Mi-juin. Le soleil frémit sur les feuilles. Dans l’air dérivent des graines à aigrette. Des merles se poursuivent. Le pinson multiplie ses refrains amoureux. Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux[1], leurs photos en couleur, les titres à la une, les reportages des envoyés spéciaux. Il y a l’actualité quotidienne. Ses tragédies dans l’odeur du café.

 

Ils te regardent. Graves. Silencieux. Jouer, chanter, rire, sourire : ils ne l’ont pas appris. Ils ont des yeux écarquillés, du ventre gonflé, des bras comme fétus fragiles. Ton obole les vaccine. Les sauve. Ils ne mourront que plus tard. De faim peut-être. Ou recroquevillés dans la soute d’un cargo clandestin. Lire la suite



Déjà le veut noir a chanté et les flamboyants de l’aube sont au rendez-vous

Robert Goffin

Non le chant profond, héritier des cultures anciennes, forgé par les fils du vent. Secret, poignant, incantatoire. Flèche, flamme. En montagne brûlée. En jardins de myrte où murmurent les fontaines.

Non la chanson, écho de la saudade, qui résonne en ville blanche. Dans les quartiers haut perchés. Au coin des rues dallées menant à l’océan. Guitare et voix complices. Respiration du vague à l’âme, de la tristesse du destin.

Non le rythme, les notes bleues. Les gorges solidaires en champs de canne, de coton. Mémoire enfouie d’un continent perdu. D’une terre d’innocence, ignorante des chaînes. Citant pour se dire, se trouver. Cordes. Touches. Étincelles des yeux. Des cuivres. Lire la suite


Elle s’assied au bord de la terrasse.

Son père a raconté : leur hôte, les festins, l’étrange serviteur. Difforme et laid. Mais plein d’esprit. Elle s’étonne. Tant de disgrâce et telle intelligence ? S’il disait vrai, pourtant. Ainsi de son amie à la voix caressante, aux mots couleur de miel. Soudain plus amers que la bile, plus acérés que des épines.

La langue. La meilleure et la pire des choses ?

Elle file au rouet. Lire la suite


Nous sommes du même sang, toi et moi.

Rudyard Kipling

1

Le parc

On contemplait

une vaste pelouse

courbe

douce

En contrebas

parfois passait un train

Au pied de la grande perche

à la belle saison

s’affairaient les tireurs à l’arc

C’était un temps

de promenades en famille

où l’on ne sortait pas sans gants

où les enfants devaient se taire

Assise sur un banc

de l’allée principale

la jeune femme mince et droite

– chapeau de feutre

manteau clair –

sourit à l’objectif

depuis soixante années

La fillette à côté d’elle tient

sa poupée à deux mains

le garçon poursuit son rêve

les yeux au loin Lire la suite