L’église résonne. Presque vide. La voix chevrotante du prêtre retentit. L’assemblée est assise une chaise sur deux. Chacun reste loin l’un de l’autre pour ne pas s’effleurer. Ce sont les consignes sanitaires afin d’endiguer la pandémie du coronavirus. Jean a gardé ses garçons près de lui. Sa mère a pris place deux rangées derrière eux. Il n’a pu la serrer dans ses bras. Malgré la chaleur qu’offre cette semaine de mai, elle est emmitouflée dans son châle noir, dont elle a couvert sa bouche. Elle se demande si elle aurait osé porter un masque chirurgical dans une église. De toute façon, il n’y en avait plus à la pharmacie. Le cercueil de Madeleine est posé devant le chœur. Seule une gerbe de tulipes jaunes que Jean a achetée au supermarché est posée sur le bois clair. C’est le dernier bouquet qu’il offrira à sa femme. Les fleuristes, eux aussi, ont fermé leur boutique. Ses collègues n’ont pas pu venir parce que seule la famille proche est autorisée. C’est seul qu’il vivra cette ultime séparation. Il se devra d’être fort pour ses garçons. La famille de Madeleine est là : ses parents, ses quatre frères et sœurs, et leurs conjoints, pas leurs enfants. Avec la maladie, contre laquelle Madeleine se battait depuis deux ans, tous savaient que cette issue était probable. Mais ce que personne n’avait pu anticiper, c’était qu’un virus fulgurant vienne anéantir son combat ni la cruauté qu’il y avait dans le fait de lui dire au revoir à distance sans étreinte. La ville brisée et l’église déserte rendaient la résignation plus douloureuse encore et le moment glaçant. Personne à qui serrer la main. Il n’aura que celles de ses fils. La lumière a du mal à percer à travers les vitraux. Pourtant, c’est le printemps. Lire la suite