Non, écoutez. Les jérémiades des ONG, de l’opinion internationale, les pressions démocratiques… nous n’en avons rien à foutre. Ça remue simplement les émotions à fleur de peau des téléspectateurs de CNN ou des télés locales. Ce qui est bon : qu’on parle de nous. Qu’on sache que nous existons. Que ça rappelle ce que nous exigeons. Revendiquons. Et non, non, non ça ne salit pas notre démarche. Taisez-vous. C’est quoi une image ? Hein ? c’est un morceau visuel du réel tiré de son contexte. Rien d’autre sauf qu’elle passe. On la voit. On la regarde. On reçoit un coup au cœur ou à l’estomac. On l’a oubliée après deux bouchées de pain avalées. Parfois même, on se dit qu’elle a été traficotée par l’informatique et compagnie. Puis, ensuite, on la classe l’image. Dans une banque de données, une réserve de musée de la photographie. Hop, terminé ! Bien sûr, on la ressortira peut-être pour une expo thématique, pour illustrer un manuel scolaire ou un bouquin d’histoire. Basta. Rien d’autre. Lire la suite


La guerre froide, qui avait gelé les relations entre plusieurs parties du globe, était éclipsée depuis quelque temps. Chaque bloc politique (et cela se lisait sur leurs blogs) supportait les autres sans pour autant en être supporter. Il y avait bien certains conflits de défoulement, l’une ou l’autre éruption terroriste. Rien de vraiment primordial : des estropiés, des éclopés, des trépassés et des disparus par-ci par-là. Chacun, de son côté, vaquait sereinement à ses occupations.

À l’Est, un personnage prenait, petit à petit, une ampleur enveloppante. Dans ses prestations, on l’appelait Vladimir P. Il faut avouer qu’en français, ça sonnait bien, si on peut dire. C’était aussi pédant et prétentieux que le personnage. D’origine russe évidemment, avec un prénom pareil. Encore que, au jour d’aujourd’hui, avec les prescriptions légales sur l’état civil, permissives à tout va, si bien qu’on a loisir de donner à ses poupons n’importe quel prénom à la con (dans les classes où elle professe, mon épouse a connu des filles affublées d’un « Fauve » !) toute aberration est devenue possible. Lire la suite


Nihil obstat.

Monseigneur l’archevêque van Mechelen-Brussels

Il eût pu se prénommer Félix, Auguste, Flavio ou même Jules, voire Marc-Antoine. Ses parents ne parvenaient pas à choisir. D’autant qu’in illo tempore, nul moyen n’existait de prévoir in utero le sexe du petit ange qui serait mis bas après quarante semaines de gestation.

Ils réfutèrent cependant d’office Quasimodo, car leur rejeton serait forcément beau ; Nemo car il deviendrait fatalement quelqu’un ; Marius car propriété folklorique d’un écrivain francophone marseillais ; Néro, car bien qu’augurant une vocation de pyromane, ceci désignait un détective états-unien susceptible de finir en bande dessinée (or dans le lignage, il y avait eu déjà un ancêtre, De Mesmaeker, et chacun savait ce qu’il en advint via les aventures de « Gaston »)… Le problème fit périodiquement l’objet de réunions in situ du clan, sans qu’un accord ne fût conclu. Lire la suite


Petit, il avait toujours été lanterne rouge à l’école. À chaque bulletin, c’est le rouge au front qu’il allait chercher ses non-points devant les faces rougeaudes et hilares de ses camarades de classe. Lorsqu’il jouait aux cowboys et aux indiens, il endossait toujours le rôle de ses derniers. Lorsqu’il suçait une sucette, il fallait qu’elle soit à la grenadine. Lire la suite


Fausto Bama : mister le président

May Fistonne : conseillère sexy

Bretzel Ski : conseilleur occulte

Ellari Blingtong : secrétaire en état

Voix off : une standardiste de standing

 

SCÈNE 1

 

Bureau ovale. Téléphones par dizaines. Ordinateurs, écrans. Lire la suite



On voit en gros plan Régis, l’ancêtre, le roi qui entre en agonie après un règne exceptionnel de cent cinquante années. Il a convoqué ses deux fils engendrés de deux souveraines différentes mais successives. Il leur parle à voix basse. À chacun, voici déjà plutôt longtemps, il a donné la moitié de son royaume pour qu’ils puissent y vivre et y prospérer. L’un a installé sa famille et ses descendants sur les Ambivalents. Le cadet s’est construit sa demeure et celle des siens sur l’Amphibie. Restait, secondaire, le fief de l’aire des Entredeux, qui a droit à l’existence mais guère à la parole parce qu’accordé à la sœur cadette, femme et bâtarde de surcroît.

On observe en flash-back que le pays vit de la sorte depuis un temps quasiment immémorial. Il lui a fallu trouver un modus vivendi afin que des deux côtés le développement fût harmonieux. L’accord a été rapidement scellé entre les princes : par peur de sombrer dans les dégradations de la consanguinité, il fut décidé que les Ambivaliens iraient chercher leurs épouses au sud des frontières, tandis que les Amphibiens remonteraient vers le nord. La fertilité de ce duo fut telle qu’en quelques décennies les populations se répandirent à travers toutes les terres disponibles. Lire la suite