Fixer enfin la vision tournoyante que j’ai toujours eue de ma terre d’origine. Détacher un peu de cette lumière qui baigne mes souvenirs français pour en éclairer Liège, La Louvière et Jemeppe-sur-Sambre. Y chercher un autre butin que des images de désastre. Essayer de faire coïncider les Wallonies successives et contradictoires qui se sont offertes à moi. Renoncer aux cavatines de la défaite.
L’opacité, l’ennui, l’immobilité, à quoi se résume dans ma mémoire toute mon enfance, laissent pourtant subsister quelques rares lézardes, par où filtrent des rayons obliques. Les jeux de visite médicale avec Jeanine Waelravens, de part et d’autre de la haie du jardin, ou bien ma conversion à la musique, le jour où j’ai entendu le deuxième mouvement de La jeune fille et la mort, j’y repense avec plaisir : ils se limitent pourtant à un simple savoir, ils n’ont aucune force sensible. Mais je ne peux entendre sonner à toute volée les cloches d’une église les jours de fête (comme ce 15 août à 10 heures dans ce village alsacien où j’écris ces lignes) sans me retrouver, moi-même et un autre, à Wavre, dans le présent éternel. Lire la suite
