J’ai l’impression d’être un lapsus de la vie. Comme un mot qui sort pour un autre, et au mauvais moment.

Ce n’est pas moi qui devais être là. Et je ne sais pas à la place de qui. Mon nom n’est visiblement pas le mien.

Je suis un alter ego, un moi qui devait être autre ; pire : un autre qui ne pouvait être moi-même.

La séance est levée, dit le président qui ouvre la session. Il aurait déjà voulu qu’elle fût terminée.

Et moi quand je suis né, on a crié : « À mort ». Je devais déjà être anéanti. Selon un décret spécial, quelque part dans un ministère de béton.

Et me voilà comme un mot qui tombe mal à propos.

Un lapsus dit souvent le contraire, la pensée cachée, qu’on ne peut absolument pas montrer, et qui échappe, malgré soi, comme une bouffée du refoulé.

Et me voilà ! On ne veut pas de moi. La société dit non. Mais ma mère n’a pas pu faire autrement, et l’enfant caché est sorti, à l’insu de tous. Né, j’étais un scandale vivant. Je pourrais perpétuer les miens !

Aujourd’hui je sais. Je devais être là pour personne, moins que rien.

Mais la langue du néant a fourché. Un ventre m’a prononcé à tort et à travers. Je suis un lapsus de la mort. Je suis vivant !

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