Rien ne semblait avoir changé, les plaines gorgées de pluie persévéraient dans l’identique, le jeu des langues n’en finissait pas de susciter d’inépuisables guerres intestines, la pestilence de l’air achevait d’anémier ce qui, de la vie, en traduisait les plus violentes expressions. Le monde ne cessait de rouler sur lui-même, dans l’illusion de qui pense avoir conquis le mouvement perpétuel alors que l’axe autour duquel il imaginait s’enrouler n’était plus que l’ombre d’une ombre. Quelques signes voilés en leur évidence laissaient pourtant entrevoir qu’un seuil avait été franchi, que le même avait été gros de son contraire. Parmi ces indices clairsemés, sans bruit ni fureur, la sourde levée d’un vent ininterrompu qui balayait l’espace, sans égard aucun pour les formes qui y étaient fichées, et faisait de tout obstacle l’ingrédient de sa conquête. Nulle mélodie des sphères n’accompagnait ce voyageur épris de lui-même, nul écran ne pouvait arrêter sa course échevelée, absolue en son extravagance. La radicalité de la transformation avait occulté sa visibilité et distillé un sentiment d’impunité irresponsable : abstraite de tout régime de l’action, la population se sentait davantage mue par des forces étrangères qu’actrice de sa propre histoire. Lire la suite →