C’était le présent, et nous étions sereins.
– Dernière phrase de mon conte Une époque (1993)
dans Les Seins de lune.
Au plus vif de la peur
sur le bûcher des innocents
enfer au croisement
d’incompatibles pouvoirs,
des cris d’amour sur G.S.M. !
Face à la mort
la vie clame ses vertus
Mais des appels perdus
intensifient le silence
le lestent de questions
Me revient une exposition de Chirico
où le visage sculpté de Mercure
côtoyait une perspective sur New-York [1]
Si les tours croulent,
les volutes d’une pensée
encor tracent Mercure
médiateur et messager
entre cœur et raison
dans une ère qui s’annonce
du seul cerveau
L’ère du « cerveau »
fanatique contraire
de l’ère du verseau aux unions généreuses !
Le ciel palliera
en ses supérieurs paliers
les prétentieux désordres
Fiction ?
Qu’y puis-je si
méditant ces terreurs
j’éprouve un recul
un regard panoramique
au-dessus d’une Terre si petite
où minuscule je me débats
moi aussi, comme tous ?
Plus je me sens du monde
plus je puis le quitter
me quitter
afin d’assumer
la mortelle misère
en l’assomption de mon regard
pensif et poète
Mais si s’effondrait ma maison
mon regard atterré
se terrerait
entre deux éclats de caillou
y chercherait,
je pense,
le souple et roboratif
brin d’herbe
afin que point ne se rompe
ma volonté
Monde fragile, menacé
à court ou à long
ou à très long
terme
Quelle évolution ?
Quelles transitions
peut-être infernales ?
Une sournoise menace
faufilée aux failles insoupçonnées
aux interstices oubliés
Quelle herbe
la neutraliserait ?
Fiction :
Future saga
de civilisations nouvelles
aujourd’hui trahies
par la démentielle inquisition ?
Diabolique flamme d’anges ou archanges chutant
propulsée par la condamnation d’une culture
qui célèbre de Vénus la renaissance ?
Future saga
devenue peut-être
dans un avenir explosé
livre sacré où les martyrs de tous bords
seraient réunis en un même chapitre
d’absurdes
Innocents sacrifiés de partout
unis dans le même désespoir
Les Temps se suivent
Trop se ressemblent
en leur fin qui doute
de l’infini de l’amour ?
« La matière demeure et la forme se perd » [2]
L’humaine matière demeurerait
et la dogmatique forme se perdrait ?
L’ultime religion
reliant tous les êtres
sera-t-elle un jour donnée, bien reçue
versée du ciel par un alchimique verseau ?
Astrologique fiction ?
Trois minutes
fois trois
fois trois
fois l’infini
d’un silence vivant
qui clame et répond
Et si
au lieu de représailles
une autre attitude était trouvée…
Quelle inspiratrice paix ?
Comment tenir tête
aux cerveaux fanatiques ?
Et si
Avec des « si »
mettrait-on le monde en bouteille
lancée à l’océan songeur
Cocktail dont l’explosion
serait désamorcée
au bercement des flots
En attendant
il me faut revenir à la terre pierreuse
« Si tu ne vas pas à la misère,
la misère viendra à toi »
Mise en garde sévère
– aujourd’hui prophétique ? –
lue naguère sur un mur
« Le 21ème siècle sera spirituel
ou ne sera pas » [3]
Refusant les multiples liens qui unissent
séparant au lieu de relier
les guerres dites de religion
sont des guerres de prétexte
La politique n’est pas mon fort
Mon incompétence n’y a d’égale
que mon incompréhension
Il est vrai que les plus avertis
au lieu de valoir le double d’intelligence
assistent, dépassés,
à une division au résultat mortellement négatif
Et puis que suis-je sur cette Terre ?
Née dans un intégrisme
où mettrais-je ma « bonne foi » ?
Aime
Dernier cri des cœurs
Animiste la Nature se lèverait
habitée par la danse divine
L’Homme y perdrait
« connaissance »
Retrouverait la compassion
du Bouddha qui demeure
par-delà les iconoclasmes
[1] Deux tableaux vus à Charleroi cette année (2001) lors d’une rétrospective de Chirico
[2] Ronsard
[3] Malraux