Stéphane (en chantant) :
« C’était un pauv’ gars
Qui s’appelait Armand
L’avait deux papas
L’avait pas d’maman »
Marie-France : Arrête de me bassiner les oreilles avec cette scie. Et d’abord tu la chantes de travers…
Stéphane : Pas du tout, c’est une version nouvelle qui fait un malheur sur Youtube.
Marie-France : Parce que tu vas sur Youtube ?
Stéphane : Ça m’arrive, comme à chacun.
Marie-France : Bravo mon chéri ! Encore une percée du lobby gay. Que vont-ils encore nous inventer pour nous imposer leur différence ?
Stéphane : Tu ne voudrais tout de même pas qu’on soit tous pareils ma chérie ?
Marie-France : Je n’ai pas dit ça…
Stéphane : …L’aurais-tu pensé ?
Marie-France : Tu lis dans mes pensées, maintenant
C’est vrai qu’ils me gonflent avec leur mariage pour pédés.
Stéphane : Tout de suite les mots qui tuent, tu me déçois, Marie-France. Mariage gay, ma chérie ! Mariage pour tous et pour toutes.
Marie-France : C’est ça, donne-leur raison, mon pauvre bobo qui suit le troupeau bêlant des brebis galeuses.
Stéphane : Tu te prends pour qui, la Parisienne ?
Marie-France : Pour une femme normale, issue d’une famille normale qui vit avec un mec feignant la différence.
Stéphane : Non mais je rêve ? Les normes ça se change, Marie-France, les lois ça s’adapte, ma chérie. Même les papes prennent leur retraite désormais.
Marie-France : Ne serait-ce pas ce petit côté gay inavoué qui t’inspire cette tolérance envers les invertis du Middle Sex ?
Stéphane : C’est que… C’est que je ne crains pas les femmes, moi, chère Madame.
Marie-France : Parce que selon toi, c’est par peur des jeunes femmes que tant de mecs sont aujourd’hui attirés par les garçons ?
Stéphane : Qui sait ? Quant aux femmes, elles nous ont si bien tourmentés, décriés, fragilisés que désormais elles ne se sentent plus bien qu’entre elles.
Marie-France : Mais c’est qu’il délire, le pauvre chéri.
Stéphane : D’où la nécessité, mon cœur, de légiférer sur base des nouvelles réalités, celles qui induisent une mutation des comportements humains.
Marie-France : Écoutez-le donc. C’est sidérant. Je finirai par donner raison aux musulmans.
Stéphane : Non mais tu t’entends ? Tu plaides pour la burua, maintenant ?
Marie-France : Plutôt la burua que le mariage endogène. C’est répugnant, à la fin.
Stéphane : Ah bon, le mariage hllebi, tu serais carrément contre ? Et moi qui croyais que c’était seulement l’adoption qui te turlupinait.
Marie-France : Observe la nature, Stéphane, les oiseaux, les lapins, les chats, les chiens. T’en as vu beaucoup qui s’accouplent entre mâles ?
Stéphane : J’ai observé que les chiens se reniflent volontiers entre mâles et davantage si affinités… Mais on n’est pas des animaux, Marie-France, on est des homo sapiens sapiens, nous.
Marie-France : Homo toi-même. Ma mère a toujours pensé que tu avais des tendances avec tes petites manières, tes gestes précieux.
Stéphane : De grâce, laisse ta mère en dehors de ça. Ta mère…
Marie-France : Tu imagines que notre fistounet nous déclare demain tout à trac : je veux me marier.
Stéphane : Il a tout juste onze ans, le petit Thomas…
Marie-France : J’ai dit : tu imagines… Et qu’à la seconde phrase il précise : avec Charles-Antoine.
Stéphane : Tu m’as fait peur…
Marie-France : Peur de quoi ? Qu’il nous dise avec Rachid ?
Stéphane : Ah, la perfide. Mais tu as raison, ça ne risque pas d’arriver, Rachid est musulman. Disons par exemple avec Séraphin Makimba pour embrayer dans ton raisonnement foireux.
Marie-France : Dis tout de suite que je suis raciste.
Stéphane : Raciste non… plutôt, plutôt… un tantinet bourgeoise, ma chérie.
Marie-France : Qu’est ce que j’en peux, moi, si papa était colonel dans les chasseurs alpins et maman professeur de latin chez les ursulines ?
Stéphane : On voudrait l’inventer, celle-là, qu’on n’oserait pas…
Marie-France : Je te hais, Stéphane, quand tu t’en prends lâchement à ma famille. Parlons plutôt de la tienne.
Stéphane : La famille m’insupporte. Jamais je n’aurais dû me marier, jamais.
Marie-France : C’est délicieux à entendre pour moi, ta femme, mon trésor. Il est vrai que de ce temps-là tu n’aurais pas pu réaliser ton fantasme gay…
Stéphane : Détrompe-toi, Marie-France. Bien sûr que je l’aurais pu, ma belle. Je suis belge moi. Et pas ressortissant d’une nation archaïque et rétrograde.
Marie-France : Comment diable peut-on être Belge ?
Stéphane : Par naturalisation pardi, mais c’est devenu plus difficile, surtout pour les riches…
Marie-France : Bien plus compliqué que de devenir Russe apparemment.
Stéphane : Ou par mariage, et je te signale que c’est précisément ton cas.
Marie-France : Si j’avais su…
Stéphane : Trop tard ma chérie. Te voilà Belge, malgré toi.
Marie-France : « Sois Belge et tais-toi. » C’est cela que tu veux me faire dire ?
Stéphane : Je n’oserais pas… On peut aussi devenir Belge en s’exilant. Observe l’exode des Thalyssiens. Vois nos facultés médicales envahies par des récipiendaires d’outre-Quiévrain… Uccle se « neuillyise » — c’est plus difficile à dire qu’à faire. Curieusement, on n’y a pas encore vu Sarko et sa Carla ?
Marie-France : Relis Baudelaire, mon chéri, tu verras ce qu’il pensait de ton joli pays ?
Stéphane : Le passé ma chérie, le passé. Vois Éric Emmanuel Schmidt, comme il prospère et s’épanouit chez nous.
Marie-France : « Petit pays, petites gens. » Et c’est votre roi qui l’a dit…
Stéphane : Son grand-père, ma chérie. Que dis-je, son arrière-grand-père. La Belgique est certes un pays compliqué mais il est à la pointe dans bien des domaines.
Marie-France : À la pointe du populisme, du nationalisme, sans oublier le nombrilisme.
Stéphane : Comment oses-tu ? Il n’y a pas moins chauvin qu’un Belge.
Marie-France : Et pas plus « m’as-tu vu », plus dikkenek qu’un Bruxellois de souche de ton acabit.
Stéphane : Ironise, ma chérie, ironise. Avortement, euthanasie, mariage gay. On a battu tous les Européens au poteau avec nos législations avant-gardistes. Près de mille lesbiennes ont demandé à se marier ici pour pouvoir adopter.
Marie-France : Pas étonnant avec ce guignol de Premier qui minaude et change de couleur de nœud-pap’ au gré du vent.
Stéphane : Cite-moi une seule démocratie dont le Premier ministre soit un fils d’immigré, une seule.
Marie-France : La Corse. Je veux dire la France… Mais tu m’égares à dessein.
Thomas : Maman !
Marie-France : Tu marches au rythme des modes et des slogans.
Thomas : Maman !
Marie-France : Mais tu vas te taire à la fin.
Stéphane : Mais laisse ce petit s’exprimer, voyons, mère castratrice.
Marie-France : Goujat.
Matia : Maman, j’peux aller dormir chez Armand ?
Marie-France : Ça suffit, Thomas. Armand, Armand, c’est qui encore celui-là.
Matia : C’est le meilleur élève de ma classe, m’man.
Stéphane : C’est celui qui a deux pères et pas de maman.
Thomas : Quel chançard.