Radio ouverte, oreilles tendues,
grappe d’attentifs autour du poste.
Voix de Luc Varenne,
entre toutes, reconnaissable ;
son débit enthousiaste, entraînant
sur fond de bruits d’ambiance, d’échos suggestifs
qui communiquaient l’illusion, la conviction
d’en être, de vivre à ses côtés.
Là, sur l’itinéraire,
soigneusement découpé dans la gazette,
punaisé au mur du séjour
afin de suivre roue à roue
l’avance des coureurs.
C’est grand, la France !
Alors en faire le tour…
Arrière-pays familier. Rendez-vous annuel.
On n’y connaissait pas grand-chose
Mais on se mettait au diapason familial,
On parlait la langue commune : maillot jaune et lanterne rouge.
Coup de tonnerre dans le ciel immuable :
Le Tour de France va passer près de chez nous !
Mes grands-parents habitaient
au bord du nord de la France, alors !
Préparatifs fiévreux,
chaises pour les moins valides
disposées le long du parcours.
Place du village pavoisée
et foule au comble de l’excitation.
Je perçois encore les noms criés,
les clameurs de soutien.
Mais ai-je réellement vu passer le Tour de France ?
Ils allaient si vite !
Le temps de les voir apparaître
au coin de la rue,
ils avaient disparu !
Et surtout ! un fanatique
s’était glissé devant moi, la petite.
Un oncle m’avait hissée sur ses épaules,
Trop tard !
Aujourd’hui
déception, malaise, amertume.
Toutes ces rumeurs et ces réalités
du dopage en sous-main,
de médecins complices et d’argent fou.
Le fracas médiatique.
Le soupçon toxique
s’est insinué entre le Tour de France
et l’ancienne petite fille.
Que dirait Luc Varenne ?