Marc Wilmet naît à Charleroi, le 28 août 1938. Après des études secondaires à l’Athénée de Kœkelberg, il s’inscrit en philologie romane à l’Université libre de Bruxelles. Il a la chance d’assister aux débuts de trois grands maîtres : Roland Mortier, Albert Henry et Pierre Ruelle, qui développent en lui un double attrait pour la littérature et la langue françaises. Il obtient son diplôme de licencié, ainsi que le titre d’agrégé de l’enseignement moyen supérieur, en 1960, et devient professeur à l’Athénée royal de Woluwé-Saint-Lambert où il restera jusqu’en 1966. Il est alors nommé aspirant au Fonds national de la recherche scientifique (1966-1969) et, au mois de mai 1968, il soutient sa thèse de doctorat consacrée à l’étude du Système de l’indicatif en moyen français (Genève, Droz, 1970).
La période du moyen français, coincée entre les deux époques de haute culture que sont le XIIIe siècle et la Renaissance, était restée jusque-là le parent pauvre des études médiévales. Elle trouve simultanément des pionniers en France, en Allemagne, en Suisse, dans les pays scandinaves. Marc Wilmet dotera dès 1980 ce mouvement international d’une Syntaxe du moyen français restée classique, écrite en collaboration avec Robert Martin, professeur à la Sorbonne.
Les trois premières années de sa carrière universitaire, il les passera à l’étranger, d’abord à l’Université Lovanium de Kinshasa, où il est chargé de conférences, puis à l’Université de Sherbrooke, en tant que professeur adjoint. Là, il profitera de l’occasion pour fréquenter le Fonds Gustave Guillaume que Roch Valin, héritier spirituel et exécuteur testamentaire du linguiste français, venait de créer à l’Université Laval de Québec.
De retour en Belgique, il est nommé chargé de cours à la Vrije Universiteit Brussel et, quelques années plus tard, à l’Université libre de Bruxelles. Il exercera par la suite la charge de professeur ordinaire dans ces deux universités. Il dispensera également des enseignements au titre de professeur invité aux universités de Jérusalem, Nice, Cologne, Santiago de Compostela, Milan, Bologne et Tsuhuba.
En 1972, Marc Wilmet publie Gustave Guillaume et son école linguistique. Il s’agit d’un volume fort utile pour la compréhension des théories guillaumiennes. Clarifiant l’exposé, souvent ésotérique, du célèbre linguiste, il met en évidence les grandes lignes des théories de la psychomécanique du langage. Convaincu que l’admiration ne doit pas faire taire la lucidité, il souligne le caractère proprement génial de la recherche guillaumienne mais en épingle également les faiblesses. Séparant le bon grain de l’ivraie, il conservera du guillaumisme certaines notions qu’il adaptera à sa propre recherche, dont les deux axes principaux sont le verbe et le nom préparant, aujourd’hui, le couronnement de la phrase.
Les articles et autres publications qu’il leur consacre sont innombrables. En 1976, il fait paraître les Études de morpho-syntaxe verbale et, en 1986, La détermination nominale, ouvrage capital dont les mérites n’ont cessé d’être soulignés. Il y remet en question l’immobilisme de la tradition grammaticale à laquelle il substitue une vision plus descriptive et réflexive de la langue. Passionnante pour le spécialiste, La détermination nominale l’est également pour le simple usager de la langue, qui découvre les mécanismes cachés qui distinguent par exemple un savant amoureux d’un amoureux savant.
En 1994, Marc Wilmet s’essayait au genre du conte linguistique, transposant avec succès dans une fiction poétique, Antepost, qui lui vaudra le prix Gilles Nélod du conte, les principes de son analyse sur la place de l’adjectif français. Il s’intéresse encore à ces utilisateurs privilégiés du français que sont les écrivains. Ainsi, il consacre deux articles à Marcel Proust, et un ouvrage à Georges Brassens (1991).
Curieux de tout ce qui touche à la langue, Marc Wilmet est l’auteur de quelque trois cents articles les plus divers sur la linguistique, la stylistique, la grammaire historique. Son œuvre majeure est la Grammaire critique du français (1997; 3e éd. 2003).
Si la recherche compte pour l’essentiel dans la carrière de Marc Wilmet, l’enseignement y occupe une place importante. Développant l’esprit critique de ses étudiants, il enseigne aux futurs romanistes l’importance de la démarche descriptive et réflexive, qui sépare la linguistique de la grammaire normative. Car l’un des souhaits de Marc Wilmet, c’est «de faire descendre la réflexion authentiquement linguistique vers les classes secondaires», afin d’amener les jeunes à comprendre leur langue et à ne pas la confondre avec un ensemble de règles rigides ou abstraites. C’est encore au nom de la réflexion qu’il s’engage dans la polémique sur la féminisation des titres ou sur la réforme de l’orthographe, réclamant au nom de la logique une orthographe grammaticale cohérente et rationnelle.
Codirecteur de la revue Travaux de linguistique et de la collection «Champs linguistiques» éditées chez Duculot-De Bœck, ancien président et membre d’honneur à vie de la Société internationale de linguistique romane, docteur honoris causa de l’Université d’Uppsala, il est actuellement président du Conseil supérieur de la langue française de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Il travaille aujourd’hui à l’élaboration d’une vaste synthèse qui réconcilierait la linguistique théorique et la pédagogie.
Lauréat du prix Émile Francqui en 1986 pour avoir contribué de façon remarquable à confirmer et à renforcer le prestige de la Belgique dans le monde scientifique, Marc Wilmet a été élu le 14 juin 1986 à l’Académie de langue et de littératures françaises au siège de Maurice Piron.
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