Chaque incision, chaque brûlure est une parole imprononçable. Chacune de ses blessures est un langage inaccessible. Un motif harcelant qu’elle traque au fond de sa douleur, répétant furieusement toujours la même phrase, le même fragment de phrase, la même bribe incomplète et qui la dévaste, cherchant à retrouver le sens, le texte indéchiffrable qu’elle veut que son corps dise. Lire la suite


J’étais venue pour elle. J’avais loué un vélo dans une rampe perpendiculaire à la digue, chez Freddy Cycles. Au milieu des cuistax, des cabriolets à pédales, des attelages de canards et d’autruches, j’avais élu une bicyclette rouge vif avec porte-bagages, pompe et sonnette d’argent. Ce véhicule de l’enfance me montrerait le chemin.

Une fois en selle, je m’étais hasardée dans les avenues bordées de saules et, peu à peu, j’avais cru identifier un carrefour, l’une ou l’autre villa, un bosquet, un tennis. Cependant, à mesure que j’approchais, mon impatience hésitait, mon allure faiblissait. Au moment de franchir le dernier tournant qui me séparait d’elle, j’ai mis pied à terre et j’ai regardé devant moi en direction de ce que je ne voyais pas encore, figée sur place dans une étrange inquiétude. Lire la suite


C’est  ma chambre d’enfant. Ma chambre de jeune fille. Avec Mickey et Pluto sur les murs. Mes poupées de Peynet sur l’étagère. Les tentures en vichy rose de mes treize ans. Mon père ne dit rien. Personne ne dit rien. C’est un jeune homme bien. Il porte une chemise à col boutonné et une cravate. Ses ongles sont coupés court. Il sait par cœur Le lac de Lamartine. Ma mère l’a écouté en caressant ses perles (ses émeraudes).  Lire la suite



Il va là-bas. Revoir des petits-cousins et des arrière-neveux. “Petits” parce qu’ils sont loin. “Arrière” parce qu’il leur tourne le dos. Des silhouettes derrière lui qui s’effacent au bout d’une route. Il va revoir sa grand-mère aussi, et sa grand-tante, et son grand-oncle. Des personnes qu’il dit grandes, mais qui sont surtout vieilles. Grandes comme les ombres qui pèsent sur lui. Ses ancêtres. Ses lares. Lire la suite


C’est une histoire terrible. Une histoire de feu, de foudre et de courroux du Ciel. Une histoire de punition et de vengeance. Une histoire de Bien et de Mal. D’élus de Dieu et d’infidèles. De sainte foi et de barbares. Une histoire de juste cause et de martyre.

Cela se passe dans une tour,
à Nicomédie, aux alentours du troisième siècle (1). Lire la suite


Peuple de peu de foi! Que deviennent tes vaches? Et que ne songes-tu à leurs intercesseurs? Les Monon, les Walhère au fond de leurs chapelles resteront-ils longtemps privés de ta ferveur? Loin de tes dévotions faut-il qu’ils s’assoupissent sur l’autel d’une église que tu ne fréquentes plus? Tu les crois impuissants quand il faut qu’ils agissent? Aux maladies nouvelles ils ne seraient pas rompus? Ce n’est pas de leur temps? Les prions les effraient? Et toutes tes prières ne les atteignent pas? Leurs contrats de sainteté seraient-ils donc caduques? Seraient-ils périmés sans le zèle de ta foi? Mais, s’ils croisent les bras devant ce qui se passe, ne s’agirait-il pas de redire leur nom et de les ranimer de leur désuétude pour qu’ils sauvent les vaches de cette génération? Que Monon dans la main reprenne bravement sa palme et fièrement son livre et qu’il caresse enfin, avec cette bonté qui apaise et qui calme, la tête de la vache qui à ses pieds se tient! Prions, prions, mes frères, pour les vaches martyres et que ce mot n’évoque plus la contagion, mais redevienne celui qui toujours nous invite à plus de sainteté et plus d’adoration! Lire la suite