Autant le dire d’emblée : je ne suis guère fier de l’épisode qui va suivre. D’aucuns y verront une faute professionnelle d’une gravité inqualifiable. Je ne puis leur donner tort. Ce qui me pousse à en faire ici ce récit ? Le dessein de me libérer d’un poids qui depuis deux ans m’accable. Une confession, en quelque sorte. Lire la suite


Pour Michel Khleift, né à Nazareth

À Bethléem, le temps est venu de se demander si naître en ce monde est encore possible. Naître là où jadis naquit celui qui. Deux mille ans serait le temps nécessaire à l’abolition de la naissance même, qui signerait ainsi la lente extinction de l’espèce humaine. Il y aurait donc eu un temps pour naître et ce temps était révolu, un temps pour être maman et ce temps était révolu. Des mots comme cordon ombilical, placenta, vagissement, lait maternel, bébé, biberon, gynécologue, maternité… tous ces mots allaient-ils disparaître de la langue et des dictionnaires patiemment conçus par des êtres humains qui eux-mêmes avaient connu neuf mois durant le bonheur sublime du paradis utérin ? Lire la suite


Le porte-avions Roosevelt dont il venait de décoller lui paraissait déjà minuscule, à peine un jouet miniature perdu au milieu de l’océan. Le bleu du ciel aspirait son F16 dont l’altimètre semblait lui indiquer la voie de la liberté. Liberté immuable, tel était le nom de l’opération qui l’avait propulsé au firmament. Jamais il ne s’était senti aussi libre, Gijsels, pourtant harnaché au siège de son avion de chasse lesté de quatre bombes laser. C’était la première fois que pareille mission lui était confiée, un gage de confiance pour ce lieutenant de l’armée de l’air qui avait passé toute sa vie à attendre que quelque chose se passe. Lire la suite


Au cours d’un voyage récent dans les Pays Baltes, j’ai rencontré un jeune chercheur français, diplômé de Normale Sup. qui faisait une thèse de doctorat sur la langue live. Pas plus que moi, j’imagine, vous ne savez ce qu’est le live. Cette langue, qui n’a aucune tradition écrite, m’a-t-il expliqué, fait partie du groupe linguistique finno-baltique. Il m’a montré sur la carte, hachuré par ses soins, un petit bout de côte lettonne, en Courlande, où elle était parlée. Lire la suite


L’évasion, nous en caressons à chaque instant l’idée dans nos bureaux, nos bagnoles, nos supermarchés, nos lycées, prendre la clé des champs, changer de peau, ni vu ni connu, recommencer à zéro sous les tropiques, aux Pôles ou ailleurs, ou simplement faire le tour du monde à vélo ou à la voile, se fondre dans l’anonymat de Calcutta, de Shanghaï, de Lagos, de Bogota, que sais-je, juste pour voir ce que cela donne, voir sans être vu, une sorte de cache-cache avec soi-même, ne plus voir toutes ces tronches à la télé qui vous supplient de rester là rivé à votre écran sans quoi ce seraient elles qui risqueraient de valser, cette nausée parfois, ce goût de trop, plus que la goutte qui fait déborder le vase, ce trop-plein, cette envie de vomir et de se tirer le plus loin possible, quand ça vous prend parfois lentement ou tout d’un coup, ça s’installe dans tout votre corps, ça campe et alors vous tenaille ce désir de tout larguer, d’envoyer dinguer tout et tout le monde et de filer en douce avec ou sans bagages et surtout sans se retourner, à pied ou en voiture jusqu’à la prochaine gare puis un port lointain, sans la moindre carte, sans réservation, sans voucher, sans forfait pour remontées mécaniques, sans petit-déjeuner compris, sans Guide Michelin, sans Gault et Millau, sans billet de retour surtout et vous marchez là sur le sentier de gravier et vous songez une dernière fois, Lire la suite