C’est l’heure du journal, d’un clignement d’œil j’allume l’écran mural, je positionne mes lunettes d’immersion 3D et je pénètre dans la news-room de CNN. Les jeunes et beaux secrétaires sourient. Rares sont les hommes qui s’intéressent aux nouvelles internationales. La plupart de mes amis surfent sur internet à la recherche de nourritures bio ou de vêtements antiradiation pour les enfants. Ils les commandent et attendent les livraisons pendant que leurs compagnes parcourent le monde en drones privés et s’enrichissent en créant des start-up.

Ce soir le monde entier fête les 80 ans de Nadejda Tolokonnikova et ses 30 ans à la tête de la Russie. Les présentatrices vedettes du monde entier la congratulent, rappellent son extraordinaire carrière depuis la fondation des Pussy Riot puis la mise en place en Russie du « pussysme » qui devient rapidement une lame de fond internationale, un mouvement mondial, un raz de marée bien plus concret que tous les bouleversements climatiques annoncés par les vieux savants masculins, aujourd’hui la risée des chercheuses scientifiques sérieuses du monde entier.

Le « pussysme » renversa Poutine, envahit les communo-capitalistes chinois, les USA, la toute molle Europe, ne fit qu’une bouchée de l’Amérique du Sud et ne butta que sur le Moyen Orient.

Malgré ses 80 ans Nadejda Tolokonnikova (défense aux hommes d’appeler les femmes par leurs prénoms sous peine de procès) conservait ce qu’on appelait, il y a longtemps, son sex-appeal (mot aujourd’hui totalement interdit). Sa masse de cheveux noirs, ses yeux verts pailletés de brun, son sourire légèrement de biais qui la rendait irrésistible sur les anciennes vidéos de 2016. Même en tenant compte des filtres automatiques qui équipent les caméras dès qu’elles filment des femmes (c’est-à-dire dans 80 % des cas), on était impressionné par son charme, son charisme, sa forte féminité. Nul doute que le pouvoir avait une forte influence érotique sur les hommes qui avaient la chance de l’approcher. Le bruit courrait que les quelques jeunes ministres masculins de son gouvernement étaient tous passés dans son « waterbed ».

La présidente de CNN en personne, Hale Ross, entourée de son staff de jeunes femmes en tailleur Chanel (oui, Chanel était plus que jamais une icône) retraça la saga de la dirigeante russe. Hale insista sur sa célèbre alliance avec la secrétaire générale du présidium chinois, Zhan-Yuki-Shuang, ancienne actrice de cinéma. À la tête du mouvement pussyste du parti communiste, elle fit nommer ses amies au comité central puis en prit la direction. À partir de ce moment les accords entre la Chine et la Russie se multiplièrent, l’argent circula à flot entre les deux républiques. Puis seuls les pays dirigés par des femmes eurent accès à la manne chinoise. Ulcérées, à juste titre, par la condition des femmes dans les régions musulmanes de leur pays, elles décidèrent de l’emprisonnement en camps de rééducation de tous les imams et militants islamistes, ce qui fit plus de 300 000 morts en Tchétchénie (dont 280 000 mâles bornés, précisa à l’époque Nadejda Tolokonnikova…)

Les deux femmes ridiculisèrent l’ONU qui leur demanda des « explications sur leurs comportements » en répondant que des nations qui ne respectent pas les droits des femmes n’avaient pas à se mêler des droits de l’homme et elles firent lecture de la liste des trop nombreux pays dirigés par des hommes. Puis Nadejda (une femme peut appeler une autre femme par son prénom) prit contact avec la présidente des USA, Monica Lewinsky, elle aussi membre des « pussystes démocrates ».

Pour bien montrer que les médias étaient totalement indépendants, Hale Ross rappela que Monica avait été secouée par le « scandale Dan Cooper » du nom d’un jeune stagiaire de 22 ans impliqué dans des actes sexuels dans le bureau ovale… Dan avait envoyé à un ami sur Facebook des photos de lui léchant la chatte de la présidente qui avait juré deux semaines auparavant « ne pas avoir eu des relations sexuelles avec cette personne ». Dan prétendait avoir truqué la photo ; c’était la chatte rasée de sa petite amie et non celle de la présidente. La commission d’enquête du sénat lui demanda pourquoi il avait parlé de « chatte rasée » par rapport à celle de la présidente. Voulait-il dire que la chatte de la présidente n’était pas rasée ? Pouvait-il préciser ce point ? Avait-il eu l’occasion d’apercevoir la chatte de la présidente ? Avait-elle l’habitude de ne pas porter de culotte (sinon en quelle matière ?) quand elle s’asseyait derrière le bureau présidentiel pour recevoir d’autres femmes d’État ? Dan s’était embrouillé dans ses réponses et comme on lui rappelait qu’il témoignait sous serment, il s’était effondré en pleurs et avait avoué : Oui ! J’ai fait un cunnilingus à la présidente, à sa demande pour la relaxer avant une importante réunion avec madame la présidente de Russie sur la situation des femmes irakiennes. « La présidente a-t-elle apprécié votre action, l’avez-vous fait jouir ? » demanda une sénatrice de la commission.

Dan essuya ses larmes, réfléchit longuement en regardant la sénatrice puis se tourna vers la présidente de la commission :

— Je ne peux pas répondre à cette question sans enfreindre mon devoir de réserve et la confidentialité de tout ce qui se dit dans le bureau ovale.

La sénatrice haussa le ton :

— Je ne fais pas allusion à ce qui se dit mais bien à ce qui se fait (elle insista lourdement sur le verbe) dans le bureau ovale et il me semble que le moindre de vos devoirs de réserve est de ne pas vous glisser à genoux sous les jupes de la présidente.

Dan baissa la tête

— Je suis censé aider la présidente sans discuter de la nature ni de la durée de la prestation.

— Encore une fois je vous demande si la présidente était satisfaite de votre « prestation ».

Dan regarda la sénatrice dans les yeux

— J’invoque le premier amendement pour refuser de répondre à une question qui relève de mes convictions les plus intimes.

Nous, les hommes, en secret, avons tous été très fiers de Dan, qui avait montré à cette sénatrice qu’il avait des couilles (oups ! je retire ça même en pensée, désolé).

Dan travaille aujourd’hui au Pôle Nord dans une station de pompage de boues organiques.

La présidente Lewinsky avoua avoir eu avec son stagiaire une relation « inappropriée » et avoua que malgré le stress elle aurait dû « garder son slip et serrer les genoux ». Elle ajouta que la prochaine fois elle « réglerait le problème elle-même, de sa propre main, comme devaient le faire les femmes responsables ». Cette dernière déclaration provoqua une standing-ovation sur les bancs pussystes démocrates et gagna même le secteur pussyste des bancs républicains.

Après ce rappel politico-moral, Hale Ross passa à la « crise irakienne »…

Quand Nadejda Tolokonnikova rencontra Monica Lewinsky pour lui dire que Zhang Shuang ne voyait aucun inconvénient à ce que les deux grandes puissances militaires interviennent de concert pour stopper tous les islamistes qui se fichaient des droits des femmes au Moyen-Orient en commençant par Isis en Irak et en Libye, Monica comprit le message et elles décidèrent d’agir main dans la main. La Chine mettait à leur disposition une arme absolue, issue de recherches très pointues dans le domaine de la stérilisation : un système de bombes à radiations « gonadotoxiques » qui ne faisaient que quelques morts à l’impact mais rendaient les mâles impuissants et stériles dans un rayon de 200 kilomètres. La Russie et les USA avaient les avions et les vecteurs pour mettre cette dissuasion en œuvre. L’accord fut conclu entre les trois dirigeantes et se termina joyeusement par un dîner au Russian tea-room à New York arrosé de Vodkapirinha et agrémenté de jeunes cosaques, torse nu, dansant sur des airs tziganes et country.

Au bout de dix frappes, Isis déposa les armes. Deux bombes au centre de Ryad changèrent radicalement la politique saoudienne… le Qatar ne se fit pas prier ! Le roi du Maroc, commandeur des croyants, donna de la voix pour convaincre le Maghreb et abdiqua en faveur de sa fille. La Chine demanda, en termes diplomatiques, à l’Indonésie de changer de ton en faveur des droits des femmes pour ne pas contrarier la secrétaire générale du parti. Ce qui fut accepté après seulement un mois de négociation. Les USA et la Russie furent malheureusement obligés de frapper l’Afghanistan et le Pakistan pour les convaincre de rejoindre le clan des nations respectueuses des droits des femmes. Tout ceci fut accepté à l’unanimité par le conseil de sécurité de l’ONU (who else ?).

En moins d’un an les trois grandes dirigeantes avaient réglé le problème de l’islamisme radical qui avait terrorisé le monde et la pression continuait sur toutes les religions qui soumettaient les femmes au patriarcat traditionnel (attention Israël ! attention le Vatican ! attention les orthodoxes ! et même, attention les mormons !)

Ce qu’on appela un « changement de paradigme sociétal » dopa le « pussysme » dans le monde entier et, très vite, les femmes prirent le pouvoir en Europe, puis en Amérique latine, l’Asie fut séduite par l’efficacité de cette nouvelle gouvernance et l’Afrique se rendit enfin compte que les femmes tenaient toutes seules l’économie du continent privatisée et confisquée pendant des siècles par des mâles prédateurs et incompétents.

Je recule doucement et sors de l’écran. J’avoue que si je regarde les news c’est parce que je suis comédien et qu’à 38 ans je n’ai plus beaucoup de travail. Le cinéma mondial est dominé par l’image de la femme. Les réalisatrices qui représentent 80 % de la profession se passionnent pour des héroïnes violentes, des histoires de femmes charismatiques qui réussissent dans les affaires, qui vivent des vies actives et passionnantes, loin du train-train quotidien des héros masculins réduits au rôle de faire-valoir, soit d’hommes pépères au foyer, soit d’objets sexuels qui mettent en scène la plastique irréprochable des actrices, leur force de caractère et de séduction.

Mon agent m’a prévenu, ce sont surtout mes muscles et mes tatouages qui m’ont fait gagner le casting. Ce ne sera pas un rôle intello !

Dès que j’arrive dans le studio, je comprends… Un collier de chien clouté, les fesses à l’air et une nana (non interdit ! je reprends…) et une actrice (dé)vêtue d’un top et minijupe en cuir noir, j’imagine aisément la suite.

Je n’ai jamais voulu me marier, avoir des enfants, même pas une fille (les garçons n’ont pas beaucoup d’avenir). Ma mère me disait pourtant : tu es un beau garçon, trouve une femme qui a un job de direction, qui vit dans un loft avec roof-top et piscine, qui t’aime et t’apporte une vie facile avec tes copains et à qui tu donneras de belles petites princesses… Mais je n’y tenais pas. Je voulais décider tout seul de ma vie, ne pas céder à la facilité. J’avoue que depuis la découverte du placenta artificiel, la plupart des hommes mariés étaient obligés de porter les enfants pendant plusieurs mois avant de confier, par césarienne (encore heureux !) l’enfant à sa mère qui le mettra au monde de façon naturelle. Je n’avais aucune envie d’avoir le corps déformé et de me trimbaler un parasite (il faut bien le dire…) pendant de longues semaines sans pouvoir faire du sport ni baiser (dans cet état ???). Bref je suis resté célibataire et sans pognon. C’est la vie de la plupart des mecs qui veulent rester indépendants et qui n’ont pas fait d’études poussées comme leurs sœurs.

L’actrice Kathy Fisher demande une analyse de salive et un examen clinique de ma langue sans se soucier de ma bite (il y a longtemps qu’on ne voit plus de fellation dans les films X). Je suis obligé de m’y soumettre ou de laisser ma place à un autre candidat… J’accepte, la rage au ventre. Kathy Fisher me jette un regard noir et me lance « Ne me mords pas ! Ne me pince pas ! Compris ? ». Je lui fais un signe de tête doublé d’un clin d’œil (surtout ne lui fait pas un doigt d’honneur, ca va chercher dans les 10 000 new dollars d’amende !). Deux caméras sont prêtes, l’une pour le gros plan « cul », l’autre sur nous. Je me mets à genoux devant Kathy, soulève sa jupette, j’entrouvre son sexe et je lui lèche le clito, elle rejette la tête en arrière, ferme les yeux et pousse de petits cris, je me concentre avec difficulté, je ne bande pas mais je m’accroche…

La réalisatrice interpelle Kathy et lui dit qu’elle « surjoue un peu », Kathy me repousse du genou et dit « Ce con est nul, je ne sens rien, il faut bien que j’invente, que j’imagine ! ». Je me redresse, je la dépasse d’une tête « Et si je te balançais ma main dans la gueule, tu la sentirais ? » La réalisatrice bondit « On ne parle pas comme ça à une femme ! Sors immédiatement du plateau »

— Ah bon ! Je ne savais qu’ici on ne pouvait insulter que les mecs !

— Si tu ne respectes pas les femmes, c’est ton problème, pas le nôtre.

Je me lève et me dirige vers la porte en lançant à la ronde

— Je respecte toutes les femmes.

Je me retourne, salue bien bas et ajoute

— Sauf les connasses !

Et je sors.

Dans le couloir, un très vieux machiniste (il doit avoir 100 ans mais il est obligé de travailler encore) me tape sur l’épaule « Merci mon pote ! Ça m’a rappelé le bon vieux temps »

Et je vois des larmes dans ses yeux bordés de rides.

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