Alors, c’est ça, qui vous monte à la tête ?

On tire la langue, on se remplit les mirettes… (ça vous épate ?)

Y en a pourtant, de l’argent sur l’eau qui brille,

Y en a pourtant de la joie au creux des filles à bas les pattes !

N’y touchez pas… gardez vos rêves

N’y touchez pas… gare au bonheur

… Toi qu’a la fringale,

Prends l’or des étoiles,

Touche pas

C’est trop joli pour être honnête…

C’est du soleil pour les alouettes…

C’est clair comme le sourire d’un môme qui dort,

Faut reluquer sans rien dire

Des fois ça mord

N’y touchez pas… gare à la chance…

Touchez pas, touchez pas au grisbi,

Touchez pas, touchez pas au grisbi.

Chanson du film de Jacques Becker, Touchez pas au Grisbi (1954), composée par Marc Lanjean et Jean Wiener, et chantée par Philippe Clay.

La Crise est en voyage d’affaires.

Elle calcule, elle négocie.

Elle demeure majoritaire.

Touchez surtout pas au grisbi.

La Crise traite de grosses affaires.

Elle a le monde bien en main.

Elle fait des coupes budgétaires.

Sa faillite n’est pas pour demain.

La Crise vante son chiffre d’affaires.

Elle vous ouvrira un crédit.

Laissons là les retardataires

et qu’ils ne touchent pas au grisbi.

La Crise a un grand savoir-faire

quand il s’agit de ses millions.

Elle sera bientôt milliardaire

en actifs et en stock-options.

La Crise fait de bonnes affaires.

L’univers entier l’enrichit.

Certains points sont prioritaires :

ne touchez pas à son grisbi.

La Crise a des bureaux d’affaires,

des agents et des conseillers.

L’argent aime les petits traders.

Les petits traders sont à ses pieds.

La Crise goûte les repas d’affaires.

Le caviar lui est servi.

Flattez ses glandes salivaires

mais ne touchez pas au grisbi.

La Crise possède ses pied-à-terre,

ses lofts et ses appartements

dans toutes les places financières,

achetés à tempérament.

La Crise règle ses petites affaires

selon les lois de l’économie,

suivant le jeu des surenchères,

mais touchez pas à son grisbi.

La Crise est bonne gestionnaire,

à la pointe du management.

Elle est redoutable en affaires

et paie rarement comptant.

La Crise a de belles manières,

elle a de la coquetterie,

une rosette à la boutonnière,

mais touchez pas à son grisbi.

La Crise est seule propriétaire

d’un grand coffre à combinaison.

Elle se passe de mandataire.

Elle affectionne les chiffres ronds.

La Crise n’est pas solidaire.

Elle veille sur ses économies.

Revoyez donc vos vieux critères

et ne touchez pas au grisbi.

La Crise est toujours créancière.

Le monde tourne sans payer.

Elle estime qu’il exagère.

Il devra la dédommager.

La Crise a un sens des affaires

exempt de vaine philanthropie.

Ses ambitions immobilières

ne convoitent que votre grisbi.

La Crise abat ses adversaires.

Full royal ou brelan de rois.

La vie est un jeu de poker.

Les dés ne connaissent pas de loi.

La Crise n’est pas dans la misère.

Ses revenus sont garantis.

Ses appointements, ses honoraires

viennent engraisser son grisbi.

La Crise est une poudrière

toujours sur le point d’exploser.

Les affaires sont les affaires

même si elles doivent tout faire sauter.

La Crise croît et prolifère

comme une vaste épidémie.

Elle ne connaît pas de frontières.

On tâte partout du grisbi.

La Crise, en perte de numéraire,

rompt soudain les négociations.

Sa situation budgétaire

lui impose cette décision.

La Crise devient déficitaire,

victime de la montée des prix.

Ses comptes sont à découvert.

Mais où est passé son grisbi ?

La Crise se sent à bout de nerfs.

Elle soigne son hypertension.

Elle a des pulsions meurtrières

en surveillant les cotations.

La Crise a un début d’ulcère

et elle a perdu l’appétit.

Elle a des aigreurs, des colères.

Le monde en veut à son grisbi !

La Crise n’est plus à son affaire.

Elle passe de mauvaises nuits.

Elle a des pensées suicidaires.

Elle souffre de névropathie.

La Crise redoute les actionnaires

qui la traquent dans ses insomnies.

Elle consomme des somnifères

et elle dort avec son grisbi.

La Crise est couverte d’urticaire.

Elle est pleine de démangeaisons.

Elle se gratte et désespère :

toujours de nouvelles éruptions.

La Crise perd ses points de repère.

Elle a des poussées d’allergie.

Elle suffoque, elle vocifère :

On a touché à son grisbi !

La Crise ne sera plus banquière.

Elle ne fera plus de crédit.

Elle se retire des affaires

pour mieux galoper chez les psys.

La Crise a largué sa carrière.

Les médecins lui ont prescrit

de s’amuser, de se distraire,

et de bazarder son grisbi.

Le grisbi, cette vieille affaire,

ce blé, ce pèze, ces picaillons,

ce jeu de dupes de milliardaires,

n’a plus cours que dans une chanson.

Une chanson, ça vous prend un air,

Ça se déniche une mélodie

— tire-lire, tra-la-la, lonlère —

et ça se moque bien du grisbi.

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