Septembre 2001. L’économie mondiale vacille, le Nasdaq ne renaît pas de ses cendres, le journal belge Le Sacré Peuple envoie la bécasse à New York.

Elle est à la périphérie de Manhattan quand ça se passe. L’avion qui percute, le jet de fumée, la tour qui s’enflamme, des gens qui sautent des fenêtres, les ambulances. Elle court avec la foule, mais en sens inverse, elle est payée pour voir, décrire, donner un scoop, elle l’a le scoop, elle le pressent, elle court. Des gens tranquilles sortent de la tour, ça se passe à 400 m au-dessus d’eux, ils ont tout le temps, ça dure des minutes, une demi-heure, puis c’est l’autre impact, l’avion qui pénètre la deuxième tour, alors la foule crie, certains pleurent, d’autres bégaient des prières, tous lèvent la tête vers ces buildings qui grattent le ciel et flambent, tous implorent le Dieu du ciel, de la terre et de l’enfer, les pompiers montent chercher des blessés, des brûlés, des gens coincés, des gens qui téléphonent sur leur portable, qui disent des je t’aimerai toujours, des sanglots, la terreur au ventre, une multitude descend 74 étages, ça prend du temps, là-haut le feu calcine les poutres d’acier, et plus haut encore, dans les derniers étages, à 417 m du sol, devant le plus beau panorama du monde, les bureaucrates sans espoir sont coincés, sous leurs pieds le brasier. À une fenêtre, un homme agite sa chemise, il espère que là-bas, tout en bas quelqu’un va foncer pour le délivrer. Et la foule, tout en bas, pendant longtemps a vu cette chemise s’agiter tandis que le feu gagnait. Lire la suite



Âlif

El-Djazaïr, 7 Chaaban 1412

« Par le Temps ! », s’était exclamé le Prophète qui écrivait la Sourate 103 – Al-Asr. « Par le Temps ! L’homme est certes en perdition, sauf s’il accomplit les bonnes œuvres. » Et pourtant, que ne nous en libère-t-il, du Temps, Allah le Tout Miséricordieux qui a créé les cieux et la terre en six jours équivalant sans doute chacun à mille ans de notre calcul ! Que ne nous en libère-t-il, nous qui vivons chaque jour la fin du monde !

Plus d’eau. La Casbah est à sec. Les gorges s’assèchent. Les esprits se dessèchent. Les cœurs plus encore. La querelle est partout, et ne respecte plus rien. Même le soir de l’Aïd-el-Kebir les cagoulés ne nous ont pas laissé sacrifier le mouton en paix : notre Loubna (les Roumis savent-ils que ce beau nom signifie « arbrisseau de benjoin » ?), la chère enfant que Dieu nous a donnée, est rentrée en pleurs tant les crépitements des armes automatiques l’avaient effrayée en chemin. Lire la suite