Nous sommes quatre penchés sur ce berceau. Quatre, c’est au moins un de trop. Dans l’histoire de la Belle au bois dormant, la quatrième marraine, c’est la sorcière.
L’image que je garde de lui est celle d’un être en mouvement. Les muscles saillants, courant autour du stade. Les bras tendus, vissant une lampe. Les jambes fléchies, taillant un rosier. Et répondant à mes questions, entre deux gestes concentrés sur d’autres préoccupations. « Il est où, Dieu ? » demande l’enfant. « Au sommet du pommier », répond le père. Tout était dit. Et moi qui passe ma vie à parler, à m’agiter, à vouloir prouver. Lui, il était là, planté à jamais comme un pommier au milieu de mon enfance. Si Dieu est au sommet de l’arbre, papa est toujours à côté de moi. Je suis né dans cette croyance. Lorsqu’on ramassait des coquillages, il connaissait le nom de chacun d’entre eux et me le disait, sans que je doive le demander. Pour que je sache, que je grandisse. Tu seras un homme, mon fils, cette phrase semblait l’habiter. Le poème de Rudyard Kipling était affiché derrière son bureau. Lire la suite →