Dressant fièrement ses belles oreilles,
Il toisait sa lapine qui repliait les siennes
Sous un humble bonnet.
Songeuse, elle en crochetait
Joliment en son gîte. Tandis qu’au-dehors,
Talonné par le Temps,
Il courait après quelque blanche toison
Aux yeux rouges et ardents
De jeunesse.
En vérité, c’est lui qui avait la tête près du bonnet,
S’emportant pour un rien ; dans leur ménage, du moins.
Quand il commença à l’insulter,
Elle songea doublement.
Notre couple est en crise.
Soit : mon lapin est en crise.
Moi, je suis simplement fatiguée, très fatiguée,
Immensément fatiguée.
La post-ménopause, ça vous tue une lapine !
Universalisant son propos, elle songeait :
La Terre doit drôlement manquer d’hormones !
Mais elle résiste à sa mort.
Ces pensées lui donnaient du recul.
Là, elle oubliait ses petites misères
Et son putain de conjoint.
Si maintenant elle osait un tel vocabulaire,
C’est qu’il en usait et en abusait :
Ton putain de bonnet ! Ta putain de songerie !
Après moult injustes injures, ravalant ses larmes,
Magnanime elle dit :
Au fond du gîte, arrête-toi, car c’est là
Que tu…
Il l’interrompit, furieux : Ton putain de gîte !
Elle comprit que sonder le problème
Serait ouvrir la soupape d’un volcan dévastateur.
Que fuit donc à ce point mon lapin ?
Entre deux feux, mon bonhomme !
Courant vers l’un et fuyant l’autre.
Elle demeure entre deux.
Attendant,
De crochet ferme,
Le Néant.