L’Apocalypse de Gilgamesh – Remède à tout

Jean-Louis Lippert,

Mehr Licht ! Mehr Licht !

derniers mots de Goethe sur son lit de mort.

 

J’assistais, pour la première fois depuis cinq millénaires, à la rupture de la tête et du corps d’une civilisation née sur les rives de mon fleuve natal. Rien ne me distinguait plus de mon ambassadeur, dont l’enfance au Congo ressentit la démence d’une organisation coloniale promue par droit biblique au statut d’élection divine, l’univers pour Terre promise, où les Nègres sont une race damnée depuis l’ancêtre Cham. Alors que le feu de l’esprit parlerait par la bouche du prophète Lumumba. La portée symbolique de son assassinat signifie rien moins qu’une première affirmation du There Is No Alternative qui marquera le dernier demi-siècle…

C’est depuis lors que la tête, monstrueuse tumeur, s’est mise à dévorer un corps pourri de gangrène. Son inorganicité même rend un tel organisme vulnérable à tous les fléaux du ciel comme à toutes les épidémies de la terre. Les liens pathologiques entre nature et culture engendrent des fièvres morbides, se manifestant par mille spasmes convulsifs. Tout esprit se déglingue, toute chair se corrompt d’infections mortifères dont témoigne Axiome de la Sphère.

 

Peste, famine, guerre, mort.

Mais la terreur dont tremble cet organisme en état de désintégration, n’a-t-elle pas besoin d’un terrorisme pour la justifier ? C’est ce que me suggère le regard d’Ishtar – à cet instant Pléione, femme d’Atlas, dans l’aimance de la terre et du ciel d’où naissent les Pléiades – quand ses yeux effrayés se détournent de l’étreinte unissant MBS et Biblik Bibi. On voit alors les deux présidents, toujours en slips étoilés de combat, s’immiscer dans chacun des deux couples. Killer Donald étend ses bras paternels sur les épaules de ses protégés moyen-orientaux, Baby Mac se blottit entre Élisabeth et Robert comme leur mignon rejeton. La voix suave de l’ancien garde des Sceaux lui murmure à l’oreille : « Quiconque eût affirmé qu’un pacte secret fut noué jadis entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie, quand il était ministre de Tonton, ne se fût-il pas vu accuser par l’ensemble des médias de complotisme ? » La philosophe approuve et renchérit en relevant son voile de dentelle : « L’ancien lieutenant de Tapie révèle que ce complot eut bien lieu ! » L’hôte actuel de l’Élysée, yeux clos, acquiesce à ces voix parentales : « Que voulez-vous, j’ai besoin de Marine comme Tonton avait besoin de Jean-Marie. Bernard Tapie fut en quelque sorte mon modèle…

Aussi, quels meilleurs complices du CRIF que Soral et Dieudonné pour discréditer toute critique du sionisme. Voyez la publicité dont ils bénéficient chaque jour dans tous nos journaux et magazines.

— Comme le plus sûr allié de Ben Gourion en 1948, pour empêcher la création d’un État binational en Palestine, fut le roi Saoud, auquel ses parrains américains commandaient l’intransigeance guerrière. »

Baby Mac se laisse bercer par ces mots doux comme une comptine, qu’interrompt Killer Donald serrant dans ses bras MBS et Biblik Bibi. « De même qu’à Washington, les gauchistes conspirent à Jérusalem. Heureusement pour nous, la famille Le Pen est en France une tribu de bolcheviks, en regard des clans régnant sur la Terre promise et dans l’Arabie heureuse. D’un côté la Torah, de l’autre la charia. Jamais nous ne laisserons l’Empire du Mal dicter sa loi au Moyen-Orient. Cette région doit rester une base de terreur depuis la Méditerranée jusqu’en Afghanistan. Nos amis ici présents s’en occupent. Il faut que les talibans reprennent le pouvoir à Kaboul, nous signons des accords de paix avec eux au Qatar. Il sera aisé d’imputer le cancer à l’Iran. »

Les protégés du champion frémissent d’aise et Biblik Bibi s’exclame : « Si le peuple élu a regagné Sion, ses ennemis doivent disparaître ! »

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Baby Mac relève la tête, cherchant l’approbation de ses deux tuteurs : « Le croquemitaine du terrorisme nous est indispensable, il nous faut l’entretenir chaque jour. Comment justifier nos bombes au Sahel, sans l’alibi du verrou stratégique au Tchad ? Comment rendre honorables nos carnages et pillages dans toute l’Afrique, sans invoquer la lutte contre le djihadisme islamique en dissimulant ceux qui le financent ? » « Coupez ! » lance le showrunner, satisfait du plan-séquence. Comme un seul organisme délivré de sa tension, les six acteurs se détournent du plateau central où s’éteignent les projecteurs. Une soirée de gala ne figurait-elle pas au programme ? À la lueur des bougies du chandelier, se découvre sur la table un oiseau de mer aux yeux vitreux, d’une blancheur immaculée, gisant à la renverse, dont le cou pend sans vie jusqu’à toucher le sol de son bec en sang. Cette image me frappe à mort. J’ai l’impression soudaine d’être étendu sans bouger comme cet albatros, mais à la verticale. Suis-je encore parmi les vivants ? Jamais depuis cinq mille ans cette question ne s’était posée de manière aussi cruelle, et c’est en vain que je cherche des yeux ceux d’Ishtar. Sous les ombres dansant au plafond, la lumière vacillante me fait douter du fait que cette scène ait bien lieu, qui révèle entre les gouffres du mur un tableau. Cette fantasmagorie de couleurs évoque une fête à laquelle nul mortel d’aucun temps ne put avoir été convié. Tel un somnambule, j’erre à l’intérieur de ce rêve pictural éveillant un écho de mon propre royaume oublié. Le couple Badinter scrute mon éblouissement devant l’image même des origines et fins dernières. Élisabeth prend ma main. « Revenez sur terre, n’ayez pas peur. Vous êtes ici chez vous. Nous sommes bien sur le plateau du Caucase où prennent source le Tigre et l’Euphrate, ces fleuves qui selon le mythe baignent le jardin d’Éden. » Elle modifie la disposition du chandelier pour mieux éclairer la toile. À quoi bon décrire ce qu’aucune imagination ne pourrait concevoir ? Si toute cette aventure était un mirage couronné par l’irréalité de ce tableau, mille scènes ici représentées font rayonner le triomphe absolu du réel ! Aurais-je franchi l’ultime frontière, celle au-delà de laquelle devoir, pouvoir et savoir ne font qu’un ? M’approchant jusqu’à voir les détails d’une sphère diaphane flottant au milieu du miracle peint, j’y discerne la scène et les acteurs de la pièce qu’ils sont occupés à jouer. Robert prend une voix des plus amusées pour m’apprendre qu’il s’agit du Jardin des Délices, triptyque né voici un demi-millénaire…

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Mon voyage de cinq mille ans n’était donc pas exempt d’un retour il y a cinq cents ans. Mais alors, ce peintre avait imaginé l’existence future du showrunner et des trois couples ici présents, jusqu’à peindre avec un soin méticuleux la table et son chandelier, sans oublier l’albatros ? Il m’était loisible d’en faire le scrupuleux constat. Fixant les détails microscopiques, mes yeux s’écarquillaient en découvrant l’existence d’une chimère à trois têtes. N’osant croire à la véracité d’une allégorie si finement dessinée, je fus obligé d’admettre que ces trois gueules présentaient chacune les traits d’une infirmité. L’une sans oreilles, la deuxième aveugle et la dernière privée de museau. Mais le handicap affectant chacune semblait compensé par une vivacité suraiguë des deux autres sens. En sorte que chaque infirmité se convertissait en puissance exacerbée par la féroce validité de ses voisines. L’organe défaillant dans chaque tête était agressivement secouru par les deux autres gueules, dans une surenchère qui démultipliait infiniment les aptitudes visuelles, auditives et vocales de la chimère tricéphale…

Et l’ensemble de l’œuvre explosait comme un éclat de rire moqueur ! Est-ce depuis la sphère du tableau que me parlait Élisabeth Badinter ? « Bien sûr, il ne faut jamais interpréter à la légère. La peinture est un art qui crée des illusions pour mieux atteindre une vérité dissimulée. Cécité, surdité, muticité réelles font produire des engins mécaniques autorisant à tout voir, tout entendre et ne jamais cesser de parler, par une multiplicité de moyens techniques imitant la puissance divine. » Entre le panneau gauche de la félicité paradisiaque et celui de l’enfer à droite, un onirisme sans limite baigne la partie centrale immergée dans une lumière enchantée. La sphère bleutée flottant sur un petit lac au milieu supérieur du songe éveillé n’en finit pas de délivrer ses secrets. Serait-ce qu’un illuminé du nom de Jérôme Bosch (les Badinter m’ont divulgué l’identité du peintre ayant créé ce Jardin des Délice), aurait eu le génie de concevoir, à la Renaissance, l’actuel théâtre politique ? Il faudrait lui attribuer toute l’ironie du discours sur une prétendue « Renaissance européenne » formulé de nos jours par Baby Mac…

Devinant mes pensées, Robert paraît vouloir les amplifier par un point de vue né de sa propre expérience. Il prend du recul et parle en expert. « On doit beaucoup blablater sur l’Europe qui n’est pas un marché sans âme et qui résiste au capitalisme financier, pour faire diversion des ignominies sociales et scélératesses fiscales hors de discussion. »

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Son épouse lève un index grondeur sur le président qui baisse la tête : « Toute opposition n’est tolérée qu’à l’intérieur d’un système sous contrôle absolu. L’abîme entre élus et damnés, creusé par la féodalité financière, est proportionnel à la soumission du clergé médiatique. De sorte que ce tableau nous parle comme une antiphrase. Il désigne ce qui a disparu du paysage contemporain : l’espace d’une médiation. » Robert à son tour sermonne le gamin, sans hésiter à lui tirer l’oreille. « Baby Mac a décrété la démocratie délibérative, en confiant le soin d’interpréter des millions de doléances à l’intelligence artificielle. Il a fixé les règles d’un grand débat national, dont les conclusions seront élaborées par des logiciels. Mais quelles équations mathématiques ou programmes numériques pourraient-ils interpréter l’univers de signes que nous avons sous les yeux, dont les significations sont infinies ? » Dans un état hypnoïde, j’en viens à me demander si le tableau pourrait représenter les plus infimes détails de ce qui s’est déroulé sous ce toit. Par exemple, où est passé le prophète Jonas ? Il me faut accomplir un effort démesuré pour scruter, dans l’abîme de nuances irisées couvrant la sphère translucide, à l’arrière du décor où nous figurons, quelque recoin décoré de masques africains. Le philosophe y semble terrorisé par leur emprise. Étendu nu sur le sol, hagard, sa panique est palpable face à des yeux cruels, sculptés au fond d’orbites monstrueuses, qui le paralysent d’un regard malveillant. D’immenses lippes charnues le menacent, découvrant des rangs irréguliers de flèches empoisonnées. Ce ne sont pas les seins coniques dressés au-dessus de ventres gonflés, ni leurs fesses proéminentes, qui l’aideront à se relever. Je m’avise du fait que l’énergie dégagée par ces masques, et l’épouvante générée sur l’un des plus brillants esprits de ce temps, sont les effets de Cham… Convaincu de la sorcellerie dont est irradié ce chef-d’œuvre halluciné, je n’ose demander pourquoi l’on a pris le risque de lui faire effectuer un si aléatoire voyage. Élisabeth pouffe d’un rire de jeune fille timide. « C’est encore un secret. Robert et moi serons gênés de le divulguer. » Le ton confidentiel de sa voix laisse entendre que nous sommes sur la même longueur d’onde, et que le sort du prophète Jonas ne lui a pas échappé. Je dois me contenter de cette réponse évasive, tandis que les acteurs tirent profit du break pour se détendre. Mais le showrunner manifeste son agacement devant la tournure d’une intrigue échappant au scénario. Peut-il savoir qu’il est lui-même un figurant du peintre ?

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Le propriétaire des lieux sent la maîtrise des événements lui échapper. S’approchant de la fenêtre, il blêmit au spectacle de pitres espiègles exécutant des cabrioles autour d’une ménagerie d’animaux guidés par un chameau, dont la ronde comme un manège encercle une piscine où batifolent de joyeuses nudités. Métaphore du cheptel humain voué à une circularité sans issue, s’il ne prend conscience d’un bonheur à portée de sa main ? Je commence à soupçonner les intentions cachées dans cet extatique tableau. La partie supérieure droite n’évoque-t-elle pas l’enfer d’une guerre du XXe siècle, avec ses lueurs incendiaires dans une ville ravagée par les bombes ? La voix de Robert est sinistre. « Orbites énucléées, tympans crevés, langues arrachées : ces vieux supplices n’ont plus cours dans une société démocratique et civilisée. Grâce aux satellites et au Web, chacun voit tout, entend tout, dit tout, jouit dans les flammes du brasier. Des cris de détresse résonnent au fond des cavités crâniennes de l’humanité, des sirènes y retentissent, hurlements de terreur et supplications montent vers les cieux. C’est un monde où le meurtre est partout, sans refuge, que dévore le Moloch. » Le showrunner montre des signes de panique. D’évidence, d’autres caméras que les siennes sont à l’œuvre sur un tournage inconnu. Sa contrariété s’aggrave d’un sombre pressentiment pour celui qui se dit l’héritier du roi David. Jusqu’à présent, dans son esprit, le metteur en scène grandiose de l’histoire ne pouvait être que l’Éternel. Qu’était-il d’autre que son agent ? Ces diableries ne pouvaient être manigancées que par quelque camera obscura reliée à des forces démoniaques. Ne fallait-il pas d’urgence purger le mal par un sacrifice propitiatoire ?… Les raisons de ce mystère – la présence en ce lieu d’un trésor de l’art universel – m’intéressaient moins que le secret suggéré par Élisabeth. Si j’admettais l’inexplicable dans lequel baignait tout ce théâtre, je n’en étais pas moins curieux des coulisses. D’ailleurs, le showrunner ne disparaissait-il pas à la recherche du prophète Jonas, dont la qualité de Grand-Prêtre serait nécessaire pour un rituel de purge expiatoire ? À cet instant fusèrent trois cris dans un chœur. Celui de Killer Donald était le plus retentissant. Toujours en slip de lutteur forain, la perruque abricot tressautant au rythme de ses bonds furibards, il désignait son portable comme si l’image de Lénine y fût apparue. Biblik Bibi faisait de même en jetant son chapeau de mafieux du cinéma des années 30 vers les flammes du chandelier. Quant au prince, il s’était évanoui…

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Dans la pénombre de ma colonne babylonienne, j’attendais la réaction du couple Badinter pour comprendre quelle triple catastrophe l’écran de leurs prothèses électroniques avait pu révéler. Les rebondissements inattendus de ce téléfilm étaient-ils au moins captés par les caméras ? Je m’avisais d’une complète improvisation du jeu des acteurs, tout en me félicitant du fait que le récit de mon épopée n’avait jamais fait l’objet d’un laminage par quelque adaptation cinématographique ou récupération politique, au service d’une idéologie communautaire et identitaire. Nulle imagerie ne m’avait réduit au statut de surmythe fondateur prétendument universel, tels ceux de Moïse ou d’Œdipe. Aucun écran de fumée n’obscurcissait mon message, ainsi qu’il en fut des légendes helléniques et bibliques, façonnées au gré des besoins nationalistes et ethnocentristes occidentaux. Pas de Terre promise ni d’idyllique Arcadie. Pas plus d’Âge d’Or que d’Éden, mais une lente pérégrination traversant toutes les vicissitudes historiques…

Ce qui me rendait particulièrement sensible aux fantaisies contenues dans le Jardin des Délices. Caméras et micros se remirent à tourner. « Je vous ai dit : c’est vous qui hériterez de leur terre, et Moi je vous la donnerai pour en hériter, un pays où coulent le lait et le miel… » Une voix suraiguë, celle du prophète Jonas, sonne creux dans le décor. « Je suis Hachem, votre Dieu, celui qui vous a séparés des peuples. » Diable ! Ce passage du Lévitique m’avait toujours secoué de frissons. Mais voici de retour le showrunner accompagnant celui qui officiera comme Lévite pour le combat contre les démons. Par étourderie, le philosophe s’est emparé du premier accessoire venu dans l’arrière-salle pour se vêtir : un pagne africain. Terrorisé par l’épreuve qu’il vient de subir, il s’est armé d’une lance et d’un bouclier des plus photogéniques. Le propriétaire affiche un sourire de circonstance, à la perspective d’être le régisseur d’une cérémonie dictée par l’Éternel : « Il est écrit que vous poserez les deux mains sur la tête d’un bouc et que celui-ci sera chassé dans le désert pour emporter tous les maux. » Mais où trouver un bouc, sinon sur la toile de Jérôme Bosch ? Pareille hypothèse contreviendrait à l’interdit sur les images imposé par la Loi. De plus, une telle pratique relevant de la magie serait punie de mort : « Ne vous tournez point vers ceux qui invoquent les esprits, ni vers les devins, de peur de vous souiller avec eux, commande le Lévitique. »

Un éclat de rire conjoint d’Élisabeth et de Robert aggrave leur trouble.

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

L’hilarité du couple est à la mesure du désarroi frappant le président des États-Unis d’Amérique, le premier ministre d’Israël et le prince héritier d’Arabie saoudite. Pour la première fois depuis le début de cette scène, je cours le risque de me déplacer sous le feu des sunlights. L’écran du portable de Killer Donald montre un mégalithe babélien de verre et de béton, surmonté par l’inscription TRUMP WORLD TOWER.

Mais ses quelque deux cents mètres de hauteur sont agrémentés de six mots disposés à la verticale du haut en bas de l’édifice, recouvrant en largeur tout l’espace de sa façade, en sorte que les premières lettres en caractères géants tracent l’acronyme CRISIS. Les mots Colonialisme, Racisme, Impérialisme, Sionisme, Individuïsme, Sensationnisme ont-ils pu être disposés là par des moyens naturels ? Biblik Bibi n’est pas moins catastrophé. Selon son écran, le Mur des Lamentations est barré, sur toute sa longueur et toute sa hauteur, d’une immense phrase disposée sur quatre lignes, les deux supérieures en langue et caractères hébreux, les deux autres en langue allemande et lettres latines…

« L’émancipation sociale du juif, c’est la société s’émancipant du judaïsme !» clame le mur selon la traduction que m’en donne Robert. Quant à MBS, il découvre les quatre faces de la Kaaba, cube de granit et lieu saint de La Mecque, barrées des quatre lettres arabes IQRA, cette injonction divine à la lecture constituant le mot initial du Coran. Baby Mac, ouvrant de grands yeux atterrés, ne peut s’empêcher de sourire en coin. Si les coups fourrés du crime organisé constituent son ordinaire, sa nature profonde répugne à l’odeur et à la vue du sang qui excitent plutôt Killer Donald, MBS et Biblik Bibi, lesquels poussent des hurlements, téléphone portable à l’oreille. Leur mésaventure ne lui est donc pas tout à fait désagréable, si aucun slogan vengeur ne vient souiller quelque lieu symbolique de son royaume républicain. Quand il affirme l’identité du sionisme et de l’antisémitisme, il n’ignore pas les massacres provoqués par un sionisme salafiste pur porc, mais sait que cette grossière propagande est électoralement nécessaire. De plus, l’idée qu’une part de magie s’introduise dans l’expérience politique le divertit. Mais peut-être surtout tombe-t-il sous le charme de ma reine bien-aimée, soudain réapparue. Fichu rose haut perché sur sa couronne d’or, elle toise d’un regard apitoyé les trois victimes d’un complot…

Sans être conscient des mots qu’il balbutie, modulant un son de voix suave pour les oreilles d’Ishtar, il se lance dans une églogue inspirée :

« Que révèle ce tableau de maître ? Il nous parle d’un réseau de voies invisibles qui nous sont accessibles par l’art. Ces contrées étrangères, peu répertoriées, font l’objet d’une prohibition par les instances qui prétendent s’arroger le monopole des rapports avec l’au-delà, je veux parler des religions. Mais il arrive que celles-ci doivent s’incliner. » Tout le temps de son laïus, aimanté par le magnétisme d’Ishtar, Baby Mac surveillait du coin de l’œil la croissante colère du prophète Jonas. Groggy par le traumatisme africain qu’il vient de subir, visiblement dans un état second, celui-ci brandit une sagaie vers le blasphémateur : « Nous avons terrassé le communisme, les multinationales ont eu raison de l’Internationale, mais la vermine prolétarienne continue de vous narguer jusqu’aux portes de l’Élysée ! Qu’attendez-vous pour purger la République de cette peste rouge et brune ? Ils réclament des boucliers pour se défendre contre nos flèches, et des flèches pour attaquer nos boucliers ! Où en est la démocratie si le peuple dicte sa loi, s’il refuse de payer sa dette à Rothschild et à Goldman Sachs ? » Baby Mac ne détestait pas la joute oratoire, surtout face aux caméras : « Mon cher ami, je suis bien placé pour vous donner mille fois raison. Nous savons combien l’escroquerie est la base du système que nous défendons. Vous-même avez entamé une carrière d’escroc verbal, avec les Nouveaux Philosophes, avant que je fusse né. Jamais, alors, vous n’eussiez admis que les États-Unis fussent un empire, théorie qui est vôtre aujourd’hui. Car une époque est révolue. Désormais, nul ne nie plus cette évidence. Les vieux masques n’ont plus la même raison d’être. Voyez mes trois collègues ici présents. Chacun sait qu’ils sont les chefs de clans mafieux, sans que cela n’émeuve personne, même s’ils sont pris en flagrant délit. La démocratie, nous le savons l’un et l’autre, n’est qu’un jeu de rivalités claniques, un artifice de façade. Pour que notre caste exerce une domination plus féroce que jamais dans l’histoire, votre fanatisme, celui de mes collègues, ne suffit plus. Nous devons revendiquer un dépassement historique par le savoir des experts. Nous sommes garants de l’intérêt général grâce à une vérité transcendante. Celle, non d’une loi divine, mais de la technique !… » Une irrésistible hilarité secoue de plus belle Élisabeth et son époux, laissant le prophète Jonas pantois, les bras ballants au bout desquels pendent la lance et le bouclier. La circulation de son image, dans une telle posture, serait à coup sûr accusée d’être un montage antisémite…

Peste, famine, guerre, mort.

 

Contre toute attente, le showrunner s’adresse à lui sur un ton agressif : « Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. Vos loopings de jadis n’ont plus la cote. Vous êtes un has been, comme le pape Jean-Paul II ou John Travolta. Même si vos actions communes pour la bonne cause demeureront dans les annales, il faut penser à de nouvelles stratégies. Regardez-vous. Qui pourrait croire à un Lévite prêt à sacrifier le bouc émissaire pour purger les péchés des adversaires du Grand Israël ? » Le couple Badinter applaudit à l’unisson, toujours en proie à de vives convulsions de rire. Le masque et la perruque de Robert, ainsi que ses lunettes noires, l’aident à regagner une apparence d’honorable sérieux. « Comment ne pas s’esclaffer, si nous n’avons d’autre bouc à sacrifier qu’un âne, et encore, où est-il passé ? D’autre part, ce n’est un secret pour personne que notre victoire idéologique a pour origine une farce morbide. Rappelez-vous qu’aucun chauvinisme ethnique et religieux n’était admissible, si l’on se disait de gauche, voici cinquante ans. Si l’on put établir une équation entre antisionisme et antisémitisme, ce fut le résultat d’un véritable gag des services de propagande hébreux, qui s’attachèrent à discréditer Marx comme auteur d’une Question Juive assimilable au nazisme, car porteuse d’une volonté génocidaire. Ce travail de l’agent Robert Misrahi porta ses fruits dans les milieux intellectuels, où notre fanatisme orthodoxe et dogmatique permit non seulement d’invalider la pensée de Marx, mais aussi d’instiller l’idée selon laquelle ce n’est pas la lutte des classes qui détermine le sujet historique, mais les superstructures culturelles et religieuses. Sur quoi les Nouveaux Philosophes prirent leur essor, sans opposition notable. Une fois cette victoire acquise avec l’aide précieuse de l’idéologie soixante-huitarde, il fut possible de canaliser toute protestation contre notre système, de son objectif social vers des orientations sociétales. C’est là qu’Élisabeth et moi nous entrons en jeu. Peine de mort pour personne, droit de vie pour tous : est-il slogan plus cool et sympa ? » Dans sa robe de mariée, sa compagne à présent fondait en larmes : « Quel combat, pour faire admettre aux femmes prolétaires que leur intérêt le plus urgent consistait à permettre aux bourgeoises de louer le ventre de pauvresses afin de procréer sans douleur, et surtout sans les inconvénients esthétiques de la maternité. Dans le même temps où l’humanité se scindait toujours plus entre une race élue et une race damnée, nous abolissions pour les élus deux malédictions bibliques. »

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Qu’un hurlement traverse le ciel ainsi qu’une comète en feu paraissait, dans le très long silence qui suivit, nécessaire et inéluctable. Et ce hurlement vint, quelque peu différé par la conclusion d’Élisabeth : « Nous les élites mondiales, éternels boucs émissaires, sommes les principales victimes de la crise d’un système qui assure à la plus grande part de l’humanité sa prospérité, même s’il peut être amélioré. Tel est le noyau de l’idéologie qu’il nous incombe de propager. Celle-ci nie l’antagonisme entre prolétaires et détenteurs du capital, qui lui-même est structuré par une vision duelle du monde, sans la médiation constitutive du christianisme. Ce schéma binaire n’a pas de meilleur logiciel que le judaïsme, expurgé de son messianisme prophétique en appelant à justice et vérité comme idéaux universels. C’est pourquoi l’anéantissement de Marx était un préalable à notre conquête qui se voulait totale. Cela fut possible par la victoire électorale de Tonton. » Jamais la terre et les cieux ne furent déchirés par un cri tel que celui de la mule, toutes mâchoires ouvertes, cognant du museau la fenêtre…

Que vaut la voix d’un âne face à celle des technoprophètes ? Que peut son cri dans le désert contre des algorithmes qui prêchent la religion nouvelle ? Le prophète Jonas brandit sa lance contre l’image bestiale en laquelle il ne pouvait reconnaître son ancien protecteur de l’Élysée, celui qui facilita les combinaisons financières opaques ayant permis de convertir une entreprise familiale de négoce en rente milliardaire. Son Looping for Europe s’étant crashé dans trente capitales du Vieux continent, devant des publics séniles, que pouvait-il faire d’autre que se convertir à la foi dans l’intelligence artificielle ? Du prophétisme hébraïque il avait représenté, durant quarante ans qui correspondaient à l’errance de Moïse au désert, l’obscène simulacre et la caricaturale grimace : tout cela venait de s’achever par un fiasco. L’ultime chance de sauver l’honneur consistait à s’aligner sur le dogme technologique en s’abstenant de références culturelles à Dante ou Rosa Luxembourg, qui le couvraient de honte et de ridicule. Alors même qu’il bondissait vers l’âne, symbole de toutes les arriérations d’une humanité engluée dans la glèbe depuis Caïn, s’opéra une étrange métamorphose devant laquelle furent saisis de stupeur tous les acteurs. Son torse fut modifié dans une lente ondulation, puis il se mit à enfler de la poitrine, du cou, du visage et du crâne. Le gonflement s’amplifia, gommant ses traits, pour le transformer en une grosse bulle de chair qui s’éleva lentement.

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Tel un zeppelin, il alla se coller au plafond en se balançant, chercha vainement quelque issue, poursuivit sa glissade jusqu’au mur où était suspendu le tableau, et il s’y coula mollement pour ajouter une sphère à toutes celles dont sa fantaisie avait agrémenté la vision du peintre. Ne venait-il pas d’accomplir un vœu secret, celui de participer malgré tout au génie de la création européenne ? « Wow ! Fantastic ! Top ! » La réaction de Killer Donald fusa tel un Tweet, au point d’oublier les avatars survenus à la Trump Tower. Cette action surnaturelle s’était déroulée comme une extension naturelle de la toile, prévue de longue date par Jérôme Bosch. Mais, passé l’effet de surprise, on sentait les acteurs fatigués, pressés d’en finir avec cette séquence éprouvante. Serviette autour de la taille, Baby Mac accompagna son homologue américain vers les vestiaires. Le prince héritier lançait au loin son casque à écouteurs et Biblik Bibi recoiffait son chapeau de gangster, se tournant vers les caméras pour un dernier exercice de cabotinage : « Le monde entier me prend pour un fanatique, parce que je défends Israël comme État-nation du peuple juif, l’élu du genre humain. La vérité, c’est que je ne suis ni Israélien, ni juif, ni humain. Mon ami non plus, n’est ni Arabe, ni musulman, ni humain. Tous deux, nous ne sommes rien ni personne, et préférerions de loin le sort de cet âne. » Tirade improvisée parfaite avant de s’éclipser. Robert se débarrassa du masque et de la perruque, Élisabeth ôta sans façon sa robe de mariée. Le showrunner avait disparu. Les projecteurs baissèrent l’éclairage, plongeant la scène entière dans le noir. Sept flammes du chandelier vacillaient encore, qui ne permettaient pas d’apercevoir si le peintre avait offert au prophète Jonas la même survivance que Breughel à son Icare, mais la pénombre se teintait à mes yeux d’une obscure lueur où se devinait le sourire d’Ishtar, souveraine du Jardin des Délices

Il me restait à saisir la rose des sables, qui depuis cinq millénaires me tenait lieu de boussole et de rose des vents. Le périple n’était pas arrivé à son terme, comme le suggéraient des coups saccadés lancés contre la vitre par un satané bourricot. Je serrais donc entre les doigts cette fichue boussole, ramassée dans le désert au temps où j’étais roi d’Uruk et n’imaginais pas devenir magicien d’Irak. C’est alors que retentit l’ordinateur d’Élisabeth : un message de mon ambassadeur !

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Il faudrait la plume d’un Dante pour décrire ce qui suivit la lecture du dernier message reçu de l’Atlantide par Élisabeth Badinter. Tout se passa comme si l’idée d’une boussole sphérique avait déclenché dans l’espace-temps des perturbations électromagnétiques, jusqu’à réveiller d’un sommeil de cinq siècles Jérôme Bosch en personne…

Ce n’est pas mon heurt de cette vitre avec le museau qui la fit voler en éclats. D’abord, le ciel fut envahi par des corbeaux qui produisirent le vacarme d’avions de guerre, et des sirènes d’alerte se mirent à hurler. Killer Donald et Baby Mac, en chemin vers les toilettes, rappliquèrent à l’instant. Le prince héritier d’Arabie saoudite et Biblik Bibi firent un même bond pour trouver protection près d’Élisabeth et de Robert. Le showrunner, pas moins épouvanté, ne put cacher une grimace de joie mauvaise. À la lueur des flammes du chandelier, le panneau latéral droit du triptyque, préfigurant un bombardement moderne, laissa voir des appareils militaires mitraillant un paysage embrasé. Les avions de chasse firent une boucle et fondirent en piqué vers la partie centrale, où leur feu nourri ne causa pas le moindre dégât, tant l’application des personnages à leurs innocentes galipettes semblait les prémunir, dans l’immuable éternité de l’art, contre toute perturbation du chaos…

« Looping for Europe n’acceptera jamais les boussoles sphériques ! » Une voix désormais bien connue, celle du prophète Jonas, résonnait caverneusement depuis la sphère bleutée flottant au centre du tableau. Cette voix prit des modulations d’hymne religieux pour psalmodier : « Nous connaissons les fondements de la vie de l’âme, parce que le ventre de la baleine a l’inconscient structuré comme un langage… » Nul n’ignorait son engagement de toujours au service des plus nobles causes, ni ses prestations théâtrales dans l’Europe entière contre tous les ennemis de la démocratie libérale, incarnée par les sommités du G4. Lesquelles échangèrent des regards perplexes avec la philosophe, seule capable d’interpréter une énigme née des abyssales profondeurs de la peinture. Tous formèrent un demi-cercle pour interroger cette vision séculaire, où les avions se transformaient en chauves-souris…

Mon ancien garde des Sceaux, d’un œil expert, affirma que ce chef-d’œuvre atteignait à la perfection du réalisme dans l’expression même de l’inconscient de son auteur, et qu’il ne lui eût manqué que la parole si nous n’avions entendu surgir celle du prophète Jonas. Il scruta de près la partie latérale gauche, où les lèvres du Christ s’entrouvrirent.

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Une main posée sur l’avant-bras de la première femme agenouillée dans la verdure, tel un acteur attendant le signal pour entrer en scène, Jésus fit durer l’attente comme s’il prenait un malin plaisir à différer le crucial instant de prononcer ses premiers mots depuis deux mille ans.

« Béni soit le fleuve de lait qui s’écoule de notre mère à tous, béni soit l’écho de cette source dans nos âmes pour les siècles des siècles. » Rien n’aurait pu faire exulter davantage le showrunner, même si les caméras n’enregistrèrent pas ce prodige. Dans l’ordre des préséances, fit-il remarquer, la parole du prophète Jonas avait devancé celle du fondateur d’une secte hérétique dans l’histoire du judaïsme. Ce dont tous parurent convenir à l’exception de Baby Mac, ancien élève d’un collège tenu par la Compagnie de Jésus. Le G4, élite spirituelle du globe réunie pour la première fois, verrait-il se fissurer sa belle unité ? Les capteurs de mes longues oreilles perçurent une sonorité nouvelle qui s’amplifia graduellement, pour faire entendre à tous un grand rire sarcastique. À la dextre du Christ, Adam n’éprouvait aucune honte à railler le destin d’exil du paradis qui lui était promis. Son hilarité peu biblique se propageait à travers les âges et glaçait d’effroi les témoins d’une désinvolture incompatible avec le récit des religions du Livre : « Tout est la faute d’Ève ! Et aussi de Caïn ! Et ensuite de Cham, fils de Noé, qui sera maudit ! Tout comme Canaan, Nemrod et Gilgamesh ! » Derrière sa colonne babylonienne, je voyais s’interroger le héros de la première épopée. Mais le plus effaré semblait être Jésus, si j’en juge par la flamme qui s’envola de ses yeux, pareille à celle tombée sur ses disciples au jour de la Pentecôte. Cette flamme tremblante, avivée par la lueur des bougies, répondait aux étincelles dansant dans le regard d’un personnage dont seul était représenté le visage, tourné de trois quarts, qui sous son couvre-chef burlesque observait la scène avec le sourire énigmatique d’un artiste adressant son message à la postérité. Le showrunner devinait-il qu’il était vu davantage qu’il ne voyait ? Sa stupéfaction se teintait d’une crainte superstitieuse devant ces feux de l’enfer irradiant l’expression du peintre, sur le panneau latéral droit. « Je ne maîtrise plus rien dans cette histoire ! Un esprit supérieur a pris le contrôle du Moloch. Incompréhensible, on n’a jamais vu ça ! » Le monde vit nos rêves, ceux que nos shows lui font rêver, semblait penser le maître des lieux ; mais il est inconcevable que nous-mêmes vivions dans le rêve d’un démiurge illuminé mort il y a cinq cents ans.

 

Peste, famine, guerre, mort.

 

Telle était pourtant l’expérience à laquelle nous étions conviés, tout comme le premier explorateur de la littérature, dont l’aventure avait pris naissance bien avant le récit de la Genèse, dans l’antique Babel. Gilgamesh pouvait-il être considéré comme une figure du Jardin des Délices ? Ou si c’était plutôt de son épopée millénaire que participait la vision de Jérôme Bosch ?…

Ma caboche de mule remuait ces questions, tandis que les acteurs de la pièce en train de se jouer paraissaient concentrés sur le rôle à tenir dans une dramaturgie dont l’auteur leur était inconnu. Mes propres jeux de masques, sur les tréteaux de la scène politique, témoignaient de l’histoire humaine vue comme une tragédie digne d’Eschyle et de Shakespeare, de Racine et de Bertolt Brecht. Or, le public était gavé d’illusions divertissantes exprimées dans le langage de Guignol. De sorte que chacun s’esclaffait avec Arlequin, croyait en les balivernes de Pierrot, pleurait pour Colombine et votait Polichinelle…

Quand des ruffians déguisés en héros posaient quelque acte criminel, quand des mécréants assassinaient au nom de l’Éternel, Polichinelle faisait appel à Gendarme, Colombine chantait sa berceuse, Pierrot se piquait de morale, Arlequin lançait sa dernière blague et tout le monde s’endormait satisfait devant son écran…

Mais ici, tout se passait à l’inverse. On eût dit qu’Arlequin, Pierrot, Colombine, Polichinelle et Guignol avaient été retournés par une force démoniaque, et que l’esprit d’un théâtre primitif les avait ensorcelés pour en faire ses grimaçantes marionnettes…

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