L’esprit de la forêt et la terre endeuillée

Monique Thomassettie,

à la mémoire des forêts incendiées,

 

La poudre aux yeux

les excès tapageurs

mènent et exacerbent le monde

sèment en de malades cerveaux

d’incendiaires graines

pour récolter stérilité

dévastation

La terre porte le deuil

sous son crêpe de suie

 

Recroquevillée autour des racines rongées

elle espère encore au fond d’elle

quelques germes veillant à l’avenir

Elle pleure ses arbres

peint dans leur présent désert

un flamboyant automne

les frondaisons gorgées du soleil de l’été

puis dessine les épures des branches

sur un ciel blanc d’hiver

 

Appelé par les fertiles souvenirs

l’esprit de la forêt

apparaît à la terre

sous la forme d’une verte lueur

 

Ce feu a dépassé ses limites,

lui dit-il

Sa démesure t’a ravagée

Avant ce désastre

il éveillait tendrement

des champs de fleurs ardentes

Allumé à ton cœur

son cœur irradiait d’orange pétales

 

Pour que demeure la matière

la forme ne peut que lentement se perdre

À part ton esprit

quelle matière subsiste

après ces maux sans ruines ?

 

La patience !

La forêt a poussé et repoussera

patiemment,

ma lente et sûre terre !

 

Te voici moins prostrée

prête à recevoir la visite

d’un esprit frère : l’esprit du feu

Il déplore la confusion

entre flamme spirituelle

et flamme destructrice

 

Ma lueur maintenant va tenter d’apparaître

à ces pyromanes qui se prirent pour Feu

J’attendrai que retombe leur maladif triomphe

Alors  ils verront la terre martyrisée

et commencera l’enfer de leur remords

 

Ce n’est qu’en lui rendant la vie

qu’ils seront apaisés

la reboisant

à genoux

sur leur nouvelle humilité

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