pour adorable qu’elle puisse être
R.-M. Rilke

Comment va le monde ? !! Vous vous êtes déjà posé c’te question, Môssieur ? !! Comment va le monde ??? Soyons honnêtes, Môssieur !!! Avez-vous trouvé quelque part une once de réponse ??? Ailleurs, je veux dire !!! Ailleurs qu’ici !!! Oui, Môssieur ? !! Avez-vous trouvé quelque chose qui vous réponde ??? Ailleurs qu’ici ? !! Vraiment ??? Non, Môssieur, Non !!! Vous n’avez rien trouvé !!! Dans le cas contraire, vous vous abstiendriez !!! Mais là ??? Puisque c’est à moi que vous la posez, désormais !!! Vous ne pouviez mieux tomber, Môssieur !!! Vous avez frappé à la juste oreille !!! La bonne échoppe !!! Lire la suite


J’étais là, comme une bille, aussi dénué de toute impulsion personnelle qu’une bille. Je regardais mon téléviseur, puis mon gamin, debout, dans cette ridicule salopette turquoise que sa mère s’obstine à lui enfiler… il a encore réussi à lourder ses pantoufles… Mais cette salopette… Malin plaisir maternel ou sombre vengeance ? Allez comprendre pourquoi les mères d’aujourd’hui habillent leurs gosses comme des bouffons !!! J’ai vu, pas plus tard que l’autre soir, une gamine fringuée en orignal… d’un classieux… Et vas-y qu’je t’enfile une tunique verte avec des oreilles d’ourson… et vas-y que tu passeras de main en main avec ton bonnet pointu surmonté d’un gros grelot argenté, et vas-y qu’t’es un jouet, qu’on prendra des photos de toi qui ressurgiront lorsque t’auras quitté le nid pour fonder ta propre famille… et ta femme fera de même avec tes chiards… La condition humaine s’enseigne bien tôt dans notre monde. Au turbin dès l’âge de trois ans ou transformé en pelucheux, la condition humaine est un acquis précoce. Lire la suite


Pour Cassiel et Jacques De Decker

Qui ça intéresse encore ces vieilles histoires ? Et pourquoi ? De toute façon, tout va bien, non ? Et puis, avec le temps, ma mémoire s’est percée. Je me fais l’effet d’une baignoire dont on a retiré la bonde, et plus le temps passe, plus le rythme d’évacuation s’accélère d’un bruit de siphon. Comment ça a commencé ? À mon sens, ça a commencé tôt : on a toujours respiré un air modifié par la parole des autres. On a depuis toujours inhalé un air qu’on croyait aseptisé, mais c’est faux. Ce qu’on inspire est rechargé de scories et d’impuretés. On a avalé, voilà tout. Si tôt qu’on puisse même douter que ça avait commencé un jour. Et comment ça a commencé ? Sans doute que dès les origines du pays, c’était déjà là. Plus diffus. Alors, on était dans l’allégresse, mais c’était déjà là, dans le langage, déjà. Puis il y avait eu de l’histoire. Beaucoup. Quelques guerres… deux pour être précis. Moches. Terribles. Les occasions de marquer des antagonismes, réels ou fictifs, n’avaient pas manqué et on sait combien nommer un mal le fait vivre… Durant la seconde guerre, on avait d’ailleurs perdu quelque chose, un truc s’était abîmé. Cette seconde guerre finie… ça avait continué son chemin, dans l’ombre. Parfois l’ombre envahissait ceux qui gouvernaient. Tout était logique, aussi loin que je remontais, ça avait été là, parfois plus fort, parfois moins. Lire la suite


Pour Denys-Louis Colaux, vivant
André Beem et Luc Fr. Genicot, présents

Et l’histoire de l’homme qui avait choisi le chiffre sept comme porte-bonheur, la connaissez-vous ? Oui, sans doute, il existe, mode humaine s’il en est, en millions. Mais celle du bougre qui n’avait, de fait, rien choisi ? Je vous l’affirme, moi, sa vie était comme ça. Un défaut de l’horlogerie apportait à la mécanique un drôle de rythme, ça battait tic-tic-tic-tic-tic-tic-tic-tac… quelque peu irritant lorsqu’on se prenait à y prêter le tympan… Le connaissez ou reconnaissez-vous, cet entiché malgré lui du chiffre sept ? Moi bien, et intimement même. Imaginez que vous foiriez tout, sauf à la septième tentative ? Vous voyez de quoi je parle ? L’histoire du pauvre bougre qui se retrouve enchaîné aux sept directions, comme d’autres le sont par leurs deux poignets ou leurs quatre membres. La connaissez, cette histoire ? C’est la mienne. Lire la suite


Les lapins nous ressemblent

Dominique A.

Pour mes Jack(s) Legge & Keguenne

« L’hystérie, mes Lapins, l’hystérie nous gagne. L’issue elle-même s’estompe, mes Lapins !! » Pas étonnant me direz-vous, pas surprenant, par les climats qui courent… Même l’asphalte déroule un gluant ruban sur lequel sont piégées les carapaces ronflantes des insectes. Jimbo m’a téléphoné :

— Man, t’imagines pas ce qui arrive, Mec !!! Lire la suite



I have a dream

Martin Luther King

Pour Bob Merril et Michel Joiret

C’est quand j’ai papillonné des feuillures, ce matin, que le constat s’est imposé : c’était arrivé. Une rage à faire tomber les dents… la boîte à vif… les nerfs… mes pauvres nerfs… Lorsque j’ai ouvert les yeux, c’était déjà là. Lan-ci-nant. Pas palpable mais là… diffus, mais à écorner les cocus. Strident, mais… Des ratiches, j’en ai plus beaucoup… ça devrait donc limiter les risques d’infection, non ? On se dit ça, mais faut croire que pas. Lire la suite


Pour Evrahim Baran Édith Soonckindt Anne Guilbault Égée

(Notes prises au piège)

Après coup, ma conception de ton judaïsme s’est trouvée confirmée dans une certaine mesure par ton comportement au cours de ces dernières années.

Franz Kafka, Lettre au Père

Extrait du livre des Apophèties, chapitre XXXI, verset 9 à 65

Un jour II viendra et le peuple le portera aux urnes. Il donnera la puissance, et avec ce don, l’innommable normalité des vivants sur les morts.

Il dira à ses disciples : « Aux pierres, répondez par le feu. Si l’enfant se plaint, tuez ses parents ; si le pays vous repousse, ou bien la femme, labourez leurs entrailles. Cela est le seul message qu’il faille retenir de la paix des hommes. Agissez conformément à ce que votre parole ne dit pas. L’hypocrisie est un art, assurez-vous d’y exceller. En aucun cas vous ne saurez être de mauvaise foi : votre vérité est celle du vivant. Abel eut tort de n’être pas sur ses gardes, comme toutes les victimes. »

Et ce disant, Il changera l’identité de son peuple d’élection : celui-ci n’aura plus le droit de se revendiquer victime… il en acquerra d’autres. Les victimes ne seront plus, et tout qui sera tenté de se déclarer tel à son tour sera déconsidéré.

Alors le ciel sera plus rouge et les arbres plus sombres, alors, des nuées, s’ouvriront de nouvelles étoiles, de nouvelles lunes, de nouveaux astres qui n’auront que faire des hommes et la mort, parce qu’elle est ingrate pour ceux qui l’ont propagée, désignera ce peuple du doigt.

* Lire la suite


Ah ! J’en ai trop pris : Mais, cher Satan, je Vous en conjure, une prunelle moins irritée !

Rimbaud, Une saison en enfer

Pour Caroline Lamarche, Luce Wilquin, Égée

De cette balustrade d’où je domine ce que le monde laisse voir de sa peau, le frémissement des hommes ne m’émeut plus… le fracas de ces insectes dérangeants, assourdi par la distance et les mouvements de foules, m’est indifférent… Longtemps, j’ai observé leurs agissements, longtemps… j’ai pris part au monde des hommes par ma seule observation. Mais leurs jeux m’ont lassée… aussi vite que met cet adverbe à prendre sens pour un être au cœur de pierre. Lire la suite