À Philippe, Michel, Robert, Mireille, Serge, Micheline, Daniel et quelques autres, dont certains — ils s’en souviennent — allaient suivre le catéchisme,
en français, à Dilbeek, dans la paroisse la plus proche de notre petite école,
là où, comme partout alors aux alentours du Luizenmolen ou dans les prairies
de Scherdemael, de Vlezenbeek, de Lennik et de Neerpede, nous étions chez nous.
Quo vadis, Belgica ? Pardon ? Ah ! C’est du latin ! Vous m’en direz tant ! Mais nous n’apprenons pas le latin ! Nous avons déjà assez avec le français et le flamand ! Vous savez, nous n’avons que huit ans ! Un livre ? De Sienkiewicz (1) ? C’est rigolo comme nom. Redites-le pour voir ! Un film (2) ? Oui, bien sûr, nous allons au cinéma. Le dimanche matin, au Métro, rue Wayez, avec les tickets de la Croix-Rouge. Mais Quo vadis ? comme vous dites, ça, nous n’avons jamais vu. Ça raconte quoi, d’abord ? Ah ! Une histoire avec Jésus ! C’est pas de chance. Jésus, vous savez, ici, on n’en parle pas beaucoup. C’est l’école laïque. Nous, ce que nous voyons au cinéma, c’est des histoires avec « Den dikke en den dunne (3) ». Comment ? Vous ne connaissez pas « Den dikke en den dunne » ? Enfin, Laurel et Hardy, vous ne connaissez pas ? Ah bon ! Quand même ! Oui, ici, c’est comme ça qu’on dit : « Den dikke en den dunne ». Nous sommes à Bruxelles, non ? Nous ne faisons pas tellement de manières avec les mots. Nous ne disons pas « poil aux bras », d’ailleurs, ni « poil au nez ». Nous ne sommes pas si stijf (4). Chez nous, c’est « zotte boma (5) », « scheile Marei (6) », « stoeme Josei (7) », « slume Sophei (8) » et tous des trucs comme ça. Ça dépend évidemment de ce qui doit rimer avec. Mais il faut nous excuser. Nous n’avons pas le temps de rester discuter. Nous devons aller préparer la fête de la commune. Déjà que nos récréations sont raccourcies ! Lire la suite →