Quand les quatre dieux (qui sont les quatre points cardinaux, qui sont les quatre éléments, mais qui ne sont pas les quatre vertus théologales) se réunirent, non pour créer le monde (il avait été créé sans eux) mais pour le rafistoler – c’était il y a environ cent millions d’années –, ils s’assirent et pensèrent à l’histoire et à la justice, comme le font les dieux quand ils s’accroupissent sur nos misères.
Parmi les quelques résolutions prises alors, il en est une – capitale – dont nous vivons actuellement les convulsions annoncées. Il fut décidé, dans un esprit de grande équité, d’accorder à chacune des principales parties du monde la suprématie sur les autres, pour un temps imparti par eux. Je m’explique : la pange, cette masse initiale et compacte de terres émergées, avait vécu. Les dieux, dont la prescience est grande, firent le pari de quatre continents, ce qui les arrangeait bien puisqu’ils étaient quatre. Ils tablèrent aussi sur une évolution exponentielle du progrès technique qui ferait s’accélérer le cours de l’histoire commune. À partir de là, ils mirent au point la règle suivante : la suprématie sur les autres parties du monde serait d’abord infiniment longue, puis de plus en plus courte pour les deux suivantes, et enfin sans fin pour le dernier des quatre, en réalité le plus malin. On pouvait, au choix, décider de régner vite et pour très longtemps ou alors attendre en embuscade d’être le dernier à entrer en lice. Il convenait en revanche d’éviter de régner en second, et plus encore en troisième position, ce qui revenait à obtenir la période de temps la plus brève. Jeu subtil, en vérité, impliquant la patience et l’impatience mais aussi la foi dans l’avenir, car les dieux n’exclurent à aucun moment que la terre soit détruite prématurément. Lire la suite →