Odyssée aux cursives rondeurs de l’enfance d’un verbe

Monique Thomassettie,

aux ailes renaissantes,

 

2

000

Les trois 0 de l’année

portent le tricycle

zigzaguant

car les p’tits bateaux sont ivres, maman

ont enroulé leurs jambes

Les miennes de deux ans

pédalent et fuient les nivellements

vers les vagues d’ivresse

« Allée avec le soleil »

la mer enfante

l’air libre

le chant

0 ! 0 !

0 !

Vois :

sur une pointe

la forme du premier chant

Elle est toupie  Le second sur l’eau est reflet

élargi car la mer est large d’idées de pensée de cœur

*

Le soleil ouvre les yeux de l’onde

qui se lève  se pare de ses eaux les plus bleues

À toute volée leur parvient un écho

de grelots d’une fête galante

Cythère

et trois 0 de raisin

pour 2 verres de vin

*

Sur terre

un poète a fui

l’automobile autisme

ces boîtes où l’on se conserve

et d’autres métalliques tours

aux bas et haut fermés

Avec vents et embruns

désormais il converse

Converser !

Retrouver quelqu’un et un lieu

Au départ le verbe,

m’apprend Le Petit copain Robert,

signifiait « vivre quelque part »

« avec quelqu’un »

en éternité mesurément ivre

Mesure des paroles

fine fleur amoureuse

ordonnant la passion

en musicales partitions

où s’éclatent rondes et croches

Ce chant-ci dessine une enfant

aux bras ouverts

*

Sur terre

« Le Bateau ivre » [1] a quitté

les anonymes ivresses

L’océan toujours baptise

sous des langues de feu

Voici marchant sur l’eau

l’enfant mystérieuse :

Poésie  « Création »

« Elle est retrouvée

Quoi ? – »  L’Enfance innée

Don à reconquérir

à la force du Temps

(Force que jamais

n’aura le clonage)

Refaire aux mots une virginité

sans perdre leur mémoire  sans leur ôter l’impact

charnel  « Le verbe s’est fait chair »

dans la « virginité »

Sens profond de l’image ?  Esprit

Le verbe est souffle qui féconde et anime

le multiple « sang bleu » [2] des poètes

les faisant tournoyer et danser

sur de nomades voies

Parfois ils se reposent les mots

comme on le dit des jambes

tant les mots sont en eux incarnés

Repos dans la forêt de Poésie

qui pour eux point n’est cachée

par la lettre d’un arbre de Science

Mais les pépins du fruit réengendrent la fleur

Ce chant-ci couronné accueille l’enfant mythique

L’air est à la joie  Sur les rives d’alentour

des animaux rêvent d’ailes gardiennes

L’évolution demeure permanent retour

Des humains l’espèrent ou la programment

tandis que la Pensée aux plumes flamboyantes

tel un oiseau de feu dont le nid est soleil  renaît

en notes ardentes  Trilles aériens semant à tout vent

l’active méditation d’un verbe d’espace

accordé au rythme de la mer

et la fécondant

extasiée

! 00 !

0

Trois 0 de raisin pour 2 verres de vin

multipliés fêtent le

baptême de

l’espèce

« anges »

Car oui

je le redis

le millénaire ailé

marchera sur les eaux

si sur terre nous dansons

de nos pieds nus la pétrissons

en tendres et fermes caresses

Si coude à coude chantons

serrés  non étouffés :

l’air est si vaste !

De ce chant

l’amphore

aux anses

invisibles

contient le génie d’un envol

C’est un oiseau au bec en V  Son nom est de Magritte :

« Retour »

Le jour son nid est ville  La nuit il est forêt qui renaît

et complète celle où les citadins courent  marchent

éveillés  À l’heure du rêve dans la ville revient

le bois originel  Jadis enraciné au lieu des

fondations l’arbre au cœur de chaque

demeure palpite comme chez

René encore – contenu et

contenant inversés –

brille l’intérieur

d’une maison

au cœur

doré

de

l’arbre

V

La ville au sein de la forêt  La forêt au sein de la ville

Y niche aussi « L’Oiseau bleu » [3] recherché qui

sans fin nous conduit tel Ulysse dans les mondes

Rencontrés les hommes  les anges  les dieux

ne nous quittent plus et poursuivent

l’odyssée d’un Verbe

inlassable

en nous

retrouvé

Formes des poèmes : la toupie et son reflet ; l’enfant et l’adulte accueillant ; l’amphore et le bouquet ; l’oiseau et la coupe

[1] Rimbaud

[2] Cocteau

[3] Maeterlinck

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