Vous n’auriez jamais dû accepter. Et vous voilà, coincé dans cette pièce, quatre murs autour de vous, quatre murs qui vous enferment et pour seule compagnie ce palmier en plastique, parce que les plantes vertes, c’est bien connu, ça a besoin de lumière pour vivre. Vous aussi. Et pourtant quatre années que vous êtes ici, cloîtré, peut-être déjà mort ? Comment savoir ? Eux, ils savent. Lire la suite


Nous sommes quatre penchés sur ce berceau. Quatre, c’est au moins un de trop. Dans l’histoire de la Belle au bois dormant, la quatrième marraine, c’est la sorcière.

L’image que je garde de lui est celle d’un être en mouvement. Les muscles saillants, courant autour du stade. Les bras tendus, vissant une lampe. Les jambes fléchies, taillant un rosier. Et répondant à mes questions, entre deux gestes concentrés sur d’autres préoccupations. « Il est où, Dieu ? » demande l’enfant. « Au sommet du pommier », répond le père. Tout était dit. Et moi qui passe ma vie à parler, à m’agiter, à vouloir prouver. Lui, il était là, planté à jamais comme un pommier au milieu de mon enfance. Si Dieu est au sommet de l’arbre, papa est toujours à côté de moi. Je suis né dans cette croyance. Lorsqu’on ramassait des coquillages, il connaissait le nom de chacun d’entre eux et me le disait, sans que je doive le demander. Pour que je sache, que je grandisse. Tu seras un homme, mon fils, cette phrase semblait l’habiter. Le poème de Rudyard Kipling était affiché derrière son bureau. Lire la suite


Je sais que je n’ai pas le droit. Maman me l’a interdit. Mais ce n’est pas l’avis de grand-mère. Gâteuse, qu’elle dit maman : une vieille diva qui ne sait pas ce qu’elle fait. De toute façon, je ne peux m’en empêcher, tout simplement. Alors, j’ai déposé mes coquillages sur la table, au centre, bien étalés, pour pouvoir les admirer, chacun. Comme ils brillent ! J’ai caressé mon plus joli couteau : il a l’élégance des ongles de maman, lorsqu’elle les a manucurés. Il scintille, littéralement. J’ai glissé l’annuaire sur sa tranche légèrement aiguisée. Bien sûr, si on appuie trop, ça fait un peu mal, mais, par cette chaleur, la fraîcheur qu’il dégage tient du miracle. J’ai ensuite porté le trésor nacré à ma joue, tout lisse, tout doux. Et j’ai fermé les yeux. Comme devant Moïse, l’océan s’est ouvert pour moi. J’allais atteindre ma terre promise, les narines gorgées des parfums d’embruns. Des pas ont retenti dans l’escalier. Pour aujourd’hui, c’était fini. Vivement mercredi ! Lire la suite


Le monde doit davantage à Thomas Edison qu’à Karl Marx. Deux jours que cette phrase te trotte dans la tête. Écrite par le Pionnier, paraît-il. Mais plus personne n’est vraiment sûr. Et quelle importance, finalement ? L’auteur est mort. Tous les auteurs sont morts. À force de copier-coller. L’internet, le meilleur système de partage des idées volées. Toujours selon ton maître à penser. Enfin, s’il n’a pas pillé cette phrase à un autre… Lire la suite


Depuis combien de temps suis-je là ? Mon corps a pris sa forme. Il épouse ses moindres sillons. Il ne la quitte qu’à regret, pour de petites tâches sans importance : trier un tas de déchets, en extraire de précieux minerais ; descendre en ville pour les négocier et remonter tout aussitôt, heureux de retrouver sa chaude moiteur. Lire la suite