Ways, 16 mars, jour gris

Cher Miguel,

Tes mots sont des étincelles et un baume dans la grisaille ambiante. Je lis tes lettres à l’artiste et j’en fais mon miel pour adoucir les jours sombres qui nous interdisent de prendre dans nos bras ceux qu’on aime. Le nouveau-né innocent qui aimerait être bercé et l’enfant rieur qui tend les petites mains vers ses grands-parents. Comment refuser leur attente ? Lire la suite


Sur la grande bleue démontée, un navire en perdition dévie vers la côte. Une haute falaise érigée de rochers pointus menace l’embarcation qui tangue furieusement, malmenée par la tempête. La mer courroucée déroule sa colère, démonte sa houle et ses vagues violentes éclatent de tous côtés. En butant sur la paroi rocheuse, inébranlable mur, elles se fracassent et renvoient vers le ciel l’écume rageuse. À peine plus au large, un frêle esquif lutte aussi contre les vagues. À la vue du bateau, une lueur d’espoir s’allume dans les yeux des migrants entassés dans le fond de l’embarcation. Frissonnants et déboussolés, ils invoquent leurs ancêtres. Des appels au secours montent en chœur des gosiers assoiffés, mais les cris de détresse de ces gens en quête d’un eldorado mythique n’arrivent pas aux oreilles des occupants du bateau. Lire la suite



Professeur de géographie à la retraite, Georges n’avais jamais voyagé autrement que dans son atlas. Il savait tout sur le relief et la nature du sol de n’importe quel pays du monde, sa faune et sa flore lui étaient familières, ainsi que ses richesses exploitées et exploitables. Fleuves et affluents formaient sur sa carte du monde des arabesques aux noms évocateurs d’aventures ; ponctuée de villes et griffée par les cordillères et les massifs montagneux, cette carte restait figée dans son esprit, avec ses océans toujours secs et coloriés de bleu. Lire la suite


— Dis, papy, c’est quoi l’argent ?

— L’argent, ma jolie, c’est quelque chose qui a pourri ma vie.

— Mais t’es pas si pourri que ça, papy, juste un peu flétri… Si t’étais pourri, il y a belle lurette qu’on t’aurait jeté hors du panier. Allez, dis, tu ne réponds pas vraiment à ma question.

— L’argent, c’était ce qui faisait courir le monde de mon temps. Lire la suite


La chambre est plongée dans l’obscurité. Il fait noir d’encre, car la fenêtre est complètement occultée et j’ai horreur des réveils à cristaux liquides. La nuit, il faut que le monde du dehors s’efface pour que j’oublie tout et que je puisse descendre dans le noir liquide avec lequel je réécris ma vie. J’échappe ainsi à la réalité. Mon corps change et s’anime, il devient poids plume, il vole et jouit. Tic-tac, tic-tac, je m’endors en me souvenant des impressions d’avant. Un autre monde s’ouvre. Un monde qui me poursuit et m’enferme à nouveau. Lire la suite


Dodo et Nico étaient les meilleurs amis du monde. Deux vieux potes qui se connaissaient depuis la maternelle et qui avaient fait les quatre cents coups ensemble… Deux sales gamins. À l’âge adulte, ils s’étaient un peu perdus de vue, comme c’est souvent le cas pour des amis d’enfance. Leurs idées ayant divergé, leurs chemins s’étaient écartés, bien que restant parallèles, à une distance respectable. Chacun chez soi, chacun menant sa vie professionnelle avec juste quelques contacts épisodiques, une tape sur l’épaule à un cocktail et quelques rires autour de vieux souvenirs. La vie qui va !

Aujourd’hui, Dodo est en prison. Comment en est-il arrivé là ? Il ne comprend pas… Ce qu’il a fait n’était pas si dramatique, il a juste voulu s’amuser un peu, comme toujours : on ne peut donc plus rigoler, outre-Atlantique ? Et si c’était un complot ourdi pour le couler, maintenant qu’il est un homme important ? Dodo se perd en conjectures. « En fait, pourquoi Nico ne fait-il rien pour me sortir de là ? Vu sa situation, ce ne devrait pas être si difficile… » Lire la suite