Centre Rogier, Bruxelles, 1966
Les gens écrasaient la petite. Elle, si minuscule dans cet univers en mouvement. Elle ne savait pas où on l’avait emmenée. Clo-Clo, pas là. Sheila, pas là. Elle espérait ne pas perdre la main de la maman, ça lui arrivait de se tromper. « Aujourd’hui, je t’habille en rouge », avait dit la maman. « Ce sera plus facile de te retrouver si on se perd. » Les grands applaudissaient des personnes qui ne chantaient pas.
La maman avait l’air déçue. Le grand Youri Margarine n’avait pas pu venir à Bruxelles. Il était pourtant monté si haut. Il avait regardé de très loin la grosse boule sur laquelle on vivait. Tout ça, malgré son problème aux yeux. Youri ne connaissait pas les couleurs. Ce qu’il avait vu, on l’avait reçu dans le poste de télé. C’était noir ou blanc, comme le petit Michel au jardin d’enfants qui coloriait toujours tout en gris. « Elle est là ! » cria la maman. « C’est Valentina, Valentina Tereshkova ! » Une dame aussi, alors était redescendue du ciel comme Youri ? La femme fusée était gentille, elle, et venait dire bonjour à tout le monde, partout. Lire la suite →