qui limitent les capacités d’être, sous le regard sanctionnant de la masse. La pensée, la décision, l’incarnation ; au centre de la grande nation, la synthèse harmonieuse de l’androgynie en lieu du masculin et du féminin, si ennuyeux dans leurs répétitions normatives et étriquées. Entant, j’entendais chanter sur un disque de complaintes révolutionnaires : « La couleur tombe et l’homme reste ». Il n’y a pas d’impact sans stratégie ou organisation, même élective. Et voilà que la couleur noire des esclaves, des bannis de la réussite et de la dignité, s’élève au sommet du pouvoir.

Déjà un chemin était tracé par le gouvernement précédent, le plus haï, le plus inopportun, reconnaissons néanmoins ce choix qui amorce l’avènement actuel – et que rien n’est noir ni blanc, ni absolument bien ou mal, sans être mélangé, impur – telles sont les complexions de l’homme et du vivant.

Des ouvertures, les agents d’identification vers des voix aux destins hétérogènes qui se créent. Concernant la teinte de la peau : inattendue, inimaginable, si nous prenons le recul de cinquante ans seulement. Horizons multiples ou précarités, lorsqu’il n’y a nulle fonction sociologiquement soutenue. Heureusement Barack Obama pense aux assistances sociales, car, quand l’homme revient à son tumulte, si rien ne l’en défend, si aucune organisation protectrice n’écarte ses délicatesses, ses vieillissements, le labeur extrême de son corps, tout ce qui par nature finit par se briser, s’il n’est protégé, bardé, il en résulte une descente dans les douleurs et désolations. C’est ça l’enfer : le manque d’entourage, le vide. Ce qui est d’emblée abandonné, tout ce qui n’est pas performant. L’emprise suffocante des solitudes. Dès qu’il n’y a rien autour, ni respect ni amour. Des villes de béton et de publicités mercantiles qui rendent vulgaires les perspectives, alors, tout flanche dans des violences qui s’écroulent. Des survivances. Armé pour se défendre, armé pour tuer, parce que tout est si fade qu’il n’y a déjà rien à préserver. Des blessures si profondes, ne permettent pas que l’on puisse envisager autre chose qu’une survie ponctuelle, une survie de quelques instants dans la mort du prochain ou de soi ! Quelques instants, la délivrance du poids tenace des humiliations, des opprobres. Comme une ultime tentative de donner du poids à son être.

Si les riches ont leurs assises de secours matériels pour les protéger et les envelopper, les honneurs, les considérations et ascendants, on mesure aussi l’inverse, ce qu’il y a de bancal dès qu’il y a déshonneur, désapprobation. Ceux-là ne peuvent que tirer vers un amoindrissement, toute énergie qui voudrait se débattre

Les différences de statut ne sont pas forcément en relation avec d’autres formes de bonheur : constitution physique, bien-être sentimental. De Barack Obama, peut-on dire que du sentiment primordial dont il a bénéficié, sa grand-mère aimante, ensuite, le dévouement de sa femme, il pourrait à son tour, avec le même idéal qui fait don, le retransmettre ? À ceux qui n’ont rien ? À ceux qui ne bénéficient pas de ses talents, de son intelligence ? Encastrement dans des vigueurs de providence.

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