Bethléem. Rendez-vous d’Abdelah et Sarah. Couple dit mixte.
Lui, réjoui, va vers elle, et l’embrasse.
Abdelah : — Plus que jamais, je suis un Palestinien sioniste !
Sarah (souriante) : — T’es maso.
Abdelah : — Ma belle juive est pour les droits de l’homme (Il rit, la serrant contre lui.)
Sarah : — Tu ne peux préférer ma mère à tes pères.
Abdelah : — Israël est une démocratie. (Bruit de char au loin.)
Sarah (se dégage) : — La guerre détruit tout.
Abdelah (la bouscule gentiment) : — Si on t’attaque, tu ne peux pas te défendre ?
Sarah : — L’occupation est une agression.
Abdelah : — On a toujours été occupés. Les Turcs, des siècles.
Sarah : — Vous aviez tout, et vous n’avez plus rien.
Abdelah (murmuré) : — On a refusé la moitié.
Sarah : — Vous n’aviez pas à payer la Shoah.
Abdelah : — On a refusé l’immigration juive pendant la guerre.
Sarah : — L’Amérique n’a pas été plus accueillante.
Abdelah (la reprend tendrement dans les bras) : — Les Juifs sont chez eux ici. (Il lui donne un baiser.) Il y en a toujours eu en Terre sainte. Vous avez combattu avec nous contre les Croisés.
Sarah : — Pourquoi alors avoir un État à part ?
Abdelah : — Martin Buber avait rêvé d’un État binational. Et on ne l’a pas accepté.
Sarah (s’écarte) : — Qu’Israël quitte les territoires conquis en 1967 et laisse ses voisins construire un État.
Abdelah : — Les juifs ont peur que notre État ne serve de base à une reconquista. (Il se rapproche d’elle.)
Sarah : — Que les Israéliens partent de Cisjordanie. Ce serait reconnaître le partage de l’ONU.
Abdf.lah : — Ils ne peuvent partir unilatéralement, sans négociation.
Sarah (fait volte-face) : — On l’a bien fait du Liban.
Abdelah : — Et vous avez eu en récompense une deuxième Intifada.
Sarah : — Un peuple opprimé a droit à la résistance.
Abdelah (s’énerve) : — Les résistants de 40-45 n’ont pas massacré, déchiqueté, des innocents.
Sarah : — Le blocus, avec couvre-feu et représailles, est une punition collective intolérable.
Abdelah : — Des attentats suicides sont des actes barbares. Il n’y a aucune gloire dans cette lâcheté.
Sarah : — Des chars contre des lance-pierres !
Abdelah : — Contre des bombes ! À chaque explosion aveugle, on réveille en vous le cauchemar de la Shoah.
Sarah : — Tu ne m’aimes pas.
Abdelah : — J’aime tout en toi.
Sarah : — Je sais, tu te tuerais pour moi. Tu ne crois pas un mot de ce que tu dis.
Abdelah : — C’est toi qui ne t’aimes pas.
Sarah : — Tu n’aimes pas ton peuple.
Abdelah : — Toi tu trahis le tien. (Tirs au loin.)
Sarah : — Je lutte pour sa dignité.
Abdelah : — Tu défends les autres pour qu’ils t’admirent.
Sarah : — Je veux la paix.
Abdelah : — Moi aussi. (Il s’éloigne.)
Sarah : — Ne t’en va pas !
Abdelah : — Tu ne veux que te faire détester.
Sarah : — Tu n’aimes pas qu’on t’aime.
Abdelah : — Si tu veux, l’an prochain à Jérusalem. (Il sort. Noir.)